Un forum international aux ambitions continentales se tient ce jeudi et vendredi au Palais des Congrès de Tunis. Objectif : faire du pays un hub médical reliant l’expertise chinoise aux besoins sanitaires africains.
Les 21 et 22 novembre 2025, la capitale tunisienne accueille le Forum pour le développement de la médecine sino-africaine. Cette rencontre, fruit d’un programme élaboré conjointement par Tunis et Pékin, traduit une ambition affichée : transformer la Tunisie en plateforme d’échanges entre deux continents sur les questions de santé.
Le Professeur Ahmed Laatar, qui dirige le service de rhumatologie à l’Hôpital Mongi Slim de La Marsa, a détaillé les contours de ce projet lors d’une interview accordée à RTCI. Ancien responsable du Centre de Médecine Traditionnelle Chinoise de La Marsa et coordinateur du jumelage avec l’Hôpital de Médecine Traditionnelle du Jiangxi, il inscrit cette initiative dans la continuité d’une coopération médicale sino-tunisienne vieille d’un demi-siècle.
Une dynamique diplomatique récente
Cette collaboration a connu une accélération notable. Des visites officielles de haut niveau en 2024 et 2025, dont celles du président tunisien et du ministre de la Santé, ont renforcé les liens bilatéraux. L’exemption de visa accordée aux Tunisiens voyageant vers la Chine facilite désormais les échanges entre professionnels de santé.
Le forum réunit à parité des intervenants tunisiens et chinois. Particularité de l’événement : près de la moitié des participants sont issus du monde entrepreneurial et des start-up. Cette dimension économique assumée vise à générer des collaborations concrètes au-delà des échanges académiques.
Les débats s’articulent autour de thématiques précises. La médecine traditionnelle et la phytothérapie constituent le premier volet. La Chine dispose d’un répertoire de plusieurs centaines de plantes médicinales, tandis que la Tunisie possède une flore aux caractéristiques distinctes. Les échanges de connaissances dans ce domaine représentent un intérêt mutuel.
L’acupuncture forme le deuxième pilier. Cette pratique, enseignée en Tunisie depuis 1994, s’est imposée comme la principale médecine alternative du pays. Les technologies innovantes et l’intelligence artificielle complètent le programme. La Chine développe notamment des dispositifs d’aide au diagnostic exploitant l’analyse faciale ou linguale.
L’argument économique au cœur du discours
Le Pr Laatar insiste sur le concept de médecine intégrative, qui associe approches traditionnelles et modernes. Cette combinaison permettrait, selon lui, d’améliorer les résultats thérapeutiques tout en réduisant la consommation de médicaments, leurs effets secondaires et les dépenses de santé.
Ce dernier point constitue un argument central pour les pays africains et pour la Tunisie, confrontés au poids financier des traitements pharmaceutiques contemporains. L’intégration de méthodes alternatives est présentée comme une réponse pragmatique à ces contraintes budgétaires.
Concernant l’acupuncture spécifiquement, le professeur en circonscrit les applications validées. Son efficacité concerne principalement la gestion de la douleur, notamment dans les pathologies ostéo-articulaires : arthrose, lombalgies, certains rhumatismes inflammatoires.
Elle trouve également des indications dans le traitement du stress, des troubles du sommeil et de problèmes digestifs. Le spécialiste souligne que cette pratique bénéficie d’un enseignement universitaire officiel en Tunisie, que les aiguilles sont strictement à usage unique et que des bases scientifiques, notamment par imagerie cérébrale, valident son mécanisme d’action.
Des collaborations opérationnelles déjà actives
Le jumelage entre l’Hôpital Mongi Slim et l’établissement de Nanchang constitue un pilier concret de cette coopération. Il permet actuellement l’envoi d’étudiants et de médecins tunisiens en Chine pour des formations intégralement financées par l’institution partenaire.
À plus long terme, les autorités tunisiennes visent l’autonomisation du dispositif.
Cela passe par la formation de formateurs locaux et le déploiement progressif de l’acupuncture dans les structures de soins primaires à travers tout le territoire national.
Le Pr Laatar minimise les obstacles potentiels. Les réticences culturelles s’effaceraient face à une demande publique croissante, tandis que les autorités sanitaires adopteraient une posture de plus en plus favorable. La réputation de l’excellence médicale tunisienne sur le continent africain constitue, selon lui, un atout majeur pour légitimer cette ambition de hub.