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Hichem Turki : « Les startups tunisiennes sont toujours sur le podium dans les concours internationaux »

  • 15 décembre 21:45
  • 6 min de lecture
Hichem Turki : « Les startups tunisiennes sont toujours sur le podium dans les concours internationaux »

Le directeur général de Novation City Hichem Turki défend une vision structurante de la collaboration entre startups et entreprises, fondée sur l’accompagnement expert, la création de centres de compétences sectoriels et l’insertion progressive des jeunes pousses technologiques au cœur des organisations industrielles. Une approche qui vise à combler le fossé entre innovation et adoption, tout en ouvrant la voie à l’internationalisation.

Lors du panel « Startups et entreprises : entre collaborations stratégiques, dynamiques d’écosystème et perspectives d’exit », organisé dans le cadre de la première édition du Bridge 25 par la Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-Française le 15 décembre 2025 à Tunis, Hichem Turki a exposé le modèle opérationnel développé par Novation City pour faciliter les synergies entre startups technologiques et tissu industriel tunisien.

Trois centres de compétences pour structurer l’innovation
Novation City a constitué des centres de compétences structurés autour de trois axes stratégiques : l’industrie intelligente, l’intelligence artificielle et la mobilité. Cette spécialisation s’inscrit dans le champ de la mécatronique, discipline par nature transversale. Chaque centre de compétences s’articule autour de trois activités principales : la formation, l’incubation et l’accélération, ainsi que le conseil et l’accompagnement des entreprises.

Le positionnement de Novation City se distingue par une approche qu’Hichem Turki qualifie lui-même d’« open innovation », mais avec une particularité fondamentale : ce n’est pas l’entreprise qui mène directement cette démarche d’innovation ouverte, mais Novation City qui accompagne l’entreprise dans cette démarche et attire les startups à l’intérieur de l’organisation. Cette posture d’intermédiaire actif vise à surmonter les réticences et les incompréhensions mutuelles entre deux mondes aux temporalités et aux logiques de fonctionnement différentes.

L’expertise terrain, clé de la confiance
La crédibilité de cette médiation repose sur l’expertise des équipes de Novation City. En étant présents au sein même des entreprises, les experts peuvent proposer des technologies développées par les startups qu’ils accompagnent. Cette immersion permet de créer un climat de confiance entre l’entreprise et les solutions technologiques émergentes, élément que Turki juge déterminant pour l’adoption de l’innovation. L’accès aux experts et à leur connaissance du terrain constitue, selon lui, un atout décisif pour ouvrir les portes aux startups et leur permettre de décrocher un premier contrat, souvent crucial pour la suite de leur développement.
Novation City inscrit son action dans un écosystème complexe et interconnecté. L’organisation travaille en étroite collaboration avec l’enseignement supérieur, la recherche, les technopôles et les clusters. Cette approche écosystémique vise notamment à atteindre les PME, qui ne disposent pas des moyens financiers et organisationnels des grandes entreprises pour conduire seules des démarches d’open innovation. Si de grandes entreprises françaises implantées en Tunisie, comme Actia ou Safran, peuvent déployer leurs propres dispositifs d’innovation ouverte, les PME nécessitent un accompagnement structuré et externalisé pour accéder à l’innovation technologique.

De Tunis aux podiums internationaux
Une fois la première collaboration établie, Novation City prolonge son accompagnement en soutenant les startups dans leur expansion internationale. Cette dimension passe par la participation à des salons professionnels et à des concours internationaux. Turki cite notamment l’IA Challenge et l’Arabia Challenge, deux compétitions où les startups tunisiennes se distinguent régulièrement en atteignant le podium. Ces résultats témoignent, selon lui, de la qualité du vivier de talents disponible en Tunisie, une capacité d’innovation sur laquelle il s’agit de capitaliser.

Sur la question de la préparation de l’écosystème tunisien aux exits internationaux, Hichem Turki adopte une position nuancée. Il reconnaît que le marché tunisien est petit et ne permet pas, à lui seul, de générer des sorties d’envergure pour les startups. L’implantation à l’international devient donc une nécessité, non seulement pour accéder à de nouveaux marchés, mais aussi pour contourner les contraintes liées à la réglementation sur les devises en Tunisie. Cette présence physique sur d’autres territoires est indispensable pour ouvrir la voie à des exits significatifs.

Novation City a développé des partenariats stratégiques pour accompagner les startups dans cette internationalisation, en veillant à ce qu’elles ne partent pas seules et puissent bénéficier d’un soutien structuré. Plusieurs dossiers sont en préparation, et Turki exprime une certaine fierté quant aux perspectives qui se dessinent pour ces jeunes entreprises.

Exits : la collaboration comme tremplin vers les rachats
Concernant la capacité des entreprises tunisiennes à participer directement à des exits par rachat, le directeur général de Novation City se montre pragmatique. Il observe qu’il n’existe pas actuellement en Tunisie un nombre suffisant d’entreprises de taille critique disposant de la surface financière nécessaire pour absorber des startups dans le cadre d’opérations de croissance externe significatives. Cependant, il souligne que les collaborations établies en amont, notamment celles facilitées par Novation City, constituent un tremplin vers des opportunités d’acquisition par des groupes internationaux, y compris ceux présents en Tunisie comme Safran.

Pour renforcer cette dynamique, Novation City pilote ou participe à plusieurs programmes structurants. Au-delà de ses propres initiatives, l’organisation intervient dans le cadre de programmes portés par le cluster et collabore avec l’Agence de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation sur le dispositif Smart Capital. Ce dernier vise spécifiquement à favoriser la collaboration entre startups et entreprises et à accompagner l’implémentation concrète de partenariats.

Turki insiste sur l’importance de cette relation de confiance entre startups et entreprises pour l’avenir de l’écosystème tunisien. Si la capacité financière locale reste limitée pour absorber des exits d’envergure, les partenariats industriels bien menés avec de grands groupes, tunisiens ou internationaux, peuvent déboucher sur des opérations de rachat structurantes. Il rappelle également que les startups, au-delà de la dimension technologique, doivent être accompagnées sur l’ensemble des dimensions de leur développement : finance, accès au marché, management d’équipe. Cette vision globale de l’accompagnement constitue, selon lui, une condition indispensable pour permettre aux startups de franchir les étapes et d’atteindre une maturité suffisante pour envisager des sorties réussies.

Hichem Turki a également évoqué la mise en place d’une Smart Factory au sein de Novation City, un espace conçu pour permettre aux startups de tester leurs solutions dans un environnement industriel réel avant leur déploiement chez les clients. Ce dispositif vise à rassurer les entreprises en leur offrant la possibilité de valider concrètement les technologies proposées par les jeunes pousses, dans des conditions proches de celles de leurs propres sites de production. Cette démarche illustre la volonté de réduire les risques perçus par les industriels et de faciliter l’adoption de solutions innovantes en créant un environnement de test intermédiaire, contrôlé et sécurisé.

Auteur

S. M.