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De la dépendance énergétique à un hub stratégique euroméditerranéen: L’hydrogène vert peut-il devenir un moteur économique ?

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  • 17 décembre 17:15
  • 6 min de lecture
De la dépendance énergétique à un hub stratégique euroméditerranéen: L’hydrogène vert peut-il devenir un moteur économique ?

À quelques kilomètres de l’Europe, la Tunisie pourrait transformer ses défis énergétiques en un moteur de croissance et d’influence régionale.
La Presse — La Tunisie se trouve, aujourd’hui, à un carrefour stratégique de son développement énergétique et industriel, confrontée à une dépendance croissante aux importations et à un déficit commercial record, tout en disposant d’opportunités uniques pour devenir un acteur clé de la sécurité énergétique euroméditerranéenne.
Selon Nidhal Ouerfelli, ancien ministre et expert international en transition énergétique, la Tunisie bénéficie d’un atout fondamental : sa position géographique au cœur de la Méditerranée. À moins de 140 kilomètres des côtes européennes, elle est idéalement placée pour devenir une plateforme énergétique, industrielle et logistique euroméditerranéenne.

Dépendance énergétique et déficit record
La situation énergétique tunisienne est préoccupante. Le taux de couverture énergétique, qui mesure le rapport entre production nationale et consommation, est passé de 124 % en 1990 à seulement 42 % en 2024, et tombe à 33 % si l’on exclut la redevance du gaz algérien. Le déficit commercial énergétique a atteint près de 9 milliards de dinars fin octobre 2024. “Pour chaque dinar gagné grâce aux exportations énergétiques, la Tunisie en dépense près de quatre pour importer de l’énergie”, souligne Ouerfelli lors de la 39e édition des Journées de l’entreprise tenue cette année du 11 au 13 décembre 2025 à Sousse.
Le responsable a ajouté que la dépendance aux combustibles fossiles et l’instabilité des prix internationaux renforcent le caractère stratégique de la transition énergétique.
“La Méditerranée est marquée par de fortes inégalités énergétiques. Les pays du Nord, riches et fortement énergétisés, ont réduit leur consommation grâce à des politiques volontaristes et une faible croissance démographique. À l’inverse, les pays du Sud, dont la Tunisie, connaissent une urbanisation rapide et une forte croissance démographique, entraînant une augmentation de la demande énergétique de plus de 6 % depuis 2010”, a-t-il expliqué.
Ouerfelli rappelle aussi que la transition énergétique n’est plus aujourd’hui un choix parmi d’autres. Elle est devenue un impératif stratégique, au croisement de trois enjeux majeurs : la sécurité énergétique, la compétitivité économique et la souveraineté nationale.
Il a ajouté que la Tunisie peut tirer parti de sa position géographique pour devenir un hub énergétique euroméditerranéen, en rapprochant production et consommation, en sécurisant les corridors énergétiques et en réduisant les risques géopolitiques pour ses partenaires. Cette ambition nécessite une vision claire et une gouvernance stable, avec des partenariats publics-privés et un cadre réglementaire incitatif.
“Un hub énergétique ne se limite pas à l’export d’énergie. Il structure une influence économique, industrielle et diplomatique sur le long terme. A cet égard, être un hub énergétique, ce n’est pas seulement exporter de l’énergie. C’est structurer une influence économique, industrielle et diplomatique sur le long terme”, a encore souligné Ouerfelli.

Renouvelables, hydrogène vert et innovation numérique 
Sur un autre plan, Nidhal Ouerfelli a précisé que la Tunisie s’apprête à exploiter pleinement son potentiel énergétique à travers des projets structurants qui pourraient transformer son paysage industriel et économique. Le développement massif des énergies renouvelables constitue l’un des piliers de cette stratégie. “Le pays bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel, avec plus de 3 000 heures de lumière par an, et d’un potentiel éolien significatif. Les projets photovoltaïques et éoliens de grande envergure, notamment les centrales de plus de 100 MW, offrent des solutions rapides et compétitives pour réduire le déficit énergétique national et limiter la dépendance aux importations”, a-t-il expliqué. 

Et d’ajouter : ces initiatives sont également porteuses d’une filière industrielle locale, englobant l’ingénierie, la construction, la maintenance et la digitalisation, et permettent la création d’emplois qualifiés. Les retombées économiques sont ainsi concrètes : réduction de la facture énergétique nationale de plusieurs centaines de millions de dinars par an, montée en compétences technologiques et structuration d’un écosystème dynamique autour des développeurs et opérateurs.
Pour que ces énergies renouvelables puissent être pleinement exploitées, il est indispensable de renforcer les infrastructures de transport et de stockage de l’énergie. La modernisation des réseaux haute et très haute tension, l’actualisation des postes électriques et le développement des capacités de stockage, que ce soit à travers des batteries, des stations de transfert d’énergie par pompage ou des systèmes de stockage thermique, sont des leviers essentiels. “Ces investissements permettent non seulement d’améliorer la qualité de service et de réduire les pertes techniques, mais aussi d’intégrer des volumes plus importants d’énergies intermittentes et de moderniser l’outil industriel électrique”, a-t-il encore affirmé.

Parallèlement, le développement de l’hydrogène vert et des technologies Power-to-X se présente comme une filière stratégique pour la Méditerranée. “La position géographique de la Tunisie la place naturellement comme un hub pour la production d’hydrogène vert et de ses dérivés, tels que l’ammoniac ou le méthanol verts, destinés à l’export vers l’Europe… Cette orientation ouvre des opportunités pour les entreprises locales dans les travaux publics, les pipelines, les électrolyseurs et les infrastructures de stockage, et permet la création d’une filière industrielle entièrement nouvelle, capable de générer des investissements à long terme et de renforcer la souveraineté technologique du pays”, a-t-il indiqué.

Finalement, et non moins important, Ouerfelli n’a pas manqué de rappeler que la transition numérique du système énergétique est un levier déterminant pour la compétitivité et l’efficacité. Le déploiement de réseaux intelligents, le comptage intelligent, l’optimisation via l’intelligence artificielle et le big data, ainsi que la maintenance prédictive des infrastructures, permettent d’améliorer significativement l’efficacité opérationnelle et de réduire les coûts d’exploitation. “Ces avancées offrent également des opportunités considérables pour les entreprises technologiques locales, qu’il s’agisse de solutions logicielles, de capteurs connectés, de l’Internet des objets ou de la cybersécurité”, a-t-il conclu.

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Auteur

Meriem KHDIMALLAH