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Culture

Le Khôl el Arbi en lice pour le Patrimoine immatériel de l’UNESCO

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  • 18 novembre 13:06
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Le Khôl el Arbi en lice pour le Patrimoine immatériel de l’UNESCO

Le Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel se penchera, lors de sa vingtième session ordinaire du 8 au 13 décembre 2025 à New Delhi (Inde) sur l’examen des candidatures de 68 éléments, (dont certaines sont multinationales), présentées par 78 pays du monde entier pour inscription sur les Listes de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

Parmi les candidatures multinationales figure le dossier arabe conjoint du « Khôl » ou « al Khol al-arbi », déposé le 2 avril 2024 pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Il est porté par neuf pays : la Syrie, l’Irak, la Jordanie, la Libye, Oman, la Palestine, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et la Tunisie dont la fiche d’inventaire national du patrimoine culturel immatériel déposée par le Centre des arts, de la culture et des lettres (CACL) met en avant le cadre géographique, la description détaillée de l’élément, les étapes de fabrication, les usages et la transmission de cette pratique aux nouvelles générations, en tant que savoir-faire lié à l’artisanat traditionnel.

L’utilisation du khôl est courante dans toutes les régions du pays et constitue une pratique sociale partagée par différentes tranches d’âge, tant dans la vie quotidienne que lors de nombreuses cérémonies. Toutefois, la fabrication du khôl selon des méthodes traditionnelles a connu un recul, se limitant aujourd’hui à quelques artisanes en milieu rural et, plus rarement, en milieu urbain, même si cette tradition demeure profondément ancrée.

Si l’usage du khôl à des fins esthétiques s’est diffusé dans l’ensemble du territoire, le sud tunisien reste la région la plus étroitement associée à cette pratique et à ses rituels, notamment masculins, dans un cadre cérémoniel spécifique absent dans d’autres régions, comme le nord. L’usage du khôl depuis l’antiquité par des sociétés et des civilisations aux coutumes et cultures différentes, et sur de longues périodes historiques, a produit un élément riche en diversité et en symbolique d’un pays à l’autre, et au sein d’un même pays entre ses différentes régions Depuis l’Antiquité, les femmes accordent une grande importance à la beauté, développant matériaux et outils pour répondre à ce désir d’être belle. Ainsi, elles ont extrait de la nature les matières premières et les ingrédients dont elles ont besoin, issus de plantes, de pierres voire même de certains animaux à partir desquels elles fabriquaient des cosmétiques selon des étapes précises. Parmi les produits les plus anciens et les plus durables figure le khôl, largement utilisé encore aujourd’hui malgré l’essor des cosmétiques modernes. Il demeure l’un des matériaux les plus anciens employés tant pour la beauté que pour la médecine.

La fabrication du khôl passe par plusieurs étapes, dont la sélection de la pierre d’antimoine afin d’en garantir la qualité. Celle-ci est soit trempée dans l’eau après avoir été enveloppée dans un linge propre, soit placée directement sur le feu dans un pot en terre cuite jusqu’à ce qu’elle s’effrite et se purifie. Les morceaux d’antimoine sont ensuite broyés dans un mortier de cuivre, avec l’ajout mesuré d’autres ingrédients, notamment des noyaux de dattes. Si, dans certaines régions, le noyau de datte demeure un composant secondaire, il constitue l’ingrédient principal dans d’autres, notamment dans le sud tunisien, terre de palmeraies et de dattes réputées. Les noyaux sont lavés, séchés au soleil, puis grillés à feu doux jusqu’à noircissement complet. Ils sont ensuite broyés, tamisés et stockés dans de petits récipients en verre ou dans un récipient à khôl en cuivre, avant de procéder à l’application qui se fait à l’aide d’un bâtonnet de cuivre ou de bois appelé « mirwed ».

Le khôl est l’un des matériaux les plus importants pour mettre en valeur la beauté des yeux et créer un halo noir bien spécifique. S’il est particulièrement utilisé par les femmes au quotidien comme lors des cérémonies festives et fêtes religieuses, il est également employé par les hommes voire les enfants.

Au-delà de son usage esthétique, le khôl, considéré comme « Sunna du Prophète », notamment le jour d’Achoura, possède une dimension thérapeutique reconnue : il purifie les yeux, protège des infections, améliore la vue et favorise la pousse des cils et même des cheveux. Dans les régions désertiques et le sud tunisien, les hommes l’appliquent pour se protéger des maladies oculaires et des tempêtes de sable.

Dans plusieurs régions, le khôl demeure une tradition qui perdure : le marié en est paré le soir de ses noces, les garçons en sont ornés à l’occasion de la circoncision, les femmes l’appliquent le mercredi soir, convaincues qu’il protège toute une vie, et sur le front des nouveau-nés, un léger trait est déposé pour les mettre à l’abri des maladies et du mauvais œil.

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La Presse