gradient blue
gradient blue
Economie

À cause du trop-plein de pétrole : Les prix mondiaux des matières premières seront au plus bas en 2026

  • 1 décembre 18:30
  • 7 min de lecture
À cause du trop-plein de pétrole : Les prix mondiaux des matières premières seront au plus bas en 2026

Les prix des matières premières devraient tomber en 2026 à leur plus bas niveau depuis six ans. Les pressions inflationnistes s’atténuent, mais les tensions géopolitiques assombrissent les perspectives.

La Presse — Selon la Banque mondiale, le cours du pétrole devrait continuer à baisser en 2026, du fait d’une surproduction. Dans son dernier rapport publié fin octobre 2025, la Banque mondiale explique que le prix du pétrole, après avoir atteint 120 dollars en 2022,–le taux le plus élevé lors de la guerre en Ukraine–, il est ainsi redescendu aux alentours de 80 dollars en 2023 et 2024, avant de passer sous les 70 dollars à la fin de l’année 2025. Puis il devrait baisser de nouveau en 2026, en tutoyant la barre des 60 dollars.

A quoi est due cette baisse du cours de l’or noir ? A sa surabondance, précise la Banque mondiale. Celle-ci s’est « considérablement accentuée en 2025 et devrait encore augmenter l’année prochaine, pour atteindre un niveau supérieur de 65 % au pic enregistré en 2020 », explique-t-elle.

L’Agence internationale de l’énergie prévoit « un excédent de 4 millions de barils par jour en 2026, soit 1,6 million de barils par jour de plus que l’excédent observé en 2020, au plus fort de la pandémie», ajoute la BM.

Plusieurs éléments expliquent l’excès de production. En Chine, par exemple, la demande pétrolière a ralenti, du fait des efforts pour rendre son économie plus « verte » et du renouvellement de son parc automobile. « La popularité croissante des voitures hybrides à l’échelle mondiale contribue aussi à réduire la dépendance au pétrole traditionnel, favorisant ainsi la transition énergétique ».

Pour l’économie mondiale, elle fait face à une période d’incertitude, notamment à cause des droits de douane mis en place par l’administration américaine. En outre, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole élargie (Opep+) « a boosté sa production pour reconquérir des parts de marché perdues, ce qui a un impact économique ».

Les incertitudes persistent

La BM annonce qu’une gestion de l’excès est possible, mais plusieurs incertitudes persistent. Les estimations de la banque reposent sur « l’hypothèse que les tensions géopolitiques ne vont pas s’intensifier. Cependant, un conflit entre de grandes puissances, comme la Russie et l’Ukraine ou dans le Proche-Orient, pourrait chambouler la situation des cours pétroliers ».

Le rapport montre aussi que les cours mondiaux des produits de base devraient poursuivre leur descente pour la quatrième année consécutive, pour tomber en 2026 à leur plus bas niveau depuis six ans. Les prix devraient fléchir de 7 % en 2025 et en 2026, sous l’effet d’une croissance économique mondiale atone et d’une incertitude politique persistante. 

« Le déclin des prix de l’énergie contribue à atténuer l’inflation mondiale, tandis que celui des prix du riz et du blé a pour effet de rendre des denrées alimentaires de base plus abordables dans un certain nombre de pays en développement ». Malgré les baisses récentes, les prix des produits de base restent supérieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie, à hauteur de +23 % en 2025 par rapport à 2019 et +14 % en 2026.

D’après l’analyse d’Indermit Gill, économiste en chef de la Banque mondiale et premier vice-président pour l’Economie du développement, « les marchés des produits de base contribuent à stabiliser l’économie mondiale. Le recul significatif des cours de l’énergie a permis de faire baisser l’inflation mondiale des prix à la consommation.

Ce répit ne durera pas, et les gouvernements devraient tirer parti de la situation actuelle pour remettre de l’ordre dans les finances publiques, améliorer l’environnement des affaires et accélérer les échanges commerciaux et les investissements ».

