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Economie

Billet – Agriculture : Les mains s’éloignent, la terre attend !

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  • 7 décembre 19:00
  • 4 min de lecture
Billet – Agriculture : Les mains s’éloignent, la terre attend !

La Presse La campagne de récolte des olives peine à décoller dans certaines régions de Tunisie comme Kasserine, avec seulement 10 % des olives récoltées à ce jour, un rythme qualifié de « faible et insuffisant » par Mohamed Hassan Azhari, président de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche (Urap).

Cette lenteur résulte d’un cocktail de facteurs : baisse du prix de vente des olives, caprices du climat, et, surtout, manque de main-d’œuvre qualifiée.

Ce déficit met en lumière une réalité cruciale pour l’agriculture : la rareté de la main-d’œuvre, largement féminine. Depuis toujours, ce sont les femmes qui assurent les tâches les plus exigeantes et minutieuses, des vergers aux champs, garantissant la qualité et la continuité des récoltes.

Elles sont le pilier silencieux de l’agriculture tunisienne, l’âme d’un secteur vital pour l’économie rurale et le patrimoine alimentaire du pays.

Il y a dans les champs une vie discrète, presque invisible pour ceux qui n’y posent pas le regard. Chaque saison, la terre attend, silencieuse et patiente, que ses fruits soient cueillis, triés et transformés. Aujourd’hui, ces mains se font rares.

La jeunesse féminine, autrefois au cœur des champs, aspire désormais à d’autres horizons.

Les études, les carrières, la mobilité, le désir de construire un futur personnel différent du modèle traditionnel : tout cela éloigne de plus en plus les femmes des champs et des cultures saisonnières.

Et pourtant, sans elles, les cultures pâtissent, les récoltes s’étiolent et le rythme des saisons se brouille.

La main-d’œuvre agricole n’est pas un simple outil. Elle est le lien vivant entre l’homme et la terre. Chaque geste compte : la manière de cueillir un fruit pour ne pas l’abîmer, le soin apporté à trier les récoltes, la patience pour observer la maturation parfaite.

Ce n’est pas une mécanique que l’on peut remplacer facilement par la technologie. Les machines peuvent soulever, couper, transporter, mais elles ne peuvent pas remplacer cette sensibilité, cette intuition et ce savoir-faire transmis de génération en génération.

La raréfaction de cette main-d’œuvre met en lumière une tension profonde entre tradition et modernité. Les femmes, qui ont longtemps été le cœur des récoltes, cherchent à poursuivre leurs études, à accéder à de nouvelles opportunités, à s’émanciper dans un monde qui offre davantage de choix qu’il y a quelques décennies.

Ce mouvement est positif, socialement et culturellement, mais il pose un défi vital pour le secteur agricole, qui reste largement dépendant de cette force humaine pour assurer ses récoltes et maintenir sa qualité.

Face à cette situation, il devient urgent de repenser le travail agricole. Il ne s’agit pas seulement de mécaniser, mais d’inventer des solutions qui permettent aux femmes et aux jeunes de concilier études, aspirations personnelles et engagement dans les champs.

Cela peut passer par des modèles saisonniers flexibles, des programmes de formation adaptés, ou encore des technologies qui allègent les tâches les plus pénibles sans dénaturer le lien entre l’homme et la terre.

Préserver cette main-d’œuvre féminine, c’est préserver un patrimoine vivant. C’est aussi s’assurer que les champs continuent de produire avec qualité, mais aussi que l’agriculture conserve son humanité. 

L’agriculture, au fond, ne vit pas seulement de sols fertiles ou de climat favorable. Elle vit de mains attentives, d’esprit et de cœur. Et aujourd’hui, ces mains sont précieuses, rares et plus que jamais indispensables.

Le défi qui se pose à nous est simple et vital : continuer à faire pousser nos récoltes tout en faisant pousser les talents et les ambitions des femmes qui ont toujours été, et restent, le cœur battant de notre agriculture.

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Auteur

Saoussen BOULEKBACHE