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Propreté publique : Kaïs Saïed déclare la guerre aux incivilités

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  • 15 décembre 18:15
  • 6 min de lecture
Propreté publique : Kaïs Saïed déclare la guerre aux incivilités

La propreté publique s’impose comme un dossier central dans l’action du Président Kaïs Saïed, qui multiplie les rappels à l’ordre pour rompre avec une gestion ponctuelle et inefficace des déchets

La Presse — La question de la propreté publique revient avec insistance dans les entretiens du Président de la République, Kaïs Saïed, avec la Cheffe du gouvernement et en particulier avec le ministre de l’Intérieur.

Loin d’être une préoccupation nouvelle, elle s’inscrit dans une ligne constante de discours et d’actions visant à rompre avec une gestion intermittente du phénomène des déchets, souvent réduite à des campagnes éphémères, sans impact durable sur le quotidien des citoyens.

Tolérance zéro face aux incivilités et aux manquements dans la gestion des déchets

Lors de ses récentes rencontres au Palais de Carthage avec la Cheffe du gouvernement, puis avec le ministre de l’Intérieur, Khaled Nouri, le Chef de l’État a réaffirmé la nécessité d’une action gouvernementale cohérente et continue, dénonçant le dysfonctionnement de nombreux services publics.

Il a notamment insisté sur le rôle central des responsables régionaux et locaux dans les opérations de nettoyage, qui ne doivent en aucun cas être limitées dans le temps, mais constituer un travail permanent tout au long de la journée.

Kaïs Saïed s’est dit aussi surpris, voire indigné, de devoir intervenir personnellement pour des questions relevant des missions ordinaires de l’administration, comme le raccordement à l’assainissement, l’éclairage public ou la réparation de routes.

Les arguments avancés dont les lourdeurs procédurales ou le manque de moyens sont infondés, martèle-t-il, d’autant que ces obstacles semblent disparaître dès lors que les responsables sont sommés d’assumer pleinement leurs fonctions.

Pour le Président, le rôle de l’administration est précisément de lever les entraves, simplifier les procédures et préserver l’argent public, trop souvent dilapidé dans les circuits bureaucratiques.

Cette fermeté n’est pas récente. En effet, lors d’un précédent entretien avec le ministre de l’Intérieur, le Chef de l’État avait dénoncé l’accumulation « anormale » des déchets dans plusieurs régions, malgré les moyens techniques mobilisés.

Il avait pointé une « absence d’exécution » et ordonné l’application stricte de la loi contre les responsables négligents et les comportements inciviques, qu’il s’agisse de déchets ménagers ou de dépôts sauvages de gravats.

Le Président a rappelé l’élan citoyen observé après l’élection présidentielle de 2019, lorsque des campagnes spontanées de nettoyage avaient fleuri dans de nombreuses villes.

Selon lui, ces initiatives ont été sabotées par des réseaux d’intérêts qui profitent aujourd’hui de la dégradation volontaire du cadre urbain.

Restaurer la propreté, affirme-t-il, passe autant par la responsabilité des autorités que par une prise de conscience collective et un refus ferme des atteintes à l’espace public, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Déchets et gouvernance locale : un défi à la fois opérationnel et institutionnel

Les chiffres confirment l’ampleur du défi. La Tunisie produit chaque année près de 3,7 millions de tonnes de déchets ménagers, soit plus de 10 000 tonnes par jour.

Si le taux de collecte atteint 79 %, les 21 % restants continuent de polluer rues, quartiers et zones naturelles.

Face à cette situation, le ministère de l’Intérieur avait lancé un plan d’urgence, incluant la modernisation du parc de collecte avec l’acquisition de 465 nouveaux véhicules, attendus à partir de juin 2026, et la mise en place de solutions temporaires pour les municipalités non couvertes par des décharges contrôlées.

Mais pour Kaïs Saïed, la solution ne saurait être uniquement technique. Elle est aussi institutionnelle et politique. 

D’où son insistance répétée sur la nécessité d’un nouveau cadre légal pour les prochaines élections municipales.

Lors de sa rencontre du 14 novembre avec le président de l’Isie, Farouk Bouasker, le chef de l’Etat a souligné que les prochaines élections municipales ne pourraient avoir lieu qu’après l’adoption d’un nouveau code des collectivités locales. 

Ce texte vise à remédier aux dérives constatées entre 2018 et 2021, marquées par une politisation excessive, des conflits internes, des pratiques de mauvaise gestion, des soupçons de corruption et une incapacité à assurer correctement les services de base, notamment la propreté publique.

La gouvernance locale, telle qu’elle a fonctionné dans le passé récent, a souvent échoué à répondre aux besoins quotidiens des citoyens, transformant les municipalités en arènes partisanes plutôt qu’en espaces de proximité.

La refonte annoncée vise à instaurer des conseils municipaux responsables, redevables et recentrés sur l’intérêt général.

La capitale du Tourisme Arabe doit être propre

Cet enjeu revêt une importance stratégique alors que la Tunisie s’apprête à assumer le statut de Capitale arabe du tourisme en 2027.

Cette distinction, qui consacre la richesse culturelle et patrimoniale du pays ainsi que son ambition de hisser l’offre touristique vers plus de qualité, implique des exigences renforcées en matière de cadre urbain, de protection de l’environnement et de qualité de vie. 

Une capitale touristique ne saurait exister sans villes propres, espaces publics préservés et comportements citoyens responsables. Il est donc impératif d’anticiper dès à présent ce rendez-vous majeur et d’agir sans tarder.

Au-delà de l’action de l’État, de nombreux observateurs soulignent la nécessité d’impliquer l’ensemble de la société à savoir l’école, les associations, les entreprises, les commerçants et les citoyens.

Sensibilisation dès le plus jeune âge, bénévolat de quartier, multiplication des poubelles, sanctions effectives contre les contrevenants, campagnes médiatiques intelligentes et évaluations régulières des politiques publiques constituent autant de leviers complémentaires.

La propreté n’est ni un slogan ni une opération ponctuelle, mais un combat quotidien, indissociable de la gouvernance locale, de la justice administrative et de la dignité des citoyens.

Une bataille qui doit être menée dans la durée, en maintenant une pression constante sur les décideurs, jusqu’à ce que la propreté redevienne la règle, et non l’exception.

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Auteur

Samir DRIDI