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IA et transformation digitale de l’entreprise tunisienne : Un potentiel bloqué par les mentalités !

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  • 25 novembre 18:45
  • 6 min de lecture
IA et transformation digitale de l’entreprise tunisienne : Un potentiel bloqué par les mentalités !

Entre résistance au changement, réticence à prendre des risques et méconnaissance des nouveaux outils technologiques, les entreprises tunisiennes peinent encore à réussir leur digitalisation. Peut-être n’y voient-elles pas un avantage décisif. Pourtant, la transformation digitale et désormais l’intégration de l’IA leur ouvrent de nouvelles perspectives et opportunités. Un investissement qui s’avère hautement rentable.

La Presse — La digitalisation de l’entreprise tunisienne était au cœur d’un débat tenu récemment à Tunis, sous le thème « IA et transformation digitale : entre croissance, adaptation et rupture ».

Organisée en marge du Forum méditerranéen de l’IA, dans le cadre du projet « Savoirs éco », financé par l’Union européenne et mis en œuvre par « Expertise France » et le programme « Pamt 2 », cette rencontre a réuni des experts, des spécialistes et des journalistes autour d’un sujet qui continue d’occuper le devant de la scène.

Une offre intéressante en matière d’IA

Interrogé par La Presse sur l’offre tunisienne en matière d’IA, Maledh Marrakchi, maître de conférences à l’Enit et spécialiste de l’intelligence artificielle, a déclaré que l’écosystème tunisien de l’IA est « très dynamique, avec un nombre croissant de jeunes talents tunisiens qui font un très bon travail ». Mais, selon lui, un décalage persiste entre l’offre et une demande encore immature. 

« Le problème qui se pose, c’est que, d’un côté, il existe potentiellement une offre très intéressante au niveau de l’IA en Tunisie, mais de l’autre, il n’y a pas forcément un lien avec la demande.

Il n’y a pas encore suffisamment de prise de conscience au sein de l’entreprise tunisienne quant aux avantages et aux opportunités qu’offre l’intelligence artificielle dans cette transformation », a-t-il affirmé. Cette réticence s’explique, selon lui, par une méconnaissance de la technologie et des impacts transformateurs qu’elle peut entraîner. 

« Quand on ne connaît pas quelque chose, on a en quelque sorte peur de l’inconnu.

C’est pour cette raison qu’un grand travail doit être effectué au sein des entreprises tunisiennes pour qu’il y ait une prise de conscience. Les choses n’attendent pas et la vague de l’IA est désormais là. Peut-être qu’on ne la ressent pas encore pleinement dans notre contexte, mais elle viendra inéluctablement », a-t-il insisté.

Marrakchi a poursuivi en soulignant que les entreprises doivent se préparer à ces changements, et surtout ne pas percevoir l’IA comme une menace pour les ressources humaines. Au contraire, il s’agit d’un outil qui renforce leur capacité à améliorer le rendement et la productivité.

Il a ajouté que des projets pilotes pourraient être menés dans des entreprises publiques afin de montrer la voie et d’inciter les entreprises tunisiennes à solliciter un accompagnement dans cette transformation. « Un accompagnement peut être proposé au bénéfice de l’entreprise tunisienne pour qu’elle évolue dans une zone à moindre risque, car l’entreprise reste toujours dans une logique de rentabilité et de marché. Elle n’est pas prête à prendre des risques », a-t-il souligné.

Au sein de l’entreprise, tout le monde est concerné 

« La transition digitale est l’affaire de tous les membres de l’entreprise », a déclaré, de son côté, Nozha Boujemaa, spécialiste en IA et membre du groupe d’experts de l’Ocde.

Elle a rappelé que, d’une manière générale, la transition digitale représente un grand défi pour les entreprises, en Tunisie comme ailleurs.

Une transition qui nécessite des moyens, certes, mais aussi une prise de conscience de son importance. 

Elle a insisté sur le fait que la transformation digitale est une responsabilité collective, puisque les données, pilier majeur de la digitalisation, sont produites par différents départements au sein de l’organisation.

« Tout le cycle de vie de la donnée est important dès le moment de sa génération », a-t-elle souligné. 

Elle a ajouté que la transition digitale implique une transformation des mentalités et des habitudes au sein de l’entreprise, d’où la nécessité de former tous les membres afin qu’ils deviennent acteurs de cette transformation, et qu’elle ne reste pas une décision stratégique dépourvue d’incarnation opérationnelle sur le terrain. Interrogée sur le coût de la digitalisation, l’experte a expliqué que, même si les PME disposent de moyens financiers modestes, elles doivent investir dans la digitalisation car le retour sur investissement est important. 

« Il faut surtout considérer la transformation digitale non comme une charge supplémentaire coûteuse pour l’entreprise, mais comme un investissement générateur de revenus.

L’impact positif se fera sentir au niveau de l’optimisation des processus business, productivité incluse, et permettra de gagner du temps. Et le temps, c’est de l’argent pour les entreprises », a-t-elle noté.

Un impact limité ? 

Revenant sur les résultats de l’enquête sur l’économie du savoir, dévoilés l’année dernière par l’Itceq, Olfa Bouzayen, directrice des études sur l’économie du savoir au sein de l’institut, a rappelé que près de 50 % des entreprises tunisiennes se sont engagées dans un processus de digitalisation.

Ce taux est plus élevé pour les entreprises publiques qui, propulsées par l’Etat, investissent davantage dans les technologies.

Mais les fruits de ces investissements se font moins sentir dans le public que dans le privé, a-t-elle remarqué.

Un phénomène qui s’explique par une résistance au changement plus marquée au sein des entreprises publiques, mais aussi par la pénurie de compétences dans le numérique.

L’enquête a, également, révélé que les entreprises adoptent des technologies moins sophistiquées, et que le nombre de celles ayant recours à des outils plus pointues, tels que les logiciels comptables ou les ERP, reste limité.

Elle a en outre indiqué que l’Itceq se penchera, en 2026, sur une nouvelle enquête ciblant les entreprises les plus digitalisées, avec pour objectif d’évaluer leur degré de préparation à l’intégration de l’IA générative.

Par ailleurs, l’institut publiera au cours du premier trimestre 2026 les résultats d’un rapport portant sur l’impact de la transformation digitale sur la compétitivité, la performance et l’innovation des entreprises tunisiennes.

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Auteur

Marwa Saidi