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Pain sans sel : quand les Tunisiens changent leurs habitudes alimentaires

  • 16 novembre 11:33
  • 4 min de lecture
Pain sans sel : quand les Tunisiens changent leurs habitudes alimentaires

À Bardo, dans la banlieue ouest de Tunis, Kamal a été surpris par la rapidité avec laquelle le pain sans sel disparaît des rayons de certaines boulangeries. Un employé lui a expliqué que ce type de pain se vend en à peine deux heures après sa mise en vente, signe d’un intérêt croissant des consommateurs pour une alimentation plus saine.

Selon l’employé, la demande pour ce pain a fortement augmenté ces dernières années, au point que les boulangeries ont dû doubler leur production quotidienne. Kamal, cadre dans une entreprise privée, a choisi de modifier son alimentation afin d’éviter les complications liées à un excès de sel et d’additifs, présents en quantités élevées dans le pain traditionnel tunisien.

“Je ne supporte plus le goût salé de certains pains et d’autres plats populaires ou alimentaires transformés, qui contiennent des niveaux élevés de sel. Avec l’âge, cela peut provoquer des maladies comme l’hypertension, souvent silencieuse”, explique-t-il, dans une déclaration à l’agence Tap. Les données médicales indiquent que 33 % des Tunisiens souffrent d’hypertension, en grande partie en raison d’habitudes alimentaires peu équilibrées, notamment une consommation excessive de sel provenant du pain.

Changement des habitudes et prise de conscience

Ces dernières années, la culture de consommation d’aliments sains en Tunisie a connu une nette évolution. Les consommateurs se tournent vers des pains variés, riches en fibres, tels que ceux à base de blé complet, d’orge ou de céréales, ainsi que vers le pain faible ou sans sel, considéré comme une alternative saine au pain traditionnel.

Les spécialistes de la nutrition soutiennent que réduire le sel dans le pain est une mesure essentielle de santé publique, le pain représentant 35 à 40 % de la consommation quotidienne de sel. Dans certaines boulangeries, les responsables ont autorisé une réduction volontaire de la quantité de sel, conscients des risques pour la santé des citoyens et de l’importance de sensibiliser le public.

Le sel est un facteur majeur de maladies cardiovasculaires, diabète, obésité et certains cancers, rappelle Dr. Chiraz El-Baji, experte à l’Institut national de nutrition et technologie alimentaire. Selon elle, réduire de 30 % le sel dans le pain et reformuler sa composition est devenu une nécessité sanitaire.

En février 2025, l’Institut national de nutrition, en partenariat avec l’UTICA et la Chambre nationale des boulangers, a lancé une initiative pilote pour améliorer la valeur nutritionnelle du pain subventionné, en réduisant le sel, augmentant les fibres, le fer et les vitamines, et en revenant à une fabrication traditionnelle avec levure naturelle. Cette initiative a débuté avec 50 boulangeries du Grand Tunis et sera progressivement étendue au niveau national.

Réforme de la composition du pain et contrôle

Les ministères de la Santé, de l’Agriculture et du Commerce ont présenté un projet national de reformulation du pain, visant à réduire le sel et à augmenter l’extraction de la farine de blé tendre de 78 % à 85 %, afin de renforcer les fibres, minéraux et vitamines. Ces mesures seront intégrées à la politique nationale de soutien alimentaire et accompagnées d’un contrôle régulier de la qualité du pain.

Les experts en nutrition recommandent également l’usage d’épices naturelles comme l’ail, le citron, le poivre ou le vinaigre pour améliorer la saveur sans ajouter de sel. Selon l’OMS, le pain en Tunisie contient plus de 6 grammes de sel par unité, l’un des taux les plus élevés au monde. Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité dans le pays.

La sensibilisation aux risques liés au sel et aux maladies non transmissibles nécessite la mobilisation des pouvoirs publics, de la société civile et des institutions, avec l’intégration de la santé, de la culture et du sport pour promouvoir des modes de vie plus sains. L’OMS considère désormais la santé publique comme un objectif sociétal partagé, et la réduction du sel dans le pain est un exemple concret de cette stratégie.

Auteur

La Presse