La Tunisie affiche un taux de dépendance énergétique d’environ 60 %, alors que son potentiel solaire et éolien reste largement inexploité.
Dans ce contexte, développer les énergies renouvelables n’est plus une option, c’est une urgence nationale.
La Presse —La Tunisie est aujourd’hui confrontée à un paradoxe énergétique. D’un côté, sa production électrique repose presque entièrement sur le gaz naturel et les combustibles fossiles, avec plus de 90 % de l’électricité générée à partir de sources polluantes et importées.
De l’autre, le pays dispose d’un potentiel exceptionnel pour développer les énergies renouvelables, qu’il s’agisse du solaire, de l’éolien ou de l’hydroélectricité.
Cette situation crée une vulnérabilité croissante, illustrée par une baisse de l’indépendance énergétique à seulement 39 % en mars 2025, et une dépendance accrue aux importations.
Chaque hausse des prix du gaz ou de l’électricité importée se répercute directement sur les ménages et les entreprises, menaçant la stabilité économique nationale.
Dans ce contexte, la transition vers les énergies renouvelables apparaît comme une solution stratégique, capable de renforcer la souveraineté du pays, de stabiliser les coûts et de préparer un avenir durable.
Mais de l’autre côté, il ne s’agit pas seulement d’un enjeu technique ou économique, car derrière ces chiffres se trouvent des familles, des entreprises et des jeunes professionnels qui attendent des perspectives concrètes et des actions ambitieuses.
Ceci pour dire qu’aujourd’hui, la Tunisie est à un carrefour où ambition politique, investissements ciblés et mobilisation citoyenne pourraient transformer un défi énergétique en une opportunité pour l’ensemble de la nation.
Un potentiel renouvelable sous‑exploité… et pourtant prometteur
Dans l’état actuel des choses, le mix électrique tunisien reste déséquilibré et la demande en énergie croît régulièrement, exposant le pays à des tensions structurelles.
La production d’électricité en Tunisie repose encore majoritairement sur les combustibles fossiles, principalement le gaz naturel, qui représentent environ 90 à 97% du mix électrique national, tandis que la contribution des énergies renouvelables demeure encore marginale, autour de 6 % selon les données récentes.
Par ailleurs, à fin mai 2025, la production nationale d’électricité atteignait 7 065 GWh, mais la majeure partie de cette production continue d’être assurée par le gaz.
Cette situation entraîne une dépendance accrue aux importations d’énergie, notamment de gaz et d’électricité en provenance de l’Algérie, qui couvraient près de 11 % des besoins du marché tunisien à cette période.
Cette vulnérabilité expose la population à la volatilité des prix internationaux et alourdit la facture énergétique nationale, limitant la compétitivité des entreprises et fragilisant l’économie.
Pourtant, la Tunisie dispose d’un potentiel considérable dans le domaine des énergies renouvelables. L’ensoleillement généreux, les zones favorables à l’éolien et la géographie adaptée aux grandes installations solaires offrent une opportunité rare.
Pour l’instant, la part des renouvelables dans le mix électrique reste modeste, représentant seulement 6 % de la production nationale, mais les initiatives de développement se multiplient.
L’autoproduction solaire résidentielle progresse, avec environ 350 MW de toitures photovoltaïques installées fin 2024, et des projets autorisés pour le secteur tertiaire, l’industrie et l’agriculture.
Ces chiffres traduisent un démarrage encourageant de la transition énergétique, mais ils restent très en deçà du potentiel réel du pays.
A cet égard, le développement des énergies renouvelables constitue bien plus qu’un geste écologique. Il s’agit d’un levier stratégique pour renforcer la sécurité énergétique et réduire la dépendance aux importations.
Alors que les ressources fossiles locales déclinent, la substitution progressive des combustibles fossiles et de l’électricité importée par des sources renouvelables nationales pourrait permettre à la Tunisie de regagner en autonomie et de stabiliser son approvisionnement.
La maîtrise des coûts énergétiques est également un enjeu majeur, car les combustibles fossiles restent soumis aux fluctuations des marchés internationaux.
Et donc, miser sur le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité, des ressources immuables, permettrait de rendre ces coûts plus prévisibles, au bénéfice des ménages comme des entreprises.
