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Société

Pension alimentaire et rente de divorce : Et si une amnistie générale était votée !

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  • 13 décembre 19:00
  • 6 min de lecture
Pension alimentaire et rente de divorce : Et si une amnistie générale était votée !

Sous la coupole de l’ARP, où s’est déroulé, dernièrement, le débat budgétaire 2026, la question de la pension alimentaire et de la rente de divorce a fait couler beaucoup d’encre, suscitant, parallèlement, commentaires et réactions sur les réseaux sociaux. Loin de la prison, l’amnistie générale avait, alors, résonné aux quatre coins du palais, comme un droit légitime.

La Presse — En fait, nombre de députés allaient remettre en cause le fameux Code du statut personnel (CSP), promulgué il y a déjà soixante-neuf ans, dont le contenu, aussi figé soit-il, n’a jamais fait l’objet d’une révision ou de profonds amendements plus adaptés à l’évolution de la société tunisienne.

C’est que ce CSP fait toujours figure d’exception, échappant aux critiques des uns et des autres. Soit un texte de loi qui exclut toute discussion ou dérogation. 

Le sujet de la pension alimentaire et de la rente de divorce semble être passé sous silence, souvent assimilé à un sacro-saint tabou dont on n’ose pas parler ou discuter.

Pourquoi n’a-t-on pas eu le courage de le soumettre au débat parlementaire pour révision ou amendement ?, se demande, ainsi, un député à l’ARP, s’adressant à la ministre de la Justice.

Un autre intervenant s’est interrogé sur l’utilité d’une loi qui n’évolue pas et loin d’être en harmonie avec notre vécu actuel. Car les lois changent, la société aussi. 

Besoin d’une révolution législative !

En l’état, ce mode de pension alimentaire et de rente de divorce ne servirait plus la stabilité familiale et encore moins la cohésion sociale.

Pire, il menace la sécurité des enfants et porte atteinte à leur droit de vivre dans un milieu prospère et équilibré. Sinon, l’intérêt supérieur de l’enfant dont on se targue toujours de préserver n’aurait plus de sens.

Certes, ce qui était valable hier ne l’est pas aujourd’hui. Certes, ce CSP, qui était, au départ, destiné à l’organisation de la structure familiale continue, jusque-là, à disposer des articles contre-productifs, pouvant compromettre la vie des couples.

En effet, cette crise conjugale finirait par laisser autant d’enfants face à leur destin.

Ainsi, est-il légitime de forcer une loi qui n’épouse pas son temps. Telle que souhaitée par le Président Kaïs Saied, on aurait besoin d’une révolution législative qui soit en mesure de rendre justice dans la dignité humaine.

C’est le cas du CSP dont l’article 53 bis fait excès de zèle judiciaire, entaché d’un certain vice de fond inacceptable: «Quiconque, condamné à payer la pension alimentaire ou à verser la rente de divorce, sera volontairement demeuré un mois sans s’acquitter de ce qui a été prononcé à son encontre, est puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de cent (100d) à mille dinars (1000 d)».

Au sens du même article, seul «le paiement arrête les poursuites, le procès ou l’exécution de la peine». A en juger ainsi, ce verdict semble aller trop loin dans la répression.

La prison n’est pas une solution

Pourquoi un tel recours à l’emprisonnement, si le conjoint soi-disant condamné se trouve dans l’incapacité de payer sa rente de divorce?!

Et combien de débiteurs ont été envoyés en prison, pour n’avoir pas pu honorer leurs engagements envers leurs ex-épouses ?

En réalité, nous sommes dans une société où les liens matrimoniaux ne sont plus au beau fixe.

Le phénomène du divorce demeure un sport national ! Bien qu’il n’existe pas encore de statistiques officielles, les estimations font état d’un constat préoccupant : «16.000 divorces recensés en 2024, à raison de 44 cas par jour», a révélé, tout récemment, le sociologue Mamdouh Ezzedine, lors de son passage sur les ondes d’une radio privée.

Dans ce cas, imaginons que tous ceux-ci ne puissent plus payer leur pension alimentaire et rente de divorce.

Aussi est-il dérisoire de les voir condamnés à la prison pour une telle raison.

Car comment demander un tel paiement de l’indu, alors que son débiteur est détenu.

«Il n’y a pas de raison que l’Etat assume doublement la charge, celle du prisonnier et de l’enfant issu d’un divorce.

Aujourd’hui, il semble plus que nécessaire de réactiver, comme c’était le cas auparavant, le rôle du fonds des pensions alimentaires auquel est confié le paiement de cette pension alimentaire».

Pareille proposition, semble-t-il, tient bien la route.

Convergence vers une amnistie générale

Et par conséquent, l’amnistie générale au profit des personnes ayant des pensions alimentaires et des rentes de divorce impayées avait déjà fait l’objet d’une initiative législative déposée, depuis mars dernier, au bureau de l’ARP.

On compte, selon un député, plus de 250 mille conjoints condamnés.

«Pire, certains continuent à être recherchés par la police, ce qui pèse sur leur rythme de vie quotidien, d’aucuns parmi nous craignent même d’aller chercher un emploi ou s’asseoir au café du quartier», se plaint Abdessattar, divorcé il y a maintenant plus de 20 ans.

Il s’est remarié, ayant à sa charge un enfant, mais il a du mal à joindre les deux bouts.

«Actuellement sans emploi, je préfère souvent travailler comme gardien de nuit pour ne pas être repéré», raconte-t-il, souhaitant en finir, un jour, avec ce cauchemar interminable. 

Il est ainsi judicieux de penser à des solutions plus souples, censées préserver, à la fois, le droit des ex-conjoints et leurs enfants. Et si on optait pour d’autres peines alternatives à l’incarcération?

Et là, tous deux pourraient en sortir gagnants. 

Somme toute, l’on converge, unanimement, vers l’objectif de vouloir supprimer la peine de prison infligée aux conjoints n’ayant pas dûment payé leur pension alimentaire.

Leur emprisonnement n’est pas une solution, d’autant plus que cela ne va plus résoudre la question principale.

«On est en train d’examiner ce sujet, en collaboration avec les ministères de la Femme et des Affaires sociales pour aboutir à une solution autre que la prison.

Et peut-être, on aura, également, à agir sur l’amendement du fonds des pensions alimentaires et certains articles du CSP à caractère pénal», promet la ministre de la Justice, en réponse aux interrogations des députés relatives au sujet.

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Auteur

Kamel FERCHICHI