Mes Humeurs : Artémis, la galerie qui renaît des ombres
La Presse — Depuis plusieurs années, la galerie sommeillait, plongée dans le silence, vestige d’un temps où l’art, à travers cet espace, battait encore dans cette région d’El Menzah 9.
On la croyait condamnée à l’oubli, à l’image de nombreuses autres, hélas disparues dans les mauvais plis de l’Histoire.
Pour le bonheur des amateurs d’art, l’ancienne enseigne Artémis sera rallumée le soir du 16 du mois, cette nouvelle présence nourrit, sans doute, la dynamique culturelle de Tunis.
Bientôt, derrière les vitres nettoyées entre les murs rafraîchis, la galerie va rouvrir avec l’éclat annoncé et une exposition prestigieuse.
Avec une énergie inflexible, c’est Fairouz Lamouri, la veuve de feu Ridha, disparu en mai 2025, qui va piloter et orienter le destin d’Artémis.
Dans la gestion de la galerie, c’est elle qui, pendant des années, a accompagné son mari, auprès duquel elle a appris le métier en fréquentant le gotha de la culture, principalement aux riches heures des vernissages, elle a trié, restauré, classé en s’abreuvant gorgée après gorgée les bases de la profession non pas dans les manuels, mais dans l’odeur de l’huile de lin ou de l’essence térébenthine, dans les formes des pinceaux, dans les conversations édifiantes avec les artistes et dans les traces laissées par son mari ( notamment la valeur des peintres).
Pendant longtemps, elle n’avait rien voulu toucher : ni les cadres empilés, ni les tableaux entassés, restés là comme figés dans le dernier geste, ni même le carnet où son mari notait les noms d’artistes exposés ou à contacter et… quelque chose en elle refusait que tout cela tombe dans le néant.
Le deuil récent lui a laissé une envie irrépressible : celle de ressusciter et ranimer l’aura assoupie d’Artémis en y insufflant une nouvelle vision, fidèle à l’esprit du fondateur. Discrètement, l’art l’appelait, elle a répondu avec conviction.
Une récente visite à la galerie m’a permis d’apprendre les noms des peintres dont on découvrira les œuvres le soir du vernissage; est-il utile d’affirmer qu’ils sont de grosses pointures de l’art : les Tunisiens Aly Ben Salem, Hatem Mekki, Néjib Belkhoja, Abderrazak Sahli, le Marocain Nabili, les Algériens Stambouli et Amraoui.
Cette première exposition porte le titre : «Renaissance». Un titre qui parle autant des tableaux que de la galerie, et sans doute de la nouvelle directrice.
La galerie Artémis respire à nouveau. Et si les murs gardent encore l’ombre affectueuse de Ridha, ils portent désormais aussi la détermination lumineuse de Fairouz, qui, en rouvrant les portes de l’espace, n’a pas seulement ravivé le souvenir de son mari, mais elle a affirmé sa propre voix et… transformé son chagrin en geste de vie.