Jack Dongarra, Chercheur américain et lauréat du prix Turing 2022, à La Presse : « L’impact de l’IA sera immense »
Point d’orgue de la tournée “Al-Khawarizmi Tour”, la conférence scientifique donnée hier par le Pr Jack Dongarra, lauréat du prix ACM Turing 2022, considéré comme le «prix Nobel de l’informatique», a captivé l’attention d’un auditoire composé de jeunes étudiants, tous suspendus à ses lèvres. Mathématicien de formation, le chercheur américain s’est notamment spécialisé dans les algorithmes d’algèbre linéaire et les outils de calcul parallèle.
Le prix Turing lui a été décerné pour récompenser ses contributions majeures dans le domaine des logiciels pour supercalculateurs. Sa présence à Tunis a constitué un événement d’envergure pour la communauté scientifique tunisienne. Rencontré en marge de la manifestation, il nous a accordé un entretien.
C’est votre première fois en Tunisie. Comment avez-vous trouvé les échanges avec les jeunes étudiants et ingénieurs tunisiens ?
Je suis ici depuis moins de 24 heures, et je trouve les échanges très stimulants. Les discussions que nous avons eues ont été enrichissantes. C’est toujours agréable de voir autant de jeunes et d’échanger avec eux. C’est pour moi une formidable opportunité d’interagir avec autant de personnes.
Vous qui êtes spécialisé dans le domaine de l’IA, comment décrivez-vous aujourd’hui son niveau d’avancement ? Peut-on s’attendre à une amélioration de ses performances dans les prochaines années ?
Oh, l’IA n’en est encore qu’à ses balbutiements, et elle revêt une importance considérable dans tout ce que nous faisons. Elle va progresser de manière spectaculaire dans les années à venir. Nous allons en apprendre davantage sur les algorithmes, sur la façon de les améliorer et d’utiliser efficacement nos technologies de calcul. Son impact sera immense.
Elle aura plus d’influence qu’Internet n’en a eu, et elle affectera chacun d’entre nous de manière très positive.
C’est aussi le cas pour l’IA générative ?
Absolument. Les progrès ne pourront aller que dans un seul sens : vers le haut. C’est très prometteur.
Pensez-vous que nous puissions réduire l’écart qui existe entre les pays dans le domaine de l’IA ?
Nous devons coopérer. Dans la recherche scientifique, il n’y a pas de frontières. Nous communiquons, discutons et collaborons avec des personnes du monde entier. C’est ce que je fais. Et grâce à ces interactions, j’apprends énormément et les autres apprennent également de moi. C’est une excellente manière de capitaliser sur les connaissances existantes.
C’est très positif. Il faut créer des réseaux, parler aux gens, mener des recherches et contribuer à la communauté scientifique. Développer de nouvelles idées, les promouvoir, les défendre. Être bien formé, comprendre le domaine et travailler avec les autres.
Pensez-vous que l’IA devrait être régulée ?
Absolument. Il faut des limites à toute chose. C’est une technologie, et comme toute technologie, elle peut être utilisée à des fins positives ou négatives. Nous devons donc être conscients des risques et mettre en place des garde-fous pour les prévenir.
Quel est votre message aux jeunes Tunisiens intéressés par ce secteur ?
Je pense qu’il y a quatre principes que je recommande aux étudiants. D’abord, suivez votre passion. Trouvez ce qui vous anime vraiment et poursuivez-le. Ne travaillez pas sur quelque chose qui ne vous passionne pas, car vous n’y excellerez pas. Ensuite, visez haut. Ne vous contentez pas de la facilité. Choisissez des défis que vous êtes capables de relever.
Troisièmement, préparez-vous à l’échec : c’est de la recherche. L’échec fait partie du processus ; il permet d’apprendre et de dépasser les limites identifiées. Enfin, développez votre réseau, parlez aux autres, échangez. Cela vous aidera à surmonter certaines difficultés et vous pourrez, à votre tour, aider d’autres personnes.