Projet de la Sebkha Ben Ghayadha : Un contrat stratégique qui change la donne
Les autorités espèrent une accélération rapide des prochaines étapes, afin de concrétiser ce projet stratégique et faire de Mahdia un modèle national en matière de développement urbain intégré.
La Presse — Le gouvernorat de Mahdia a annoncé hier, mardi 2 décembre, la signature du contrat d’appui de l’État pour le choix d’un partenaire stratégique chargé de réaliser le projet de développement de la Sebkha Ben Ghayadha. L’accord a été conclu entre l’Instance générale de partenariat public-privé (Igppp) et le groupement MAP/ARLYNK/PwC, au profit de la Société d’études et d’aménagement de la Sebkha Ben Ghayadha.
La cérémonie s’est déroulée en présence du ministre de l’Équipement et de l’Habitat, Slah Zouari, du gouverneur de Mahdia, Anis Laadhari, du président de l’Igpp, Atef Majdoub, de la présidente-directrice générale de la Société d’études et d’aménagement de la Sebkha Ben Ghayadha, Hela Dessim Rahmouni, ainsi que de représentants parlementaires, de responsables nationaux et régionaux, et des membres du consortium sélectionné.
Un comité de pilotage annoncé
Dans son intervention, le ministre a souligné que cette signature consacre une nouvelle phase dans la réforme et la relance des grands projets structurants, conformément aux orientations du Président de la République, Kaïs Saïed, et aux décisions de la Haute commission chargée de l’accélération des projets publics. «Le projet Ben Ghayadha vise la création d’une ville intelligente, durable et ouverte sur le littoral, intégrant des espaces urbains, économiques, touristiques et de services», a-t-il indiqué.
Salah Zouari a aussi insisté sur l’importance des partenariats élargis pour mener à bien un projet d’une telle envergure, appelant l’ensemble des acteurs institutionnels et locaux à accompagner la Société d’études et le groupement de conseils dans toutes les phases du processus.
Par la même occasion, le ministre a aussi annoncé la création prochaine d’un Comité de pilotage, chargé de fournir les informations, documents et avis nécessaires à l’avancement du projet. «Ce comité aura pour mission d’encadrer les étapes clés, d’enrichir les études et de garantir l’ouverture du projet à de nouvelles opportunités d’investissement», a-t-il expliqué.
La ministre a aussi précisé que l’administration mettra à disposition toutes les études et tous les documents antérieurs, tout en soulignant que ceux-ci ne doivent pas constituer une contrainte. «Nous devons rester ouverts, écouter les citoyens, les institutions et les experts, et construire un projet qui réponde réellement aux attentes des habitants et des investisseurs», a-t-il affirmé.
Un projet urbain intégré
De son côté, le gouverneur de Mahdia, Anis Laadhari, a réaffirmé l’importance stratégique du projet de développement de la Sebkha Ben Ghayadha, qui constitue un véritable moteur économique, touristique et environnemental, visant à créer une ville intelligente et intégrée, conciliant urbanisme, nature et activités économiques diversifiées. Le gouverneur a aussi souligné que le projet offrira de nombreuses opportunités d’investissement, tant nationales qu’internationales, et renforcera la capacité de développement urbain et économique de Mahdia. Il a précisé que la réussite de ce projet reposera sur une coopération étroite entre la société en charge du développement de la Sebkha Ben Ghayadha et les grandes institutions nationales.
Anis Laadhari a, en outre, insisté sur l’engagement du gouvernorat de Mahdia à fournir toute l’assistance nécessaire afin de garantir la bonne marche du projet et son déroulement dans les meilleures conditions pos- sibles. Il a rappelé que cette initiative constitue une étape majeure dans le processus de modernisation et d’urbanisation de la région, avec des retombées positives pour les générations actuelles et futures.
Un avis partagé par Hela Dessim Rahmouni, qui a présenté le projet comme une initiative à fort potentiel de création d’emplois et de valeur ajoutée pour l’économie nationale. «Nous voulons transformer un espace marginalisé en un modèle de ville intelligente, respectueuse de l’environnement et génératrice d’opportunités», a-t-elle souligné. Le projet couvrira 142 hectares sur la côte sud de Mahdia, avec la création de pôles touristiques, commerciaux et de services, ainsi qu’une ville intelligente aux standards internationaux. Aujourd’hui, 99,5% du terrain appartient à l’État, après des opérations de réhabilitation ayant assaini la lagune autrefois marécageuse.
Rahmouni a aussi précisé que ces aménagements ont déjà amélioré le cadre de vie des habitants. La sebkha, désormais écologiquement stabilisée, constitue une réserve foncière stratégique pour le développement futur du littoral. Le projet s’inscrit dans la politique nationale de requalification du littoral, visant à dynamiser l’activité économique toute l’année, y compris durant les saisons creuses.
