Présence internationale : Quand la visibilité ne suffit plus
Présente sur les grandes scènes industrielles internationales, la Tunisie soigne son image. Mais derrière les stands et les discours, une question s’impose : que rapporte réellement cette visibilité au pays ? À l’occasion de Global Industrie 2026 à Paris, la participation tunisienne interroge moins par son ambition que par ses résultats.
Entre communication institutionnelle et retombées concrètes, l’enjeu n’est plus d’être là, mais de savoir ce qui viendra après.
La Presse —Le Centre de promotion des exportations (Cepex) prépare activement la participation des entreprises tunisiennes au salon Global Industrie, prévu du 30 mars au 2 avril 2026, à Paris Villepinte.
Ce salon, reconnu comme l’un des événements majeurs de l’industrie mondiale, rassemble l’ensemble de l’écosystème industriel : de la mécanique à l’électronique, en passant par la plasturgie, l’énergie et l’industrie manufacturière.
Selon le Cepex, cette participation offrira aux entreprises tunisiennes une visibilité internationale et l’opportunité de nouer des contacts d’affaires qualifiés.
Un événement de grande envergure
Global Industrie accueillera quelque 2.500 exposants venus de 91 pays sur une surface de 100.000 mètres carrés, tandis que plus de 40.000 visiteurs professionnels sont attendus. Le salon ne se limite pas à l’exposition de produits, il explore les grands enjeux qui transforment l’industrie contemporaine et met en lumière les innovations, les défis et les solutions qui façonneront l’industrie du futur.
Parmi les thématiques majeures figurent l’automatisation, la digitalisation et l’intelligence artificielle, l’énergie, la transition environnementale, les processus industriels et les services associés.
Entre communication et résultats concrets
Si la participation au salon représente une opportunité indéniable, elle soulève une question centrale : quels sont les objectifs précis poursuivis par les entreprises tunisiennes et le Cepex, et dans quelle mesure sont-ils atteints ? Au-delà des rencontres et des déclarations d’intention, il est nécessaire de savoir si la participation se traduit par des résultats tangibles, comme des investissements étrangers, des partenariats durables ou une meilleure visibilité pour les exportateurs tunisiens.
Publier des chiffres annuels, souvent invérifiables et généraux, ne suffit plus. Les Tunisiens ont besoin de comprendre le rôle exact des multiples organismes impliqués dans la promotion de l’industrie et du commerce extérieur, et surtout de mesurer l’impact concret de leur présence sur la scène internationale. Être exposé sur un grand salon est utile, mais il est impératif que cette visibilité se transforme en retombées concrètes pour l’économie nationale.
Représenter la Tunisie est un acte stratégique
Au-delà de la simple présence donc à un salon, ce qui compte réellement pour notre pays, c’est la capacité à transformer l’exposition en un véritable écosystème dynamique. Il ne s’agit pas seulement d’aligner des stands et de distribuer des brochures, mais de créer un effet levier sur l’innovation et l’exportation.
Les entreprises tunisiennes pourraient profiter de ces rendez-vous pour tisser des alliances stratégiques avec des startups étrangères, partager des technologies de pointe ou développer des solutions industrielles adaptées aux défis climatiques et énergétiques.
La dimension pédagogique est également essentielle : il ne s’agit pas d’envoyer des délégations administratives par réflexe hiérarchique, composées de directeurs centraux ou de chefs de service parce que leurs fonctions leur ouvrent mécaniquement les portes de ces événements.
La Tunisie a besoin de profils pointus, formés à la négociation internationale, à la veille technologique et aux standards commerciaux mondiaux. Des femmes et des hommes capables de défendre une offre, de comprendre un besoin industriel, de dialoguer avec des investisseurs, de maîtriser les langues, mais aussi de porter une image professionnelle crédible du pays.
Ce sont ces profils, et non les titres sur les cartes de visite, qui permettent de transformer un simple échange en perspective d’investissement, une discussion en partenariat et une présence symbolique en opportunité économique réelle.
Enfin, la participation devrait être pensée comme un prolongement de l’attractivité du pays, avec des projets directement reliés à des programmes d’investissement ciblés et des stratégies de soutien aux exportateurs, pour que la visibilité internationale se traduise en flux économiques tangibles et durables pour la Tunisie.
Expériences inspirantes
À regarder de près, certains pays au profil comparable à celui de la Tunisie ont su transformer leur présence dans les salons internationaux en véritables leviers de développement. Le Maroc n’a pas simplement exposé ses produits, il a exposé une stratégie, en reliant sa visibilité à des zones industrielles opérationnelles, à une administration orientée vers les investisseurs et à des filières clairement identifiées, notamment dans l’automobile et l’aéronautique.
La Turquie, de son côté, a utilisé ces rendez-vous comme des plateformes d’attaque commerciale, armant ses entreprises d’une capacité de production lisible, d’équipes commerciales offensives et d’un État facilitateur, transformant les allées des salons en terrains de négociation tangibles.
Quant au Portugal, il a fait un choix plus subtil mais tout aussi efficace : ne pas être partout, mais être pertinent, en misant sur la spécialisation intelligente et quelques secteurs à forte valeur ajoutée qu’il a patiemment positionnés sur les marchés internationaux. Trois trajectoires différentes et une même leçon ; la réussite ne naît pas de la visibilité seule, mais de la cohérence entre discours, offre industrielle et volonté politique.
L’exigence de résultats tangibles
Au-delà de l’éclat médiatique, la participation à des salons internationaux comme Global Industrie 2026 doit devenir un véritable levier de transformation. Il ne s’agit plus seulement d’attirer des bailleurs de fonds ou de multiplier les partenariats, mais de réinventer la manière dont la Tunisie se projette dans l’industrie mondiale, en mettant l’accent sur l’innovation, la compétitivité et la durabilité.
Chaque contact, chaque projet présenté doit pouvoir se traduire en retombées concrètes pour les entreprises, en opportunités d’exportation et en transfert de savoir-faire.
Mais la véritable mesure du succès ne se limite pas aux chiffres, elle réside dans la capacité du pays à installer une culture industrielle tournée vers l’avenir, à faire naître des collaborations pérennes et à préparer les générations futures à relever les défis technologiques et environnementaux.
Plus qu’un symbole, la Tunisie doit transformer sa visibilité internationale en moteur d’une prospérité durable et partagée, où chaque salon, chaque partenariat, chaque innovation devient un pas vers un modèle industriel ambitieux et résolument ancré dans le futur.