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Tribune – Il y a Soixante-cinq ans : Les premiers Casques bleus tunisiens de l’Histoire (1ère partie)

  • 9 décembre 17:30
  • 8 min de lecture
Tribune – Il y a Soixante-cinq ans : Les premiers Casques bleus tunisiens de l’Histoire (1ère partie)

En juillet 1960, et quelques jours seulement après la proclamation de l’indépendance du Congo-Belge (aujourd’hui RDCongo), le secrétaire général des Nations unies, devait faire face à la grave situation occasionnée par les émeutes, la rébellion et les actes de violence et de sévices contre les Européens affolés et surpris par le cours de certains évènements tragiques.

Et c’est dans le but de sauvegarder la paix et la sécurité internationales, et à la demande du gouvernement congolais, qu’il accepta l’envoi d’une Force de maintien de la paix dans ce pays.

La Tunisie, sollicitée autant qu’une trentaine de pays parmi les non-alignés, se prêta volontiers à cette noble mission malgré les difficultés suivantes : 

1- La jeune armée tunisienne n’avait que quatre ans d’existence,

2- Notre armée est, étant donné la guerre d’indépendance de l’Algérie, déployée presque en totalité sur la frontière tuniso-algérienne,

3- Nos jeunes officiers, appartenant à la 1ère promotion, n’avaient que très peu d’expérience.

Le Congo-ex-Belge ou RDC est situé au centre de l’Afrique. C’est l’un des pays africains les plus vastes.

Traversé d’est en ouest par l’immense fleuve qui lui  donna son nom, très grand au point de vue superficie, il est extraordinairement riche par son sol, ses terres, ses forêts, et surtout par ses ressources minières.

En effet, cuivre, cobalt, uranium et diamant  entre autres ont fait que ce pays intéresse toutes les grandes puissances tant occidentales que celles de l’ex-bloc de l’Est.

Celles-ci et celles-là se sont tellement impliquées dans les affaires de ce pays que les luttes intestines pour le pouvoir ont durè longtemps, c’est-à-dire depuis le premier mois de son indépendance (juin 1960). 

Propriété du roi des belges Léopold II depuis 1876, c’est suite aux pressions extérieures, en particulier celles de la Grande-Bretagne, que la Belgique assuma la responsabilité formelle de cette colonie depuis 1908.

Mais rien n’a été fait pour l’émancipation des habitants de ce pays dont la population, du fait du manque de  recensement viable et sérieux, était estimée à  près de 15 millions en 1960 et entre 30 et 40 millions aujourd’hui.

D’ailleurs le sentiment de la nationalité était absent, ce qui n’avait rien de surprenant, car le pays compte plus de deux cents tribus différentes.     

Le colonisateur n’a rien fait pour développer le pays et naturellement le niveau de la population a été à l’image de son élite qui était, en fait, inexistante. 

Très peu de Congolais ont donné à leurs enfants une instruction, généralement en dehors de leurs frontières et la majorité de la population était illettrée.

Non seulement l’éducation ou la formation culturelle n’a jamais été le souci du colonisateur, mais encore celui-ci a encouragé le tribalisme, ce fléau et ce clivage destructeurs. 

Ceux-ci ont fait perdre à ce merveilleux peuple congolais une bonne partie de sa jeunesse sacrifiée, bêtement et inutilement, dans les guerres tribales entre les différentes ethnies qui composent ce pays et qui duraient parfois des années, avant de reprendre, du fait de l’esprit de vengeance, une décennie plus tard. 

Cependant vers les années 1920, et dans les grandes villes du pays, quelques groupes parmi les alphabétisés commençaient à s’unir.

Cette élite naissante ne défiait pas ouvertement le système colonial et leurs doléances étaient essentiellement centrées sur le traitement inégal dont les Congolais éduqués étaient victimes. 

Le pays connut des crises sérieuses suite à une mutinerie de la force publique (les forces de sécurité intérieure) à Luluabourg en 1944, à des émeutes à Matadi en 1945 et rien n’a été fait par le colonisateur belge pour préparer et roder une classe dirigeante congolaise à l’exercice d’un pouvoir effectif, ne serait-ce que local. 

La population urbaine doubla en quelques années, et en 1956, 22% des habitants vivaient dans les centres urbains. 

Cette situation bouleversera toutes les données. La scolarisation connut également une expansion très rapide à partir de 1949 et le taux de scolarité qui était de 12% en 1940 atteignit 37% en 1954.

L’enseignement supérieur était inexistant et le secondaire, pour les Congolais, commençait à s’organiser en 1956 mais le déchet scolaire était énorme : un élève sur douze terminait le cycle primaire et parmi eux, un sur six seulement accédait au secondaire.