Ouvrir une nouvelle dimension aux investisseurs privés
Selon Atef Majdoub, le projet bénéficie d’un suivi rapproché du gouvernement tunisien, conformément aux orientations de la haute commission chargée de l’accélération des projets publics, réunie le 23 octobre 2024. Il a rappelé que l’Igppp accompagne la Société Ben Ghayadha depuis début 2024 dans la préparation du plan d’affaires et la structuration opérationnelle du projet. «L’Instance joue un rôle technique, stratégique et d’orientation afin d’assurer la bonne exécution des différentes phases du partenariat public-privé», a-t-il indiqué, tout en ajoutant que le projet est aussi appuyé par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui finance la mission d’appui et figure parmi les investisseurs potentiels de la seconde phase.
Dans ce même cadre, Majdoub a précisé que le groupement MAP/ ARLYNK/PwC aura pour mission, sur une période de près de deux ans, de réaliser les études techniques et économiques, de promouvoir le projet et d’attirer des investisseurs de référence en vue de sélectionner un partenaire stratégique.
«Les autorités locales affirment que la réhabilitation de la sabkha constitue un levier majeur de développement intégré, susceptible de transformer Mahdia en un pôle économique et social d’envergure nationale. Le futur comité de pilotage devra donc coordonner les efforts et garantir une approche participative», a-t-il encore précisé, tout en assurant que les travaux sur le terrain devraient être lancés dès la sélection du partenaire investisseur, première étape vers la concrétisation de ce projet structurant pour la région.
Pour sa part, Renaud Tarrazi, fondateur de l’agence MAP, a souligné l’importance et le caractère expérimental du projet pour l’avenir des partenariats public-privé en Tunisie.
Tarrazi a affirmé que ce projet pourrait ouvrir une nouvelle dimension aux investissements privés dans le pays,
notamment dans les secteurs touristique et économique. Il a aussi rappelé que la mission confiée au groupement dépasse l’architecture et l’urbanisme. «Elle consiste à mobiliser et à attirer les investisseurs capables de s’engager dans ce vaste chantier d’aménagement côtier. C’est une très grande responsabilité», a-t-il déclaré, tout en assurant que son équipe la portera pleinement. Découvrant Mahdia pour la première fois, il a qualifié la région de «joyau sur le rivage tunisien», estimant que la zone de Ben Ghayadha constitue «une véritable perle» pour un développement urbain exemplaire. Il a également salué le travail préparatoire réalisé par la direction de la Société Ben Ghayadha, tout en assurant que le groupement s’engage à revenir aussi souvent que nécessaire pour accompagner la concrétisation du projet et répondre aux ambitions fixées.
Vers une approche participative
Le directeur projet MAP, Borhene Dhaouadi, a quant à lui présenté les grandes lignes méthodologiques qui guideront la réalisation du projet, soulignant que le contrat conclu avec l’État repose sur six étapes majeures destinées à assurer une préparation rigoureuse et participative. La première phase, déjà entamée, consiste à analyser et à capitaliser sur les travaux réalisés lors du concours d’urbanisme de 2021, afin d’établir une programmation urbaine actualisée et cohérente avec les ambitions du site.
Le responsable a également mis l’accent sur la spécificité du foncier de Ben Ghayadha, qualifié de «hautement stratégique», ce qui exige, selon lui, le choix d’un investisseur «apte à porter le projet sur le long terme» et à répondre aux attentes des générations futures. Il a rappelé que les habitants, notamment ceux installés autour de la zone, ont fait part de leurs préoccupations et aspirations, lesquelles seront intégrées dans l’élaboration du projet. Insistant sur la dimension participative, Dhaouadi a annoncé l’organisation de 13 workshops thématiques, parallèlement aux livrables techniques prévus par le contrat. Ces ateliers porteront notamment sur l’environnement, l’intégration du secteur agricole, la smart city, l’implication des jeunes et des femmes, l’inclusion économique des populations locales… «Ce ne sont pas des obligations contractuelles, mais une démarche volontaire, car ce projet nous tient à cœur», a-t-il affirmé.
Sur le plan de la promotion internationale, Dhaouadi souhaite que le projet soit présenté en mars prochain au Mipim de Cannes, considéré comme le plus grand rendez-vous mondial de l’immobilier. Cette démarche vise à attirer des groupements d’investisseurs de haut niveau en amont du lancement de l’appel d’offres, prévu dans un délai d’un an à un an et demi. «L’enjeu n’est pas seulement de publier un appel d’offres, mais de préparer des candidats solides et informés… Nous voulons coconstruire ce projet ensemble», a-t-il assuré.

