Mes Humeurs : Une ville, une mémoire
La Presse — J’ai revisité récemment la coquette ville italienne de Rimini sur l’Adriatique, à chaque fois j’ai le même sentiment : ses citoyens ont une conscience aiguë du soin de leur cité. Les rues sont propres, les parcs dont un immense (Parco Cervi) sont bien entretenus, des pistes cyclables, d’autres piétonnes, pas de klaxons, les transports publics sont à l’heure pile-poil, beaucoup de vélos, la marina attirante, etc.
Rimini se distingue par trois monuments : l’Arc d’Auguste, (27 av.J.C), le Pont de Tibère (-1er siècle) et Le Temple de Malatesta (ou Tempio Malatestiano), chef-d’œuvre de la Renaissance. La vieille ville est très soignée (cela semble aller de soi), l’artère principale, le Corso Augusto, est animée, des pavés brillants, des boutiques de luxe, pas de fausse note.
La mairie a ajouté à ces monuments un personnage contemporain que le monde entier connaît et dont le nom est lié à la ville : Federico Fellini, natif de la cité. Visite obligée au musée qui porte son nom ; à l’intérieur, on découvre les débuts du maestro, jeune journaliste, ses nombreux dessins imprimés sur les vitres, au plafond, on est captivé par le Christ, transporté dans l’hélicoptère de la Dolce Vita, Giulietta Massina, femme et héroïne de Fellini occupe la deuxième salle, son portrait, tiré de ses films, décliné sur plusieurs écrans.
Un tissu animé par des ventilateurs reproduit une fausse mer (Fellini aimait filmer les paysages marins). Plus loin on découvre les dessins oniriques du maître, les musiques de son complice Nino Rota, des portraits de l’étalon du Latin lover Marcello Mastroianni, etc, etc. En plus de ce quartier où se trouve le cinéma Fulgor que fréquentait le maestro Fellini, des boutiques aux noms liés aux films du maître, une Tabaccheria porte le nom Amarcord, un jardin en son nom voisine avec un autre jardin au nom de sa femme : un hôtel sur Longuo Mare du nom de la Gradisca, l’une des héroïnes du film Amarcord.
C’est peu dire que Fellini a bâti une nouvelle image, moderne de sa ville, sa maison natale, des places, une rue, un parc, des boutiques de commerces divers portent son nom. Fatalement, ces lieux, ces noms, la magie d’une ville sont rentrés dans ma mémoire comme des souvenirs de mon passé.
Du coup je relis quelques passages du roman Rue des Boutiques Obscures, Goncourt 1978, de Patrick Modiano, Prix Nobel de littérature qui, avec son style, sa musique vétuste, a hissé le thème du souvenir à la hauteur d’un art. Le thème de la mémoire est le fil conducteur des romans de Modiano.
Mais ce n’est pas son Paris, ni les lieux de Rimini qui remontent à la surface de ma mémoire, c’est ma ville natale : Tunis. Non pas le Tunis actuel suranné de ma mémoire, la mémoire de l’enfance et de l’adolescence, de mon imagination aussi. J’ai évoqué dans des Humeurs anciennes des pans de Tunis, parcs, piscine, bancs publics…, les sujets du mobilier et de l’immobilier urbain est riche. J’y reviendrai.