Alors que les barrages retrouvent timidement leur niveau, la Tunisie fait face à une sécheresse persistante et à des cycles climatiques de plus en plus extrêmes.
Pour préserver l’eau et assurer la sécurité alimentaire, le pays mise sur des infrastructures modernisées et des technologies innovantes, transformant le défi climatique en opportunité pour l’agriculture et l’énergie renouvelable.
La Presse — Malgré les récentes précipitations et l’amélioration du taux de remplissage des barrages (29 % actuellement), la Tunisie continue de faire face à un stress hydrique chronique et d’investir dans les infrastructures, afin de répondre aux besoins d’irrigation et des utilisations ménagères et professionnelles.
Selon un nouveau rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), en date du 4 décembre, la Tunisie fait partie des pays les plus touchés par des cycles de sécheresse de plus en plus intenses et de plus en plus prolongés, du fait du changement climatique.
Les épisodes secs augmentent !
« En 2024, la sécheresse s’est encore accentuée dans l’ouest de l’Afrique du Nord après six saisons consécutives de faibles pluies, frappant durement le Maroc, l’Algérie et la Tunisie », indique le rapport, pointant « une aggravation des sécheresses dans une zone déjà parmi les plus touchées par le stress hydrique ».
« La fréquence et l’intensité des épisodes secs augmentent nettement », affirme la même source. Il s’agit au fait d’un phénomène global, mais la région est parmi les plus touchées.
Le document qui couvre la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient dresse des projections alarmistes avec « une hausse potentielle des températures moyennes pouvant atteindre 5°C d’ici à la fin du siècle dans cette partie du globe ».
Dans l’ensemble de la région, les phénomènes climatiques extrêmes ont quasiment doublé : « Les catastrophes climatiques ont augmenté de 83 % sur la période allant de 2000 à 2019 par rapport aux deux décennies précédentes », affirme la même source.
Les autorités tunisiennes, conscientes de ce défi et de ses conséquences sur la sécurité alimentaire, ont investi et continuent d’investir dans les infrastructures hydrauliques tout en diversifiant les ressources.
En effet, outre l’utilisation de la nappe phréatique, actuellement surexploitée, de nombreux ouvrages ont été construits pour stocker l’eau de pluie dans les barrages et les lacs collinaires.
Cette stratégie, engagée depuis plusieurs décennies, se poursuivra au cours des prochaines années, selon les récentes déclarations du ministre de l’Agriculture à l’occasion des débats budgétaires.
Le programme prévoit la construction de nouveaux ouvrages dans le nord et le centre du pays, ainsi que l’interconnexion entre certains barrages pour couvrir des régions plus stressées comme les plaines de Kairouan.
L’effort comprend également le recyclage et la réutilisation des eaux usées pour des usages spécifiques, comme l’irrigation des terrains de golf, ainsi que des investissements dans le dessalement des eaux de mer.
Dans la même perspective, des projets sont lancés en partenariat avec l’Organisation de l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui considère que la Tunisie utilise déjà de façon optimale ses ressources hydriques.
Quatre solutions technologiques
En juin dernier, la FAO et le ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques ont lancé le projet «Tech-EAU» qui vise « l’augmentation de l’offre en eau » en faisant un meilleur usage de la technologie.
C’est un projet qui « ambitionne d’évaluer la faisabilité de quatre solutions technologiques destinées à optimiser la mobilisation de l’eau et à diminuer l’évaporation dans les bassins d’eau, incluant petits et grands barrages », souligne une publication de la FAO.
Il s’agit d’utiliser des « films monomoléculaires sur les barrages, de piloter des panneaux photovoltaïques flottants sur les retenues, ainsi que d’explorer les opportunités d’ensemencement des nuages et l’augmentation de la recharge des nappes grâce à la technique des barrages souterrains dans le contexte tunisien ».
Le projet projette de faire d’une pierre deux coups : « améliorer l’offre en eau » et « favoriser la production d’énergie renouvelable », dans une démarche permettant de transformer la chaleur excessive en atout pour produire de l’énergie.
Le maillon manquant pour aller encore de l’avant consisterait à en parler davantage pour sensibiliser tous les usagers de l’eau, éviter le gaspillage et mettre fin à l’exploitation anarchique, entre autres, par un meilleur suivi des puits non autorisés.