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Economie

Kiosque international

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  • 24 décembre 19:15
  • 5 min de lecture
Kiosque international

Flux financiers illicites
Une hémorragiestructurelle pour les économies africaines

Les flux financiers illicites (FFI) constituent l’un des défis économiques les plus lourds et persistants pour l’Afrique. Longtemps perçus comme un sujet technique réservé aux experts, ils sont désormais largement documentés par les institutions internationales.

Selon les estimations convergentes de la Cnuced, de la Banque africaine de développement (BAD) et d’organisations spécialisées, le continent perd chaque année entre 88 et 90 milliards de dollars du fait de sorties financières illégales, soit près de 3,7 % de son PIB.

Les travaux de la Cnuced évaluent à environ 88,6 milliards de dollars par an les flux quittant illicitement l’Afrique, un montant comparable à l’aide publique au développement et aux investissements directs étrangers reçus.

Cette situation met en évidence un paradoxe majeur : alors que le continent dépend des financements extérieurs, il voit simultanément s’évaporer des ressources domestiques considérables.

La BAD élargit encore cette lecture en intégrant l’évasion fiscale agressive et la corruption, estimant que les sorties globales de capitaux dépassent 580 milliards de dollars par an, contribuant à l’aggravation du déficit de financement des infrastructures et à l’alourdissement d’une dette publique avoisinant 2.000 milliards de dollars.

Sur le plan géographique, l’Afrique de l’Ouest figure parmi les régions les plus touchées, notamment les pays à forte intensité extractive. Le Nigeria illustre l’ampleur du phénomène, avec des flux illicites estimés à 2,2 milliards de dollars pour la seule année 2014.

Des pertes significatives sont également relevées au Ghana, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. En Afrique centrale, la République démocratique du Congo concentre les alertes, avec plus de 100 millions de dollars de recettes non perçues identifiées par les audits de l’Eiti.

En Afrique australe, l’Afrique du Sud enregistre en moyenne 7,4 milliards de dollars de sorties illicites annuelles, principalement liées à la fausse facturation commerciale et aux transferts abusifs de bénéfices.

Les sources des FFI sont aujourd’hui clairement identifiées : l’évasion fiscale et les abus commerciaux représentent près de 65 % des flux, suivis par la corruption, les détournements de fonds publics et la criminalité organisée.

Les impacts sont mesurables et lourds : perte de recettes fiscales, sous-investissement dans la santé et l’éducation, aggravation du déficit d’infrastructures et recours accru à l’endettement.

Les flux financiers illicites apparaissent ainsi comme un frein structurel au développement, appelant à des réponses coordonnées à l’échelle nationale, régionale et internationale.

Numérique
Le bras de fer UE–Etats-Unis

Les Etats-Unis ont haussé le ton, mardi, à l’égard de l’Union européenne, menaçant de représailles si Bruxelles et ses États membres ne revenaient pas sur une régulation du numérique jugée « discriminatoire » par Washington.

Selon l’administration américaine, ces règles viseraient à « restreindre, limiter et décourager » l’activité des entreprises technologiques américaines sur le marché européen.

Dans un message publié sur le réseau X, le bureau du représentant américain au Commerce (Ustr) a accusé l’UE et certains pays membres de persister dans « une approche discriminatoire » marquée par des « poursuites, taxes, amendes et directives » ciblant les fournisseurs américains de services numériques.

« S’ils persistent, les États-Unis n’auront d’autre choix que d’utiliser tous les outils à leur disposition pour contrer ces mesures déraisonnables », a averti l’Ustr.

De son côté, la Commission européenne a rejeté ces accusations et réaffirmé sa détermination à appliquer ses règles « de manière équitable et sans discrimination ».

« Nos règles s’appliquent de façon égale à toutes les entreprises opérant dans l’UE », a déclaré Thomas Regnier, porte-parole de la Commission, soulignant que Bruxelles continuerait à faire respecter sa législation.

Depuis le début de l’année, la Maison Blanche multiplie les critiques contre les régulations européennes du numérique, notamment le règlement sur les services numériques (DSA) et le règlement sur les marchés numériques (DMA), ainsi que contre les enquêtes et sanctions infligées par la Commission aux géants américains du secteur.

Cette position est toutefois contestée jusque dans la Silicon Valley. Luther Lowe, cadre dirigeant de l’incubateur Y Combinator, a dénoncé sur X « une trahison navrante » de la « petite tech » américaine, estimant que le DMA « ouvre des parts de marché aux petites entreprises américaines » et devrait « être imité plutôt qu’attaqué ».

Début décembre, l’UE a infligé une amende de 120 millions d’euros au réseau social X, propriété d’Elon Musk, pour non-respect du DSA.

Une décision vivement critiquée par Washington, le secrétaire d’Etat Marco Rubio y voyant « une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain ».

Entrée en vigueur il y a deux ans, la législation européenne vise à lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne et impose des obligations renforcées aux grandes plateformes.

Ces dernières années, plusieurs milliards d’euros d’amendes ont ainsi été imposés à des groupes américains pour non-respect du droit européen.

Rappelant que des entreprises européennes opèrent librement depuis des décennies sur le marché américain, l’Ustr a cité Accenture, Capgemini, Publicis ou encore la start-up française d’IA Mistral.

L’administration américaine n’exclut pas, en cas d’escalade, d’imposer des droits d’entrée ou des restrictions aux services étrangers.

Washington a par ailleurs appelé l’UE à assouplir ses règles, évoquant la possibilité de concessions sur les droits de douane visant l’acier et l’aluminium européens, et mis en garde d’autres pays tentés d’adopter une régulation similaire.

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Auteur

Saoussen BOULEKBACHE