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Journées cinématographiques de Carthage – Cinéma du monde aux jcc – « Father, mother, sister, brother » de Jim Jarmush : Variation sur le thème de la famille

  • 18 décembre 20:00
  • 4 min de lecture
Journées cinématographiques de Carthage – Cinéma du monde aux jcc – « Father, mother, sister, brother » de Jim Jarmush : Variation sur le thème  de la famille

En trois tableaux, entre New York, Dublin et Paris, Jim Jarmusch ausculte la famille comme un territoire fissuré.

Father, Mother, Sister, Brother transforme les retrouvailles en scènes d’observation délicates, où l’humour, les silences et les non-dits disent l’essentiel des liens qui se distendent.

La Presse — Présenté dans le cadre de la section Cinéma du Monde, « Father, mother, sister, brother » du réalisateur américain Jim Jarmush, Lion d’Or de la Mostra de Venise 2025, a fait sensation lors de sa projection au cinéma Le Rio (malheureusement une projection perturbée par plusieurs interruptions) pour la pertinence de son propos et surtout pour la démarche artistique singulière.

Le film est construit en trois chapitres distincts autour de la thématique  de la famille.

Un sujet certes consommé mais encore d’actualité qui a pour décor New York, Dublin et Paris, traité avec un humour perspicace. Le thème de la famille disloquée requiert une grande importance dans la société occidentale.

Dès la fin de l’adolescence, les enfants quittent leurs parents et ne se rendent pour les visiter qu’à l’occasion des fêtes de fin d’année.

Ici, chez Jim Jarmush, on aurait dit que ce thème est presque un prétexte pour mettre en œuvre des motifs qui fonctionnent comme un leitmotiv. Comment cela ?

Dans le premier chapitre, un frère et une sœur quittent New York pour aller visiter leur père installé à la campagne.

Dans son chalet qui tombe en ruine au bord d’un lac, le père, qui se néglige, n’a pas l’air content de les revoir et eux non plus, ils n’ont qu’une seule envie : rentrer chez eux au plus vite. 

Dans le deuxième chapitre, le film nous emmène à Dublin où une mère écrivaine reçoit ses deux filles, l’une rebelle  et l’autre introvertie, qui viennent la visiter une fois par an.

La mère et les filles n’échangent que des banalités au cours d’un tea time.

En contraste avec les deux chapitres précédents, le troisième présente une sœur et un frère jumeaux  qui visitent pour une dernière fois l’appartement parisien de leurs parents, morts dans un accident tragique, où ils ont vécu une partie de leur enfance.

Leurs préoccupations sont de se débarrasser des biens du passé. 

Le film évoque les relations étranges entre parents vieillissants et enfants qui entretiennent un rapport distant voire indifférent.

Se profilent dans ce contact les remords de ne pas avoir assez profité de ses parents et les tensions qui jaillissent entre le frère et la sœur sur cette question lors de leur visite qui semble être une simple formalité.

Le film s’intéresse aux détails, aux faux-semblants et aux non-dits pour faire bonne figure de l’image familiale et de son dysfonctionnement. Ce qui lui donne toute sa force et son intérêt.

Jim Jarmush livre une observation des scènes de retrouvailles familiales, particulièrement celles en lien avec les douleurs du passé et les non-dits.

Sa réflexion sur les liens familiaux ambivalents est basée sur l’observation.

Pour ce faire, il se sert de motifs pour alimenter sa mise en scène : la symétrie au niveau des plans, les situations, les mêmes dans les trois chapitres bien que les pays soient différents (New York, Dublin et Paris), mais les espaces restent les mêmes (les routes, la maison).

On retrouve les objets ici et là : la montre rollex, vraie ou fausse, l’eau comme boisson essentielle, les photos souvenirs, les skaters sur les routes qui roulent entre les voitures. 

Les acteurs sont d’une force rare, particulièrement Tom Waits qui campe un vieillard nonchalant et roublard mais ce n’est qu’un masque qu’il revêt lors de la visite de ses enfants.

Charlotte Rampling est formidable en mère douce, tendre et affectueuse attentive à tous les détails lors de l’entrevue avec ses filles sans oublier le reste du casting dont Cate Blanchett, Vicky Krieps, Mayim Bialik, Adam Driver qui jouent avec subtilité et beaucoup de retenue. 

Auteur

Neila GHARBI