Quand volonté politique et potentiel national se rencontrent
Sur un autre plan, le développement des énergies renouvelables représente une opportunité économique et sociale.
Le potentiel solaire et éolien de la Tunisie attire les investisseurs locaux et internationaux, non seulement pour la production d’électricité, mais aussi pour des projets innovants tels que l’hydrogène vert ou l’export d’énergie propre.
Ces investissements peuvent créer des emplois, moderniser les infrastructures énergétiques et soutenir le développement durable, en conciliant croissance économique et protection de l’environnement.
Il reste toutefois des défis à relever. La capacité installée en renouvelables reste limitée par rapport aux besoins croissants, et l’écosystème réglementaire et institutionnel doit être renforcé pour permettre une montée en puissance rapide.
Les investissements nécessaires sont conséquents et demandent un engagement clair de l’État et des acteurs privés pour garantir un déploiement efficace et durable des infrastructures.
Mais ici, il est important de souligner que la volonté politique de nos décideurs ne manque pas. En effet, le gouvernement tunisien a formalisé depuis plusieurs années un cadre politique et réglementaire clair pour favoriser les énergies renouvelables.
Grâce à la Loi 2015‑12 sur la production d’électricité à partir des énergies renouvelables (promulguée le 11 mai 2015), la Tunisie s’est fixé un objectif ambitieux : disposer d’une puissance installée de près de 3 815 MW d’énergies renouvelables d’ici à 2030.
Dans le cadre de cette loi, des décrets d’application (notamment le décret n° 2016‑1123 du 24 août 2016) ont été adoptés afin de définir les modalités de réalisation des projets (production, vente, concessions, autorisations, autoproduction).
Ce dispositif vise non seulement à inciter l’État, mais aussi les acteurs privés à investir dans le solaire, l’éolien, le solaire thermodynamique (CSP), ou la biomasse.
L’ambition étatique a récemment été réaffirmée à travers la stratégie énergétique nationale : l’objectif porté désormais est d’atteindre une part de 35% d’électricité produite à partir de renouvelables à d’ici 2030, avec une perspective de 50% d’ici à 2035.
Pour concrétiser ces objectifs, l’État a lancé des appels d’offres réguliers : en 2023 un appel d’offres pour 1.700 MW de capacité renouvelable a été lancé, visant des centrales solaires et éoliennes à construire entre 2023 et 2025.
Et en octobre 2024, un nouvel appel visait 200 MW de solaire photovoltaïque via le régime des autorisations, avec achat de la production par la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) à un tarif garanti.
Ces engagements se traduisent aussi par des projets concrets : selon les données officielles d’avril 2025, la capacité installée en renouvelables atteignait 777 MW (solaire, éolien, hydroélectricité), ce qui montre une montée en puissance, même si l’écart reste important par rapport aux besoins, l’un des défis majeurs demeurant la faiblesse relative du parc renouvelable comparée à la demande de pointe nationale.
Par ailleurs, l’État encourage l’autoproduction, c’est‑à‑dire la production d’électricité renouvelable pour sa propre consommation, ce qui stimule la participation des ménages, des entreprises et des petites structures au virage vert, et décharge en partie le réseau national.
Finalement, et non moins important, au-delà de la production électrique, les autorités explorent des volets plus structurants pour l’avenir énergétique du pays : la production d’hydrogène vert via le solaire et l’éolien, comme moyen de valoriser le potentiel renouvelable tunisien et viser l’export vers l’Europe.
Tout cela montre, clairement, que la volonté politique existe, qu’un cadre légal est en place et que des décisions concrètes sont prises.
Mais pour que ces ambitions se traduisent en résultats durables, il faudra que l’État continue de mobiliser les financements, simplifie les procédures, encourage le secteur privé, et assure l’accompagnement technique nécessaire, ce qui reste le grand défi de la transition énergétique.
Ceci pour dire que la transition vers les énergies renouvelables constitue une stratégie vitale pour transformer un défi en opportunité, en renforçant la souveraineté, en stabilisant l’économie et en préparant un avenir durable pour les générations futures.
Et en donnant à la Tunisie les moyens de produire sa propre énergie verte, le pays offre également à ses citoyens la possibilité d’espérer un avenir plus sûr, plus stable et plus respectueux de l’environnement.