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L’éducation, un sésame contre l’adversité

  • 15 décembre 21:28
  • 4 min de lecture
L’éducation, un sésame contre l’adversité

L’accès à l’éducation prend toute sa dimension dans les régions intérieures du pays, là où elle représente souvent l’unique voie permettant aux enfants de s’affranchir de leurs conditions sociales précaires et d’aspirer à un avenir meilleur.
Plus forts que la misère, drapés dans leur dignité, c’est la volonté d’y arriver coûte que coûte ou cet espoir communément appelé ascenseur social, qui pousse des centaines d’enfants, voire des milliers à braver des conditions parfois extrêmes dans ces zones rurales pour aller à la quête du savoir et apprendre à lire, à écrire afin d’ acquérir les acquis et les connaissances qui constituent la meilleure arme contre la pauvreté et l’adversité.

À Thibar, Oussama est l’un de ces enfants qui vivent au cœur de la campagne. Chaque jour, il s’est levé à l’aube pour accomplir des tâches multiples et ardues, comme s’enfoncer dans les recoins sombres de la forêt – où la température hivernale plonge sous le zéro – afin de ramasser du bois. Ce maigre butin permettait à sa famille et à lui-même de se réchauffer tant bien que mal le soir, avant qu’il n’entame sa longue marche quotidienne de plusieurs kilomètres vers son lycée.

Là, malgré des doigts douloureux et engourdis par le froid, fissurés par l’arrachage des brindilles, et des pieds endoloris par la longue et pénible marche, il saisissait son stylo afin de copier méticuleusement les leçons, s’abreuvant de la connaissance transmise par ses professeurs. Un jour, un geste de générosité anodin effectué, par l’un d’entre eux, restera à jamais gravé dans sa mémoire. C’est un jour d’hiver très rude qui ressemble aux innombrables jours d’hiver où il fait très froid à Thibar. Malgré le froid glacial, Oussama porte un pull d’été à manches courtes et des sandales dans lesquelles ses pieds sont gelés de froid. Son enseignante de français de l’époque remarqua immédiatement ces pieds rougis et glacés, comprenant qu’il s’agissait de ses seules chaussures.

Éprouvant une profonde compassion, elle décida de lui acheter des espadrilles et des vêtements chauds. Afin de ne pas heurter sa fierté, elle les lui présenta comme un simple cadeau. Un geste d’une humanité bouleversante qui toucha le jeune lycéen en plein cœur.

Mutée dans d’autres régions avant d’intégrer un lycée de la Manouba dans le Grand-Tunis, Selma S. perdit de vue le jeune homme. Lui, en revanche, n’oublia jamais cette enseignante qui avait fait preuve d’une si grande générosité.

Sept ans plus tard, Selma S. se rendit d’urgence dans une clinique de la capitale, accompagnée de son neveu souffrant d’une insuffisance respiratoire. Paniquée face à la dégradation de l’état de santé du nourrisson, elle entendit quelqu’un l’appeler par son nom.
Le jeune médecin qui s’avançait rapidement vers elle pour prendre en charge l’enfant et lui prodiguer les soins nécessaires n’était autre qu’Oussama de Thibar.

La rencontre fut chargée d’émotion pour celui qui avait reconnu son ancienne professeure de français et dont il n’avait jamais oublié la bienveillance. Il lui rappela les moindres détails de ce jour où, parce qu’il tremblait de froid, elle lui avait offert des espadrilles et des vêtements chauds, dans ce lycée niché au fond de sa campagne.

Si pour Oussama, l’ascenseur social a fini par fonctionner et atteindre son objectif, il demeure malheureusement bloqué pour des centaines d’autres jeunes issus des régions intérieures qui, bien qu’ayant obtenu leur diplôme, restent, aujourd’hui, confrontés au chômage.

Auteur

Imen Haouari