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Système du tiers payant (Cnam) : Les pharmaciens à bout

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  • 15 décembre 18:45
  • 5 min de lecture
Système du tiers payant (Cnam) : Les pharmaciens à bout

La Presse — La décision qu’a prise le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (Spot) quant à la suspension du système du tiers payant pour les affiliés de la Cnam vient comme une réponse plausible au retard de remboursement.

Depuis des mois, la Cnam n’a pas honoré ses engagements à l’égard des pharmaciens d’officine conformément aux conditions exigées dans la convention.

Parallèlement, ceux-ci voient leurs recettes diminuer sensiblement alors que leurs charges — et potentiellement leurs dettes — prennent le dessus !

Non remboursés depuis cinq mois et demi !

Ravis de s’exprimer sur le problème, la plupart des pharmaciens d’officine interpelés préfèrent garder l’anonymat…Il faut dire que la situation dans laquelle ils se sont trouvés — contraints — devient ingérable.

«Nous avions signé la convention avec la Cnam en 2007.

En ce temps-là, le remboursement des deux tiers se faisait au bout d’une semaine d’achat. Puis, au fil des années, le respect du délai faisait de plus en plus défaut.

Actuellement, la Cnam ne nous a pas remboursés depuis cinq mois et demi ! C’est qu’après plusieurs tentatives préalables, opérées par notre syndicat pour faire pression sur la Caisse, cette dernière a demandé un délai supplémentaire de soixante jours, lequel a été triplement dépassé», indique Hana ( pseudonyme), pharmacienne.

 Cette situation perturbe grandement les recettes des pharmaciens d’officine et influe négativement sur leur budget.

Selon Lotfi Ben Ghachem, pharmacien d’officine, le remboursement des deux tiers par la Cnam devrait être assuré dans les quelques jours qui suivent l’achat.

«Vous savez, toutes les pharmacies sont dotées d’un système informatisé. Un remboursement opéré dans quelques jours est acceptable, mais lorsque cela prend deux semaines voire plus, cela devient ingérable», souligne-t-il.

Un problème de gestion et d’argent qui contraint bon nombre de pharmaciens. 

«Il y a une capacité d’endettement à ne pas excéder. Les pharmaciens d’officine dont le commerce se trouve dans des zones où le nombre des retraités- et par conséquent des malades chroniques- est important sont dans l’obligation de recourir au système du tiers payant pour les affiliés de la Cnam.

Ces pharmaciens ont des fournisseurs à payer, des factures à honorer vis-à-vis de la Pharmacie centrale, un personnel à payer et bien d’autres charges…», indique Ahmed (pseudonyme), pharmacien.

Les pharmaciens recommandent la carte vitale

Le retard au niveau des remboursements par la Cnam des deux tiers des ordonnances de leurs affiliés vient contrecarrer toutes les conditions exigées par le syndicat au moment du renouvellement de la signature de ladite convention, et ce, le 31 décembre 2024.

«Les conditions du syndicat étaient pourtant bien claires : une condition exceptionnelle de remboursement selon un délai de soixante jours — nous sommes à cent soixante-dix jours actuellement — ainsi que la digitalisation du système via le lancement d’une carte vitale baptisée «Carte Lebes», laquelle informatisera toutes les données sanitaires et pharmaceutiques du client.

Ces conditions, poursuit Ahmed, n’ont pas été respectées, au détriment de l’intérêt des pharmaciens».

Pourtant, les conditions établies par le syndicat convergent vers une meilleure planification du système.

La carte vitale, par exemple, faciliterait la gestion des ordonnances, la vente des médicaments mais aussi la préservation de l’historique des traitements acquis, en toute transparence.

«Pour instaurer la carte vitale, il faudrait engager des spécialistes du digital, garantir le financement nécessaire à ce produit mais aussi, voire surtout, avoir une volonté politique d’améliorer les prestations de la Cnam et les services relatifs à la santé», indique Ben Ghachem. 

Retrait des maladies ordinaires de la liste

Pour inciter la Cnam à honorer ses engagements à l’égard des pharmaciens d’officine partenaires, le syndicat a retiré le volet des maladies ordinaires de la liste du système du tiers payant, et ce, depuis le mois d’octobre ; en vain. 

De leur côté, les malades chroniques se trouvent, souvent, dans l’incapacité de payer la totalité du prix de leurs traitements.

Les pharmaciens le savent pertinemment. Accepter de ne recevoir que le tiers de la somme, dans l’attente d’être remboursé par la Cnam, constitue, finalement, un acte de générosité, voire de solidarité sociale.

Aussi, est-il judicieux de réserver ce système aux malades chroniques dont les traitements réguliers coûtent cher, mais aussi aux traitements via des accords préalables.

«Les maladies ordinaires sont à écarter du système du tiers payant.

D’autant plus qu’il convient aux citoyens de soutenir les caisses sociales.

Il faut qu’ils sachent que les caisses sont créées pour aider les classes vulnérables selon une logique purement sociale», suggère Ben Ghachem. 

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Auteur

Dorra BEN SALEM