Les prix des denrées alimentaires diminueraient également, avec des projections de baisse de 6,1 % en 2025 et de 0,3 % en 2026. Les cours du soja sont en recul en 2025 en raison d’une production record et des tensions commerciales, mais ils devraient se stabiliser au cours des deux prochaines années, indique la BM.

Ceux du café et du cacao devraient baisser en 2026 à la faveur d’une offre plus abondante. Les prix des engrais devraient en revanche connaître un bond de 21 % en 2025, du fait de la hausse des coûts des intrants et des restrictions commerciales, puis enregistrer une baisse de 5 % en 2026. « Le renchérissement des engrais est susceptible d’éroder davantage les marges bénéficiaires des agriculteurs et suscite des inquiétudes quant aux rendements agricoles futurs ». 

Selon la même source, « les cours des métaux précieux ont atteint des niveaux record en 2025, tirés par la demande d’actifs sûrs et les achats soutenus des banques centrales ». Le prix de l’or, valeur refuge par excellence dans les périodes d’incertitude économique, devrait augmenter de 42 % en 2025, puis de 5 % l’année prochaine, pour atteindre un niveau presque deux fois supérieur à la moyenne enregistrée entre 2015 et 2019. 

L’économiste en chef de la BM souligne que « la baisse des prix des produits de base pourrait s’avérer plus forte que prévu si la croissance mondiale restent faible, sur fond de poursuite des tensions commerciales et d’incertitude entourant les politiques économiques.

Une production de pétrole plus importante que prévu par les pays de l’Opep+ pourrait augmenter le trop-plein d’or noir sur le marché et exercer une pression à la baisse supplémentaire sur les prix de l’énergie. Les ventes de véhicules électriques, qui devraient fortement augmenter d’ici à 2030, pourraient en outre réduire encore la demande de pétrole ». 

Et d’ajouter que : « Les tensions géopolitiques et les conflits pourraient faire grimper les cours pétroliers et stimuler la demande de matières premières refuges comme l’or et l’argent. Dans le cas du pétrole, l’impact de sanctions supplémentaires sur le marché est également susceptible d’entraîner une hausse des prix supérieure aux prévisions de référence ». 

Par ailleurs, des conditions climatiques extrêmes pourraient impacter la production agricole et accroître la demande d’électricité pour les besoins de chauffage et de refroidissement, ce qui pourrait accentuer la pression sur les prix de l’alimentation et de l’énergie. 

Des réformes budgétaires dans le viseur 

Par ailleurs, Ayhan Kose, économiste en chef adjoint de la Banque mondiale et directeur de la cellule Perspectives, tire l’attention sur la baisse des prix du pétrole, qui « offre aux économies en développement la possibilité de faire avancer des réformes budgétaires favorisant la croissance et la création d’emplois ».

Ainsi, l’élimination progressive de subventions aux carburants coûteuses peut libérer des ressources pour le développement des infrastructures et du capital humain, des domaines qui créent des emplois et renforcent la productivité à long terme, explique-t-il. « De telles réformes contribueraient à réorienter les dépenses de consommation vers l’investissement, ce qui permettrait de reconstituer les marges de manœuvre budgétaires », ajoute l’économiste en chef. 

Impact sur les pays africains 

Pour les économies africaines, fortement tributaires des exportations de ressources, les projections révèlent des vulnérabilités structurelles mais aussi des opportunités de réforme. Dans son rapport, la Banque mondiale dessine un paysage contrasté pour les matières premières africaines.

Dans l’énergie, le pétrole Brent devrait s’effondrer à 60 dollars/baril en 2026 (contre 81 dollars le baril en 2024, ou encore environ 68 dollars le baril en 2025), plombé par un excédent d’offre mondiale (+65 % par rapport à 2020) et une demande atone. Une chute qui devrait impacter lourdement les économies pétrolières comme le Nigeria, l’Angola ou l’Algérie, dépendantes des recettes d’exportation.

Auteur

Najoua Hizaoui