La Maison du roman : Le rêve, matrice du récit arabe
Entre visions, imaginaires et héritages littéraires, la troisième édition du Colloque de Tunis pour le roman arabe explore la place du rêve dans la narration, réunissant écrivains et chercheurs venus de 18 pays arabes.
La Presse — La troisième édition du Colloque de Tunis pour le roman arabe, organisée par la Maison du roman, s’est ouverte jeudi à la Bibliothèque nationale de Tunisie autour d’une thématique fédératrice: « Le rêve dans le roman arabe ».
Une constellation d’auteurs et de chercheurs du monde arabe y interroge les multiples visages du rêve dans l’écriture romanesque.
L’après-midi a été marqué par une session scientifique consacrée au rêve comme mécanisme imaginaire, présidée par l’universitaire et autrice tunisienne Emna Rmili. Les interventions ont ainsi traversé les époques, des textes anciens aux œuvres contemporaines, pour saisir comment les visions nocturnes nourrissent l’invention littéraire.
Emna Rmili a proposé une réflexion intitulée « Dans ce que voit le narrateur », où elle explore la notion de vision dans la littérature narrative arabe, des modèles coraniques aux écritures modernes.
Le rêve, explique-t-elle, exerce une double fonction : provoquer l’étonnement et tisser un lien organique entre l’univers onirique et le récit.
Elle souligne également le rôle déterminant de l’approche psychanalytique dans la reconnaissance du rêve comme moteur de créativité, évoquant l’exemple de Naguib Mahfouz, pour qui l’espace onirique devient une véritable architecture narrative.
Dans une communication intitulée « La nécessité du rêve dans le roman arabe », le poète et romancier jordanien Ayman Al-Atoum a étendu la réflexion en considérant le rêve comme un ressort essentiel de la construction narrative, psychologique et culturelle.
Pour lui, il ouvre un champ de possibilités : échapper au réel, sonder l’inconscient, installer un suspense, transmettre des symboles culturels ou encore refléter les mutations du roman arabe après les révolutions contemporaines.
L’écrivain omanais, Zahran Alqasmi, a, pour sa part, revisité la présence des songes à travers l’histoire littéraire arabe, des poètes préislamiques aux récits magiques des Mille et une nuits.
Il rappelle que le rêve n’est pas seulement motif, mais aussi outil de libération du récit, permettant d’alléger les contraintes du réel et de révéler les motivations intimes des personnages.
Le romancier tunisien, Omar Hfaiedh, a conclu la session avec une communication sur « Le rêve et la stratégie de symbolisation dans le roman arabe », insistant sur son rôle en tant que structure sémantique.
Le rêve devient alors un révélateur de l’inconscient, un vecteur de symbolisation des enjeux sociaux et politiques, et un levier pour moduler le rythme narratif.
Après six années d’interruption, le colloque a été inauguré mercredi soir au Théâtre des jeunes créateurs de la Cité de la culture.
Organisée avec l’appui du Théâtre de l’Opéra de Tunis, du Centre des arts, de la culture et des lettres de Ksar Saïd et de la BNT, cette édition 2025 réunit des participants venus de 18 pays arabes.
Les travaux se poursuivront jusqu’à aujourd’hui 13 décembre, avec une série de sessions scientifiques et de rencontres littéraires consacrées au rôle du rêve dans l’évolution du roman arabe et dans l’émergence de nouvelles formes narratives.