gradient blue
gradient blue
A la une Economie

Les Tunisiens de l’étranger veulent investir mais buttent sur cinq obstacles majeurs

  • 23 décembre 22:36
  • 4 min de lecture
Les Tunisiens de l’étranger veulent investir mais buttent sur cinq obstacles majeurs

Un diagnostic inédit sur les attentes des expatriés tunisiens a été dévoilé mardi à Tunis. Financée par l’Union européenne et pilotée par l’OFII dans le cadre du programme THAMM, cette investigation brosse le portrait d’une communauté partagée entre attachement au pays natal et réticences face aux réalités du terrain.

Les résultats, exposés par Nabil Belaam le directeur général d’Emrhod Consulting lors d’une rencontre organisée par l’ATUGE, s’appuient sur un protocole d’enquête exigeant. La collecte de données a combiné sessions collectives préparatoires, questionnaires numériques et interviews téléphoniques auprès de 1041 Tunisiens établis hors frontières.
Le constat chiffré traduit une diaspora hésitante : 59% des expatriés écartent définitivement l’hypothèse d’un retour. 20% affichent une volonté ferme de rentrer, tandis que 21% restent dans l’expectative, sans calendrier défini. Parmi les candidats au retour, 24% projettent de lancer une activité économique, 21% envisagent d’y couler une retraite active, mais c’est bien la dimension familiale qui domine avec 34% des intentions.

Le poids du lien familial intergénérationnel
Trois ressorts psychologiques expliquent l’aspiration au retour. La famille arrive en tête avec une dimension transgénérationnelle : accompagner des parents âgés, préserver l’unité du couple, mais surtout ancrer les enfants dans leur héritage culturel tunisien face aux influences des sociétés occidentales d’accueil.
Le retour à la retraite constitue la deuxième force motrice, avec une particularité générationnelle soulignée par l’enquête. Contrairement à leurs aînés, les Tunisiens qui atteignent aujourd’hui l’âge de la retraite entre 60 et 67 ans ne conçoivent pas leur fin de carrière comme une période d’inactivité. Cette aspiration fusionne régulièrement avec des ambitions entrepreneuriales, formant le troisième moteur du retour. Cette combinaison retraite-investissement marque une rupture avec les migrations passives d’antan, justifiant selon l’expert la répétition périodique de telles études.

Cinq barrières concrètes à la réinstallation
Face à ces élans, le terrain oppose cinq résistances majeures. L’inertie du marché de l’emploi national décourage d’abord les salariés expatriés, formés aux carrières structurées, qui ne retrouvent pas d’équivalent leur permettant une continuité professionnelle.
Les aspirants entrepreneurs butent ensuite sur le flou des opportunités d’affaires et le déficit de projets porteurs clairement identifiables. S’ajoute le labyrinthe administratif, qui impose aux porteurs de projets un parcours du combattant bureaucratique pour obtenir autorisations et certifications. Le régime fiscal vient alourdir l’équation, avec une pression fiscale jugée dissuasive pour toute création d’activité.
Dernière entrave : le décalage de qualité de vie. Habitués aux standards d’infrastructures européens en matière d’éducation, santé et mobilité, les expatriés mesurent l’écart avec la réalité tunisienne, ce qui refroidit leurs ardeurs.
L’investigation révèle par ailleurs une diversité sectorielle des projets d’investissement envisagés, couvrant agriculture, technologie, transformation agroalimentaire et énergies, sans domaine privilégié.

Six leviers stratégiques pour inverser la tendance
De ces constats découlent six pistes d’action prioritaires. Première urgence : revitaliser l’attractivité économique en ouvrant l’accès aux marchés prometteurs, en fluidifiant l’écosystème entrepreneurial et en libéralisant le crédit via des taux bonifiés et un cadre fiscal repensé.
Deuxième chantier : rehausser le niveau de vie par des investissements conséquents dans les systèmes de santé, d’enseignement, de transport et de sécurité, couplés à une flexibilisation du marché de l’emploi.
Troisième priorité : numériser massivement l’administration. Les expatriés, rompus aux services dématérialisés accessibles en quelques clics, exigent la fin du tout-papier, l’allègement procédural et l’assouplissement des réglementations bancaires autorisant les mouvements de capitaux transfrontaliers.
Quatrième axe : sécuriser la protection sociale via des conventions bilatérales permettant la portabilité des pensions et l’instauration de passerelles souples entre systèmes de pays différents.
Cinquième dimension : garantir la stabilité institutionnelle en renforçant la lisibilité des politiques économiques et la transparence des institutions, condition sine qua non pour reconquérir la confiance de la diaspora.

Auteur

S. M.