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Gouvernance migratoire : La Tunisie à la conquête des organisations internationales

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  • 10 décembre 17:15
  • 7 min de lecture
Gouvernance migratoire : La Tunisie à la conquête des organisations internationales

Alors que la compétition pour les postes de responsabilité au sein des institutions multilatérales s’intensifie, la Tunisie mesure plus que jamais l’urgence de renforcer sa présence sur la scène internationale.

Entre opportunités à saisir, influence à reconstruire et diplomatie à réinventer, le pays se trouve face à un enjeu stratégique : exister là où se prennent les décisions qui façonnent l’ordre mondial de demain.

LA PRESSE — Pour la première fois, la Tunisie a obtenu, le 8 décembre 2025, l’appui unanime du Groupe africain pour la candidature de sa représentante au poste de première vice-présidente du Conseil de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). 

L’annonce, relayée par la Mission permanente de la Tunisie à Genève, a été faite lors de la séance inaugurale de la 116e session du Conseil de l’OIM, organisée du 8 au 10 décembre au Centre des congrès de Genève.

Cet appui collectif dépasse largement le cadre d’un simple vote de procédure, il traduit une volonté africaine commune de voir une voix crédible, constructive et modérée occuper un rôle stratégique au sein de l’une des institutions les plus influentes en matière de politiques migratoires.

Une reconnaissance du rôle tunisien dans le dossier migratoire

Ce soutien massif est aussi le reflet d’une reconnaissance internationale du travail mené par la Tunisie dans le domaine migratoire.

Depuis plusieurs années, le pays s’est imposé comme un acteur impliqué dans les débats multilatéraux, défendant une approche basée sur la responsabilité partagée, le respect de la dignité humaine et la coopération régionale.

Sa position géographique, au carrefour de l’Afrique, de la Méditerranée et de l’Europe, lui confère un rôle de médiateur naturel, capable de porter des messages équilibrés et ancrés dans la réalité du terrain.

Cette nomination vient ainsi saluer une diplomatie tunisienne qui, malgré des moyens souvent limités, a su capitaliser sur son expérience et renforcer son image auprès de nombreux partenaires internationaux.

Un siège stratégique dans une institution clé 

Obtenir un siège dans une instance internationale n’est pas un exercice symbolique, mais une forme d’expression de puissance. Les orientations des politiques globales se décident dans ces espaces, et seuls les pays qui y siègent régulièrement peuvent véritablement défendre leurs positions et anticiper les évolutions qui affectent leur territoire.

Pour la Tunisie, l’accès à ce poste représente une opportunité pour affirmer sa présence dans les débats mondiaux, renforcer la visibilité de ses priorités, et s’assurer que ses intérêts soient pris en compte dans la définition des grandes lignes de l’action internationale en matière de migration.

Ce rôle stratégique doit désormais être consolidé par une présence continue, une participation active aux discussions et une capacité d’initiative dans les dossiers qui concernent directement la région.

Face à une compétition mondiale féroce

L’accès aux postes de responsabilité dans les organisations internationales est devenu le terrain d’une compétition intense où les États n’hésitent plus à déployer des stratégies de lobbying sophistiquées.

Beaucoup de pays mobilisent leurs réseaux diplomatiques, leurs institutions de recherche, leurs diasporas ou encore leurs acteurs économiques pour soutenir leurs candidatures.

Cette dynamique concerne autant les grandes puissances que les États émergents ou de petits pays insulaires, qui investissent durablement dans leur visibilité internationale et dans la promotion de leurs experts.

Dans ce paysage concurrentiel, la Tunisie ne peut se permettre d’être en retrait. Son influence dépendra de sa capacité à structurer un lobbying d’État solide, à coordonner ses institutions, et à mettre en avant des profils compétents capables de porter sa voix dans ces espaces très disputés.

Faire entendre sa voix, un impératif, pas une option

Cette nomination est un rappel clair ; l’absence dans les organisations internationales coûte plus cher que la présence.

En occupant des postes décisionnels, la Tunisie peut non seulement influer sur les orientations globales, mais aussi défendre plus efficacement ses priorités, qu’il s’agisse de mobilité humaine, de développement durable, de coopération régionale ou de sécurité.

Une présence active dans ces forums renforce également la crédibilité diplomatique du pays et crée des opportunités de partenariats, d’expertise et d’investissements.

Dans un contexte où la migration reste un sujet particulièrement sensible, notamment en Méditerranée, la capacité de la Tunisie à faire entendre sa voix devient un instrument diplomatique essentiel.

Vers une stratégie d’influence tunisienne plus ambitieuse

Au-delà du succès diplomatique que représente cette nomination, la Tunisie a désormais l’occasion d’inscrire son action dans une dynamique plus profonde ; celle d’un pays qui se projette et qui organise son influence. 

Un siège de première vice-présidence n’est pas un simple symbole ; c’est un espace où peut se construire une diplomatie tunisienne plus affirmée, plus moderne et plus attentive aux grands bouleversements de notre époque.

Cela suppose de préparer une génération de diplomates et d’experts capables de maîtriser les questions émergentes — du changement climatique à la cyber-sécurité, en passant par la mobilité humaine — et de mobiliser autour d’eux les ressources intellectuelles du pays ; les universités, les centres de recherche, mais aussi une société civile qui apporte souvent un éclairage précieux sur les réalités du terrain. 

Ce moment peut également être l’occasion de renouer avec une forme de confiance collective. Confiance en la capacité de la Tunisie à bâtir des alliances solides, confiance en ses femmes et ses hommes qui, dans les organisations internationales, représentent souvent bien plus que des institutions, ils incarnent une vision, une éthique, une certaine manière d’être au monde.

Car la Tunisie n’a jamais été un pays spectateur ; elle a toujours été plus crédible lorsqu’elle proposait, lorsqu’elle anticipait, lorsqu’elle parlait avec cette sobriété lucide qui la caractérise.

L’enjeu dépasse donc la réussite d’une candidature. Il s’agit de transformer une reconnaissance ponctuelle en une présence durable, et de faire de ce poste un levier pour rappeler que même un pays de taille modeste peut contribuer à orienter des décisions globales.

En occupant un poste stratégique au sein de l’OIM, notre pays affirme sa capacité à participer pleinement aux débats qui façonnent l’avenir et à défendre une approche équilibrée et humaine de la migration.

Mais ce rôle dépasse le simple enjeu institutionnel, il s’agit d’inventer une diplomatie tunisienne capable d’anticiper, de rassembler et d’inspirer, et de montrer que même un pays de taille modeste peut peser sur les grandes décisions qui se jouent autant dans les discours, les actes que dans les sièges qu’il occupe au sein des institutions internationales.

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Auteur

Hella Lahbib