Alors qu’en Belgique, un débat public sur l’évolution politique, proposait un plan d’émancipation du Congo en trente ans, ce plan fit au Congo, et surtout dans le milieu urbain de Léopoldville, office de détonateur ou de catalyseur.

D’ailleurs, un manifeste fut aussitôt publié à Léopoldville. Il prônait l’indépendance du Congo tout en rejetant comme abusif le terme de trente ans.

Cette idée s’accélérera, en 1959, après les émeutes sanglantes de Léopoldville où il y a eu 49 morts et 290 blessés. 

Le 13 janvier 1959, un message du Roi des belges reconnut le droit des Congolais à l’indépendance. Il demanda que cela soit fait sans précipitation inconsidérée.

Le gouvernement belge appela, en novembre 1959 les leaders politiques congolais à une table ronde belgo-congolaise. Celle-ci eut lieu à Bruxelles en janvier 1960.

C’est d’ailleurs à cette conférence que fut décidée la date de l’indépendance, soit le 30 juin 1960.  

 Le Congo, malheureusement, ne devait jamais connaître de transition graduelle et pacifique au cours de laquelle un programme de formation  accélérée aurait pu préparer une élite d’administrateurs civils, capables de prendre en main les destinées de leur pays.

 Les élections donnèrent une position forte aux partis dits «extrémistes» et spécialement au M.N.C. de Patrice Lumumba et à ses alliés directs.

 Les partisans des candidats à la présidentielle de toutes les tendances et de la plupart des partis politiques qui ont proliféré très rapidement ont perturbé l’ordre public ; des formes de violence et des sévices contre les Européens ont justifié l’intervention militaire belge au Katanga et au Kassaï et tout cela déclencha une catastrophique escalade des événements : 

1- proclamation de la sécession du Katanga par Moïse Tshombé, 

2- rupture des relations entre la Belgique et les autorités centrales congolaises,

3- et menaces sérieuses d’intervention étrangères et risques pour la paix internationale. 

La nouvelle République avec Joseph Kasavubu comme président et Patrice Lumumba comme Premier ministre, connut très vite des troubles.

En moins de quarante-huit heures, des émeutes tribales se produisirent dans la capitale et en divers endroits du pays.

La Force publique, comptant vingt-cinq mille hommes, se mutina en de nombreux points, chassa ses officiers blancs, se mit à piller et à détruire les propriétés européennes.

Elle maltraita et tua beaucoup des cent mille Belges qui étaient restés pour assurer l’administration ou s’occuper de leurs affaires.

Devant cette situation catastrophique, la Belgique envoya, malgré l’opposition du gouvernement congolais, des parachutistes et d’autres unités d’élite qui rétablirent la situation en certains des points les plus chauds et protégèrent l’exode d’une masse de civils terrifiés.

En peu de temps, il y eut dix mille soldats belges dans le pays, la Force publique cessa virtuellement d’exister et Moïse Tshombé, président de la riche province du Katanga, proclama l’indépendance de celle-ci. 

Le Katanga fournissant la moitié des revenus du Congo, cette sécession constituait une véritable catastrophe. Le gouvernement central ne pouvait faire grand-chose pour forcer Tshombé à revenir dans le giron national. 

D’ailleurs, le 11 juillet 1960, Lumumba demanda à Ralph Bunche, représentant de Dag Hammarskjoeld, secrétaire général des Nations unies, l’aide des Nations unies pour rétablir l’ordre dans l’Armée nationale congolaise (ANC), nouveau nom donné à la Force publique, soulignant l’incapacité de l’ANC, commandée par l’ex-adjudant  Lundula, promu général, à ramener l’ordre à Léopoldville et encore moins dans le reste du pays. 

C’est pourquoi le secrétaire général des Nations unies, Dag Hammarskjoeld, en accord  avec le Conseil de sécurité, répondit favorablement et décida une action de grande envergure des Casques bleus.

Une demande urgente a été faite à plusieurs pays, neutres et non alignés, pour l’envoi de troupes au Congo, dont la Tunisie. 

Le représentant de la Tunisie aux Nations unies, feu Mongi Slim, compagnon de lutte de Bourguiba et très fin politique, candidat à la présidence de la 16e session de l’Assemblée générale des Nations unies et qui la présidera deux mois plus tard, se fit un point d’honneur pour que le contingent tunisien soit le premier à fouler le sol congolais. (A suivre).

B.B.K.

(*) Ancien sous-chef d’état-major de l’Armée de terre,   ancien Casque bleu au Congo et au Katanga, ancien gouverneur

N.B. : Les opinions émises dans ces tribunes n’engagent que leurs auteurs. Elles sont l’expression d’un point de vue personnel.

Auteur

le Colonel Boubaker BENKRAIEM