Lutte antidrogue : Face au fléau mondial de la drogue, la Tunisie en état d’alerte
Devant les députés réunis lundi 10 novembre, pour l’examen du budget 2026 du ministère de l’Intérieur, Khaled Nouri a dressé un tableau sans détour, selon lequel la Tunisie mène une «vraie guerre» contre les narcotrafiquants. Entre stratégie sécuritaire renforcée, lutte préventive et enjeux de souveraineté numérique, le ministre a mis en garde contre un fléau mondial dont les ramifications pourraient menacer la stabilité du pays.
La Presse — «La Tunisie mène aujourd’hui une vraie guerre contre les narcotrafiquants», a affirmé le ministre de l’Intérieur, Khaled Nouri, devant les députés, à l’occasion de l’examen du budget de son département pour 2026. Le ministre a détaillé une stratégie «à double détente» : d’une part, une approche proactive ciblant les routes et points d’accès du trafic de drogue dès la frontière, et d’autre part, des opérations de démantèlement des réseaux criminels à travers des campagnes sécuritaires d’envergure. Selon lui, les récentes saisies massives de stupéfiants illustrent la détermination des forces de l’ordre à contrer un phénomène dont la sophistication et les ramifications économiques menacent la stabilité nationale.
Aux portes du pays
Si la Tunisie multiplie les coups de filet et renforce ses dispositifs de surveillance, la menace reste considérable. L’expérience de pays comme le Mexique ou la Colombie montre à quel point le narcotrafic peut gangrener l’économie, corrompre les institutions et déstabiliser les sociétés lorsqu’il prend racine.
Dans ces pays, hélas, les cartels ne se contentent plus de faire commerce, ils prennent possession de régions entières, transformées en zones de non-droit où la loi des armes remplace celle de l’Etat. Ces territoires, livrés aux trafics, aux règlements de comptes et à une violence inouïe, deviennent de véritables enclaves hors du contrôle public, où les populations vivent dans la peur, prises en otage par un système criminel aussi organisé, puissant que brutal.
La position géographique de la Tunisie, au carrefour de la Méditerranée, en fait un point de transit potentiel vers l’Europe et l’Afrique. Face à l’ampleur du marché mondial de la drogue, estimé à des centaines de milliards de dollars, le risque de submersion est donc réel si les politiques de prévention, de coopération internationale et de résilience sociale ne suivent pas le rythme des réseaux criminels.
Protéger la jeunesse et le tissu social
Le ministre a également évoqué la sécurisation des abords des établissements scolaires et universitaires, un enjeu crucial alors que la consommation de stupéfiants touche de plus en plus les jeunes. Les forces de sécurité, a-t-il assuré, mènent quotidiennement des opérations de contrôle et de sensibilisation afin de prévenir les dérives et de préserver le tissu social. Au-delà de la répression, c’est une véritable politique publique de santé, d’éducation et d’inclusion sociale qu’il faudra consolider pour réduire la vulnérabilité des jeunes, face à la tentation de la drogue et à la culture de l’argent facile que les réseaux promeuvent.
Les fléaux qui nourrissent le trafic
Si le trafic de drogue reste un fléau d’une incroyable résilience, c’est en grande partie parce qu’il prospère là où se conjuguent plusieurs crises systémiques. La pauvreté et le manque d’opportunités économiques poussent certains à rejoindre des réseaux criminels par nécessité. La corruption institutionnelle permet aux trafiquants de circuler avec une impunité relative, fragilisant l’efficacité des forces de l’ordre.
Les inégalités sociales et régionales, la fragilité des Etats et les conflits armés créent des zones de non-droit où la loi est absente ou faible, offrant un terreau fertile aux réseaux. Enfin, la demande constante — que ce soit pour la drogue, les produits contrefaits ou l’exploitation humaine — assure la rentabilité des filières et rend toute éradication quasi impossible. Ces fléaux, enchevêtrés, expliquent pourquoi le trafic n’est jamais totalement vaincu, parce qu’il s’adapte, se réinvente et profite des failles économiques, sociales et politiques.
De la cybersécurité à la souveraineté de l’Etat
Abordant d’autres défis, Khaled Nouri a mis également l’accent sur la cybersécurité, désormais considérée comme un pilier de la souveraineté nationale. Il a appelé à la mise en place d’un système national intégré capable de protéger les institutions et les infrastructures critiques contre les menaces numériques.
Dans un monde où le crime organisé se digitalise, la lutte contre le narcotrafic ne se joue plus seulement dans la rue ou aux frontières, mais aussi dans le cyberespace, où plateformes cryptées, services financiers en ligne et réseaux sociaux servent à coordonner opérations et transferts illicites.
Pour faire face à cette réalité, la Tunisie doit développer des capacités de cyber-surveillance et de renseignement numérique, tout en renforçant la coordination nationale et la coopération internationale. Seule une approche intégrée, combinant vigilance technologique et alliances stratégiques, permettra de protéger les infrastructures nationales, sécuriser les citoyens et garantir la souveraineté de l’Etat face à des menaces de plus en plus sophistiquées.
Un combat de longue haleine
La «guerre contre la drogue» ne se gagnera pas uniquement par la force, mais par la persévérance, la cohérence et une vision d’ensemble. Il ne suffit pas d’arrêter, de saisir et de juger. Il faut aussi comprendre, prévenir et reconstruire. Car avec chaque réseau démantelé, il y a un terrain social fragilisé, des jeunes souvent déscolarisés et désorientés, une économie parallèle qui prospère sur les failles du système.
Le combat que la Tunisie mène aujourd’hui ne se joue pas seulement dans les commissariats ou aux frontières, il se joue dans les écoles, les familles, les quartiers sensibles, là où le désespoir devient une porte d’entrée pour les trafiquants. Affirmer sa détermination, c’est une étape essentielle pour l’Etat.
Mais cette détermination doit s’accompagner d’une politique publique globale, où la justice soutient la prévention, où l’éducation devient un rempart, et où la coopération internationale aide à tracer et assécher les flux financiers qui alimentent ce commerce dangereux.
Face à la puissance économique et technologique du narcotrafic mondial, la Tunisie devra ainsi conjuguer fermeté et intelligence stratégique, mais aussi cultiver sa résilience sociale. C’est une bataille de longue haleine, une épreuve de volonté nationale. Si elle parvient à la mener avec lucidité et unité, notre pays ne sera pas seulement en mesure de résister, mais il donnera un exemple rare ; celui d’un Etat qui a su défendre sa jeunesse et préserver sa souveraineté face à l’un des périls les plus redoutables de notre temps.