Face à la raréfaction de l’eau à Gafsa et Kairouan, l’ONU lance le projet «Apaise-PBF» pour renforcer la gouvernance et prévenir les tensions sociales.
La Presse — La note annonçant le lancement du projet « Apaise-PBF » à Gafsa et Kairouan sonne comme une mise en garde contre l’état actuel des ressources hydriques tunisiennes.
Elle annonce un nouveau projet pour faire face à la pression croissante sur les ressources en eau dans les gouvernorats de Gafsa et Kairouan.
« La sécheresse prolongée, la baisse des nappes phréatiques et la surexploitation des ressources ont fragilisé ces deux régions », lit-on dans le communiqué Bureau de la FAO pour l’Afrique du Nord.
La vulnérabilité sociale y est plus élevée, en particulier pour les femmes, les jeunes et les communautés rurales. Ces facteurs liés à l’accès à l’eau posent un défi majeur.
Dans son intervention, Céline Moyroud, représentante résidente du Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) en Tunisie, a souligné que « la réalité des ressources en eau devient l’un des enjeux géopolitiques majeurs du XXIème siècle.
Aujourd’hui, près de 2 milliards de personnes vivent déjà dans des zones confrontées à un stress hydrique sévère.
Dans plusieurs régions du monde, la raréfaction de l’eau accentue toutes sortes tensions sociales, économiques et territoriales et peut devenir un facteur aggravant de conflit lorsque les mécanismes de gouvernance ne sont pas solides ou inclusifs ».
Il ne s’agit donc pas d’un simple projet technique, mais d’une prise de conscience du caractère stratégique de la question de l’eau en Tunisie, qui s’impose désormais comme un enjeu transversal aux dimensions économiques, sociales et territoriales.
La Paix est dans le goutte-à-goutte
Le constat est néanmoins préoccupant : le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix (PBF) prévoit une enveloppe de 2,6 millions de dollars sur 24 mois afin de prévenir les tensions potentielles liées à la raréfaction de l’eau.
Comme l’a résumé la Représentante du Pnud, lorsque la gouvernance n’est pas suffisamment solide ou inclusive, la pression sur les ressources hydriques peut devenir un facteur de fragilisation sociale.
Les causes de cette situation ne se limitent pas à la sécheresse prolongée ou aux effets du changement climatique.
Elles tiennent également aux limites d’un modèle de gestion vétuste, appelé aujourd’hui à évoluer, afin de mieux répondre aux défis actuels et d’intégrer davantage les préoccupations des populations les plus exposées, notamment les femmes, les jeunes et les communautés rurales
Les nappes phréatiques enregistrent effectivement une baisse sensible. Celle-ci s’explique en partie par des défis persistants en matière de gouvernance et de régulation, qui ont parfois limité l’efficacité et l’équité dans la gestion de la ressource.
Lorsque les populations les plus vulnérables se trouvent davantage exposées aux difficultés d’accès à l’eau, les risques de tensions tendent naturellement à s’accentuer.
Pour de nombreux sociologues et experts, l’équité économique passe ainsi, en amont, par une gestion plus juste et inclusive de l’eau, considérée comme un pilier essentiel de la cohésion sociale et du développement durable.
Le salut passe par le dialogue social
Le mérite de ce projet, piloté par un consortium incluant la FAO, le Pnud et l’Unicef, est de cibler l’essentiel la reconstruction de la confiance locale.
La FAO apporte l’expertise technique pour l’efficience hydrique. Le Pnud doit piloter la gouvernance et la prévention des conflits. L’Unicef, quant à lui, se charge de la sensibilisation des jeunes.
C’est la preuve qu’une solution purement technique est illusoire ; le salut passe par le dialogue social.
Le véritable champ de bataille se situe dans les groupements de développement agricole (GDA) et les délégations de Sbikha ou Hajeb Laâyoune.
En renforçant la participation des femmes rurales et des jeunes, en les formant au leadership et à l’irrigation économe, on leur donne les moyens de surveiller, de décider et de coopérer.
C’est la seule manière de rendre la gestion de l’eau responsable et redevable. Ce projet constitue avant tout un test de gouvernance et de responsabilité collective.
Les 2,6 millions de dollars mobilisés ne visent pas à apporter une solution définitive, mais à offrir à l’État tunisien une fenêtre de 24 mois pour renforcer les mécanismes d’une gestion plus équitable et partagée d’une ressource vitale, par nature commune.
L’enjeu réside désormais dans la capacité des autorités à saisir cette opportunité pour consolider une culture de concertation, de transparence et d’inclusion.
À défaut, l’impact de cet appui financier pourrait rester limité, alors même que les pressions liées à l’eau continueront de s’accentuer.