L’annulation de l’article 47 du projet de loi de finances 2026, portant sur la révision des droits de douane appliqués aux importations de panneaux solaires, ravive les tensions au sein de la filière des énergies renouvelables.
Saluée par les fabricants locaux au nom de la protection de l’industrie nationale, cette décision est vivement contestée par les installateurs et les importateurs, qui y voient un coup d’arrêt à la transition énergétique et à l’investissement dans le photovoltaïque.
L’annulation par les commissions des finances et du budget relevant des chambres législatives de l’article 47, relatif à l’examen des droits de douane imposés sur les importations des panneaux solaires, a suscité des réactions mitigées du côté des professionnels du secteur entre les fabricants locaux qui approuvent cette annulation et les importateurs qui la rejettent.
L’article 47 du projet de loi de finances pour l’exercice 2026 proposait de réduire de 15 % le taux des tarifs douaniers imposés sur les importations des panneaux solaires, une mesure qui vise, selon le gouvernement, à protéger les fabricants locaux de panneaux solaires de la concurrence jugée déloyale, notamment des importations, afin de favoriser leur développement, leur compétitivité et la création d’emplois.
Maintenir des droits de douane élevés
S’exprimant lors de la réunion des deux commissions, le secrétaire d’Etat chargé de la transition énergétique, Wael Chouchène, a souligné que l’industrie locale bénéficie de plusieurs avantages douaniers et que la qualité du produit local est régulièrement contrôlée, soulignant la nécessité de trouver un équilibre entre la protection de l’industrie nationale, la garantie de la qualité des produits et la réduction des coûts d’investissement.
Il a, à ce propos, rappelé que la Tunisie compte 300 entreprises qui installent des systèmes solaires contre trois seulement investies dans la fabrication, ce qui reflète la faible capacité d’industrialisation actuelle dans le pays.
Les industriels du solaire ont approuvé l’abandon de l’article 47 et soutenu la nécessité de maintenir des droits de douane élevés pour éviter une concurrence déséquilibrée et freiner le développement de l’industrie nationale.
S’exprimant au lendemain de l’annulation de l’article 47 sur les ondes d’une radio privée, Youssef Chebil, président de l’Organisation tunisienne des énergies propres, a déclaré que cet article proposait un retour en arrière après le rétablissement des droits de douane à 30 % en janvier 2025, fait qui risque, selon lui, de perturber les engagements des industriels du secteur.
Les fabricants nationaux de panneaux solaires avaient pris part, le 12 novembre 2024, à la séance d’examen par des commissions des finances et du budget de l’ARP et du Conseil national des régions et des districts, du Projet de loi de Finances 2025.
Ils avaient appelé à maintenir la mesure approuvée dans la loi de finances 2024, estimant que l’abaissement des droits de douane sur l’importation des panneaux solaires pénalise les industriels nationaux, défavorise l’investissement industriel dans ce secteur et entrave la transition énergétique du pays.
Entraver la transition vers une énergie durable ?
Les professionnels du secteur, notamment représentés par la Chambre Syndicale Nationale du Photovoltaïque (Cspv) relevant de l’Utica, ont, quant à eux, exprimé leur mécontentement face au rejet de l’article 47.
La Cspv relevant de l’Utica a, ainsi, observé, le lundi 25 novembre, un sit-in devant le siège de l’Assemblée des Représentants du peuple pour protester contre la décision des commissions des finances et du budget de l’ARP et du Conseil national des régions et des districts de maintenir le relèvement à 30 % des droits de douane sur l’importation des panneaux solaires tel que stipulé par l’article 40 de la loi des Finances 2024, alors que l’article 54 du projet de la loi de finances 2025 propose de les réduire à 10 %.
Le bureau exécutif de la chambre estime, dans un communiqué, que le maintien du relèvement des droits de douane augmentera le coût d’installation des systèmes photovoltaïques et entravera les objectifs nationaux de transition vers une énergie durable.
Outre la hausse des coûts de l’énergie propre, cette décision constitue, selon la Cspv, un pas en arrière sur la voie de la souveraineté énergétique du pays. La Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) a, également, vivement réagi, à l’annulation de l’article 47 par le parlement.
L’organisation patronale estime, en effet, que la mesure revient à restreindre les avantages fiscaux accordés en 2019, pour promouvoir l’essor du photovoltaïque. Intervenant sur une radio privée au nom de la Conect, Mourad Bougharriou a dénoncé une décision «tombée comme un coup de foudre».
Selon lui, «l’article de la Loi de finances de 2019, qui avait réduit les droits de douane, ne sera plus appliqué… la douane passera de 7 % à 19 %… je peux vous assurer qu’en appliquant une TVA de 19 % et un droit de douane de 30 %, qu’au moins 50 % des investisseurs abandonneront leurs projets».
Rappelant qu’en 2019, le cadre fiscal avait été profondément allégé pour favoriser l’investissement dans le photovoltaïque avec des droits de douane abaissés de 30 % à 10 % et une TVA réduite de 19 % à 7 %, Bougharriou a indiqué que le texte adopté entraînera un surcoût immédiat pour les entreprises et particuliers ayant obtenu des autorisations pour des projets photovoltaïques.