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Culture

Mes Humeurs : Au pied du mur de Berlin, la musique

  • 6 décembre 18:45
  • 3 min de lecture
Mes Humeurs : Au pied du mur de Berlin, la musique

 La Presse — Il y a des symboles forts qui ne partent pas, qui ne disparaissent pas de la mémoire et rejoignent souvent l’Histoire ; les mouvements de masse comme les soulèvements sociaux ou les révolutions, etc. Il y a des mouvements moins glorieux comme des matchs de sport, ou des exploits personnels, nous en gardons tout de même longuement le souvenir. 

L’humeur se penche sur le terrain de la musique classique ; reprenant un symbole musical, un phénomène génial qui a marqué son époque : le violoncelliste Mstislav Rostropovitch. Il a vécu la grande partie de son âge en Union soviétique, derrière le rideau de fer, tellement apprécié aussi bien  par les Soviétiques que par les Occidentaux que ses admirateurs (principalement ceux de la musique classique) l’appelaient par l’abréviation de son nom ou de son prénom comme s’il était un copain, Rostro pour les uns, Slava pour les autres. 

Né en 1927, en plein cœur de l’Union soviétique, «Rostro» grandit dans une Russie où la musique était à la fois discipline et refuge. Très tôt, il comprit que le violoncelle serait sa langue, sa respiration, son geste définitif. Ses débuts précoces lui ont valu l’admiration de Chostakovitch, Prokofiev ou Khatchatourian, qui voient en lui l’interprète capable de porter leurs œuvres vers des intensités inouïes.

Avec Benjamin Britten, il nouera plus tard une amitié faite de respect, et d’émerveillement réciproque. Sur scène, tous les critiques l’affirment, il incarnait la démesure contrôlée déployant une chaleur humaine que peu d’instrumentistes ont su atteindre ; son jeu faisait corps avec son instrument.

Pour le symbole ( entré dans l’Histoire), Rostropovitch mérite amplement d’être classé parmi ceux qui ont marqué son temps.  Nous sommes le 9 novembre à Berlin, à un point de changement politique radical ;  la destruction du mur marque la fin d’une ère, celle de la division idéologique, et ouvre la voie à la réunification allemande.

Elle demeure l’un des moments les plus chargés d’espoir du XXe siècle — un instant où l’histoire s’est écrite au rythme des marteaux, des cris de joie et… de musique. Le 11 du mois, Rostro est à Paris où, comme nous, comme tout le monde, il apprend par la télé la démolition du mur, il appelle son ami Antoine Riboud, le patron de Danone, et réclame un avion pour assister à ce moment historique, «Nous, obligés d’aller à Berlin voir la liberté», dit-il. Arrivés à Berlin, 2 taxis, un pour le violoncelle et un pour les deux compères.

Sous les restes du mur, Rostropovitch joue la Sarabande de Bach (un morceau émouvant, grave et méditatif devenu célèbre depuis cet instant); attroupement et curiosité des passants. Riboud raconte (France Musique)…

Slava jouait, tous les Allemands de l’Est passaient, ils voyaient ce vieux monsieur assis sur une chaise blanche qui jouait du violoncelle, il avait des cheveux blancs, ils se disaient, celui-là, c’est un pro (…) ils écoutaient et… déposaient un peu d’argent de l’Allemagne de l’Est, aux pieds du violoncelliste, je me tourne vers Slava et lui dis, «dans la vie, jamais rien perdre, je ramasse et on fait moitié-moitié» Dans la même veine d’humour, Rostro, dont les cachets atteignaient des sommes astronomiques, ajoute «c’est le cachet le plus élevé que j’ai jamais reçu de ma vie».

Auteur

Hamma Hannachi