Mes odyssées en méditerranée : Mon regard sur l’ « École de Tunis »
À travers leurs toiles, je lis l’histoire d’une Tunisie où différentes communautés coexistaient, où les influences européennes modernes (cubisme, abstraction) venaient enrichir une esthétique locale profondément enracinée.
En tant qu’observateur et analyste, je suis convaincu que l’École de Tunis représente bien plus qu’une simple étape de l’histoire de l’art national : c’est l’incarnation de l’identité plurielle de la Tunisie.
Je vois ce mouvement, né autour de 1949, comme un carrefour extraordinaire où les cultures méditerranéennes se sont rencontrées sans jamais se soucier des frontières.
Ce qui me frappe avant tout, c’est l’interculturalité qui y régnait.
J’ai toujours insisté sur le fait que cette École réunissait des artistes de toutes origines— tunisienne, française, juive, italienne. Des figures comme Yahia Turki, Pierre Boucherle, Antonio Corpora, Moses Levy ou Jellal Ben Abdallah… n’étaient pas seulement des peintres ; ils étaient des passeurs de mémoire.
À travers leurs toiles, je lis l’histoire d’une Tunisie où différentes communautés coexistaient, où les influences européennes modernes (cubisme, abstraction) venaient enrichir une esthétique locale profondément enracinée.
Je tiens à souligner l’importance de cette fusion culturelle. L’École est, à mes yeux, l’exemple parfait d’une cohabitation réussie, où la création artistique a pu s’épanouir en dépit des tensions politiques de l’époque.
Lorsque on étudie leurs œuvres, on ne voit pas de clivage, mais plutôt une ambition commune de forger une voie moderne propre à la Tunisie.
Les apports des Italo-Tunisiens, des Français et des Tunisiens autochtones ont créé un vocabulaire visuel riche qui a rejeté les clichés de l’orientalisme pour se concentrer sur l’âme véritable du pays.
Pour moi, c’est cela la véritable modernité méditerranéenne. Et c’est là, selon moi, que réside l’acte fondateur le plus puissant : la volonté délibérée de rompre avec l’Orientalisme.
Les peintres de l’Ecole de Tunis ont dit «non» à l’imagerie exotique et souvent stéréotypée que l’Europe coloniale projetait sur le Maghreb.
Au lieu d’une vision romancée et superficielle des scènes de rue ou des figures féminines, ils ont cherché à saisir la vérité psychologique et le caractère authentique de leur environnement.
Leurs paysages et portraits sont stylisés, parfois épurés, cherchant l’essence et la couleur propre au pays. Ce n’est pas une simple illustration, c’est une réappropriation culturelle et visuelle.
Mon travail d’ailleurs vise à mettre en lumière cette «histoire mineure», ces contributions souvent oubliées.
Pour moi, l’École de Tunis a réussi à s’affranchir de l’académisme colonial pour proposer une vision stylisée et honnête de la réalité tunisienne.
C’est pourquoi je considère ces artistes comme les acteurs visuels majeurs de la modernité tunisienne, célébrant une mosaïque culturelle qui fait la richesse unique de la Tunisie en tant que pont essentiel en Méditerranée.