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Culture

Ouverture du Festival Khalifa-Stambouli : La mémoire du théâtre rallume la scène de Monastir

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  • 9 décembre 20:15
  • 4 min de lecture
Ouverture du Festival Khalifa-Stambouli : La mémoire du théâtre rallume la scène de Monastir

Dans une ouverture aussi inattendue que bouleversante, la 29e édition du Festival Khalifa-Stambouli a fait revenir le dramaturge disparu grâce à l’intelligence artificielle.

Entre performance vivante, hommage aux pionniers et plongée dans un siècle de théâtre tunisien, Monastir a vibré au rythme d’une soirée où l’art a renoué avec ses fondateurs et réaffirmé sa place dans la ville.

La Presse — Il est des instants où l’art parvient à suspendre le temps. Vendredi soir, au complexe culturel de Monastir, l’ouverture de la 29e édition du Festival Khalifa-Stambouli a offert l’un de ces moments rares.

Dans la fraîcheur d’un soir d’hiver, devant un public venu nombreux, un visage familier est réapparu : celui du dramaturge disparu, Khalifa-Stambouli, qui a inauguré le festival avec sa voix et son image, restituées par une vidéo générée grâce à l’intelligence artificielle.

Un geste symbolique fort, où la technologie servait la fidélité, et où l’hommage se faisait présence.

Plutôt que de proposer la traditionnelle pièce inaugurale, la direction du festival a choisi une entrée en matière plus organique, plus vivante, presque immersive.

L’artiste Talel Ayoub, accompagné d’une constellation de créateurs, a transformé les abords, le toit et l’intérieur du complexe culturel en un espace scénique multiple.

Devant le bâtiment, dans les couloirs, sur les hauteurs, la soirée s’est écrite comme une traversée poétique où se mêlaient performance, musique, gestes et images. Une fête du théâtre, dans tous ses états.

Les “Émanations théâtrales”, en prélude 

La première respiration artistique fut signée par  Mouna Hafidh avec son spectacle “Emanations Théâtrales”.

À travers une composition où se répondaient narration, fragments musicaux et images, elle a proposé un condensé sensible de la vie de Stambouli.

Pendant ce temps, des comédiens installés sur le toit saluaient les invités dans des costumes conçus spécialement pour l’occasion, recréant une atmosphère d’accueil qui relevait autant du rituel théâtral que de l’hommage.

Dans le hall, une exposition de photos retraçait les étapes du parcours du dramaturge, complétée par un ensemble d’images dédiées à l’autre géant du théâtre tunisien, Fadhel Jaziri.

Partout, des artistes croquaient en direct des portraits de Stambouli, comme si chaque trait de crayon contribuait à raviver une mémoire collective.

Un retour à la source : Monastir, 1919

La grande salle du complexe a ensuite offert un moment d’intensité particulière. Avec un dispositif scénique combinant narration, tableaux vivants et projection vidéo — cette dernière conçue en collaboration avec Fahd Ben Hammouda et Karim Zine —, Talel Ayoub a guidé le public dans un voyage à rebours.

Destination : 1919, année de naissance de Stambouli dans le quartier de la rue de Kairouan. On y voit un jeune homme façonné par l’élan national, par le sacrifice, par le rêve d’un pays en devenir.

La scène y apparaît déjà comme son territoire naturel, son refuge, son oxygène. Les comédiens ont ensuite revisité ses œuvres majeures: “Œdipe Roi”, “Richard III”, “Salah Eddine El Ayoubi”, ainsi que d’autres textes qui ont marqué la première génération du théâtre tunisien.

Chaque tableau était comme une réincarnation : les œuvres d’hier, revêtues d’une énergie nouvelle, prenaient vie devant un public captivé.

Transformer la fragilité en création

L’un des moments les plus émouvants fut l’évocation de la maladie de Stambouli.

Atteint de tuberculose, affaibli mais inspiré, il avait transformé sa convalescence en période de création, rédigeant “Salah Eddine El Ayoubi”.

Un geste d’artiste qui dit tout de la résilience de cette génération : faire du manque une force, et de la fragilité un texte qui survivra à son auteur.

Un festival qui irrigue toute une ville

Le Festival Khalifa-Stambouli ne se limite pas à son ouverture.

Jusqu’au 13 décembre, il déploiera spectacles, ateliers de formation, rencontres publiques et une grande conférence scientifique dans plusieurs institutions culturelles et éducatives de Monastir.

Une manière d’inscrire le théâtre non seulement dans les murs, mais dans les vies, dans les écoles, dans la mémoire de demain.

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Auteur

Asma DRISSI