clôture de la 39e édition des journée de l’entreprise à sousse Le gouverneur de la BCT s’adressant aux investisseurs : Passer d’un schéma classique à une architecture financière des projets
La Presse — «Notre pays ne manque ni de talents, ni d’idées, ni de projets ; ce qui manque, c’est un volume suffisant d’investissement et un financement mieux orienté vers l’économie réelle», a affirmé le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Fethi Zouhair Nouri, dans un discours prononcé hier lors de la clôture de la 39e édition des journées de l’entreprise à Sousse qui s’est tenue du 11 au 13 décembre.
«Je ne sous-estime ni le degré d’incertitude, ni le poids des contraintes, ni les obstacles d’accès au financement. Mais je tiens à vous confier une conviction simple et forte : nous ne redresserons pas la trajectoire du pays sans transformer, en profondeur, notre rapport à l’investissement productif», a-t-il ajouté.
Le gouverneur de la BCT a, à cette occasion, livré une analyse détaillée de la situation économique et financière actuelle dans le pays, tout en revenant sur les blocages qui freinent les investissements et l’accès aux financements.
Citant «un taux d’investissement national qui plafonne à 16% du PIB, dont seulement 58% assurés par le secteur privé», le gouverneur a souligné que ce taux «reste insuffisant pour soutenir durablement la croissance, l’emploi et la modernisation de notre économie.
La conviction, c’est que ce déficit peut être comblé, si les chefs d’entreprise, les banques et la Banque centrale décident d’agir ensemble, différemment».
«Mon propos aujourd’hui n’est pas de vous demander de prendre des risques inconsidérés, mais de vous inviter à prendre des risques intelligents, mieux partagés, mieux accompagnés. Investir plus et financer plus, ce n’est pas un slogan. C’est une condition pour préserver notre tissu productif, créer des emplois et redonner confiance à toute la société», a-t-il encore lancé à l’adresse des investisseurs.
Comment, ensemble — entreprises, banques et Banque centrale — nous pouvons remettre l’investissement au cœur de notre modèle de croissance et orienter davantage les crédits vers de nouveaux projets créateurs de richesses ?
Posant cette question, le gouverneur de la BCT a d’abord souligné que «nous n’investissons pas assez, ni assez bien», précisant que «le secteur privé continue de faire face aux mêmes difficultés, sans évolution notable malgré les efforts engagés».
Il évolue encore dans un environnement où le financement reste majoritairement orienté vers la trésorerie plutôt que vers l’investissement».
Le gouverneur précise, dans ce cadre, que «sur la période 2022–2024, les crédits à court terme ont progressé d’environ +8,1%, contre +3,3 % seulement pour les crédits à moyen et long terme confirmant un biais persistant vers le financement des besoins immédiats, au détriment des projets productifs».
«Pour que le crédit aille vers de nouveaux projets, nous avons besoin d’une nouvelle génération de projets et aussi d’une nouvelle culture de l’investissement», a-t-il poursuivi.
S’adressant aux chefs d’entreprise, le gouverneur de la BCT a assuré comprendre leurs préoccupations citant : «Un coût du crédit jugé élevé, des garanties estimées difficiles à mobiliser et des délais d’instruction qui peuvent freiner des projets urgents».
«Aujourd’hui, en Tunisie, un projet d’investissement est en moyenne autofinancé à plus de 70%, tandis que les banques classiques n’en assurent qu’environ 18% du coût, un niveau inférieur à la moyenne des pays comparables où le crédit bancaire couvre plutôt 20–25% des investissements et où l’autofinancement tourne autour de 60–65%», a expliqué Fethi Zouhair Nouri, notant que «cette structure semble indiquer que vous portez seuls l’essentiel du risque de vos projets alors que vous sous-utilisez tout un éventail de solutions».
Il a invité les chefs d’entreprise à passer d’un schéma classique «banque + fonds propres» à une véritable architecture financière des projets, combinant plusieurs sources et s’appuyant davantage sur l’écosystème financier dans son ensemble.
La Banque centrale est disposée à accompagner une reprise vigoureuse, mais saine, du crédit à l’économie, dans un cadre rigoureux qui garantit la préservation de la stabilité monétaire et financière, l’amélioration de la qualité du risque et qui donne la priorité au financement des investissements productifs, créateurs de valeur et d’emplois, a-t-il encore affirmé.
La 39e édition des Journées de l’entreprise, tenue du 11 au 13 décembre à Sousse, a réuni nombre d’experts et de responsables nationaux et étrangers autour de la thématique «L’entreprise et le nouvel ordre économique».