Les femmes bénéficient-elles de leurs droits à la santé et à la sécurité au travail ? Il semble que oui pour certaines, et non pour d’autres ! Le Code du travail considère que les travailleurs sont égaux en matière de droits et de devoirs. Le principe de l’égalité entre l’homme et la femme, voire de la non–discrimination sur fond sexiste, est clair dans l’article 5. D’autres articles législatifs protègent les droits de la femme active.
Toutefois, entre la loi et la réalité, le fossé se creuse dans certains secteurs.
La Presse — Il faut savoir, d’emblée, que la loi est la même pour les hommes comme pour les femmes. Ce fond d’égalité est dénoté par la focalisation sur deux opposés : les employeurs et les employé(e)s, indépendamment de leur genre. Le droit à la santé et à la sécurité au travail (SST) est garanti par plusieurs articles du Code du travail.
« Le deuxième point de l’article 152 du Code du travail met l’employeur face à ses obligations en matière de (SST) au profit de ses employés, qu’ils soient hommes ou femmes. L’employeur doit informer ses employés, au préalable, sur les éventuels risques sanitaires et sécuritaires, relevant de l’activité ou encore de la tâche professionnelle qu’ils sont appelés à accomplir », indique M. Houssine Baccouche, chargé de mission auprès du ministre des Affaires sociales et chargé du dossier de la SST, à La Presse.
Il cite, aussi, le décret 328 en date du 22/10/ 1968, qui exige, de la part de l’employeur, de doter le local professionnel de toutes commodités nécessaires à l’hygiène, à la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment la garantie de l’eau potable, de l’éclairage, de l’aération, du raccordement au système d’assainissement et d’évacuation des eaux usées, mais aussi la mise en place de toilettes réservées aux hommes et autres aux femmes, de vestiaires — si possible — et d’un espace permettant aux femmes allaitantes d’exprimer leur lait pour leurs bébés.
« La loi numéro 95-56 du 28 juin 1995 réglemente la réparation des préjudices causés par des accidents de travail ou encore par des maladies professionnelles dans le secteur public. Par ailleurs, la loi numéro 28-94 du 21 février 1994 porte sur la réparation des préjudices causés par des accidents de travail ou des maladies professionnelles dans le privé », renchérit M. Baccouche. Et d’ajouter que l’Inspection de la médecine du travail veille sur l’application de la loi du travail ; des sanctions sont infligées aux réfractaires.
Autres lois, établies dans le but de protéger les travailleurs, hommes et femmes, des risques professionnels et de leur assurer leurs droits à la santé et à la sécurité au travail : la ratification par la Tunisie de la Convention 187 du Bureau international du travail (BIT) vient renforcer l’arsenal législatif en la matière.
Droits mixtes et autres, féminins !
Revenant aux droits spécifiques aux femmes au travail. Parmi les points strictement réservés aux femmes dans le milieu professionnel figure le respect du congé de maternité. En effet, tout employeur doit accorder le droit à un congé de maternité aux femmes qui viennent d’accoucher.
D’autant plus qu’il n’a pas le droit de rompre le contrat professionnel d’une employée durant cette période. Mieux encore : si une employée enceinte s’absente — pour des complications dues à la grossesse —, l’employeur se doit de lui accorder un congé et de ne pas l’interrompre à condition qu’il ne dépasse pas les douze semaines.
Cela dit, qu’elle soit jeune fille, mariée, divorcée, enceinte ou allaitante, jeune ou moins jeune, une femme active doit bénéficier de conditions de travail décentes et d’une rémunération juste. Le milieu du travail doit être rassurant et respectueux de l’intégrité corporelle et morale des femmes. Rappelons, aussi, que la loi organique 58-2017 interdit et condamne toute forme de violence à l’égard des femmes.
Lois et principes à demi-mesure…
Tous ces droits légitimes, confirmés et promus par la législation sont mis au pied du mur du moment qu’il s’agisse des travailleuses actives dans le secteur informel ; une réalité qu’avoue M. Baccouche en soulignant : « Certaines activités professionnelles mal structurées — et qui font l’objet, actuellement, d’une feuille de route pour la protection de ses travailleurs, à l’instar du secteur agricole — comptent d’innombrables lacunes, tant au niveau de la médecine du travail, de la sécurité professionnelle et même au niveau des signalements quant aux accidents de travail et aux maladies professionnelles ».
Le secteur informel demeure, indéniablement, une arme à double tranchant : pourtant utile, son illégalité voue une bonne partie de la population active — surtout celle féminine — à la discrimination, à la marginalisation et à la violence économique.
Parler de conditions de travail décentes pour des femmes rurales surexploitées dans le secteur agricole serait un leurre ; des femmes dont les heures de travail accaparent la quasi-totalité de leurs journées, dont la rémunération s’avère être minime en comparaison avec l’effort fourni, des femmes actives qui ne bénéficient pas de la couverture sociale, pas même de moyens de transport sécurisés…
C’est le cas aussi des aide-ménagères et des femmes « barbechas » qui collectent le plastique… Ces dernières, dont le travail constitue le maillon fort de la chaîne de recyclage du plastique, encourent tant de risques sanitaires « professionnels » et ne jouissent d’aucuns des droits préconisés par le Code du travail. Le secteur informel n’est, certes, pas soumis aux normes du secteur réglementé. Néanmoins, il continue à être utilisé à des fins parfaitement structurées…
Aussi, les droits des femmes à la santé et à la sécurité au travail (SST) excèdent-ils la seule application des lois — laquelle n’est toujours pas optimale d’ailleurs — pour s’avérer les éventuels fruits d’une culture anti-disparités ! Pour que la santé et la sécurité au travail (SST ) soient accessibles à tous — par respect infaillible du principe de l’égalité —, il faudrait lutter contre la disparité de genre ( homme/ femme ), de niveau d’instruction ( instruit/ analphabète ou de niveau primaire ), de milieu ( urbain/ rural ) et de secteur ( formel / informel ).