Kairouan – Meurtre d’un jeune chauffeur de taxi : De l’ensauvagement à la sauvagerie…
Ce n’est plus un simple fait divers. Ce n’est plus un chiffre de plus dans la grisaille des chroniques judiciaires.
L’assassinat atroce d’un jeune chauffeur de taxi lors d’un braquage, dimanche à Kairouan, lâchement perpétré par un criminel récidiviste, est le symptôme d’un mal profond qui ronge les fondements de notre contrat social.
Nous ne parlons plus ici de délinquance, mais d’un ensauvagement qui a atteint le summum de la sauvagerie.
La Presse — Comment en sommes-nous arrivés là ? La question est brutale, mais nécessaire. Un homme, un travailleur qui ne cherchait qu’à gagner dignement sa vie au volant de son véhicule, a croisé le fer ou plutôt la lame d’un individu que la société avait décidé de gracier.
La justice est, par définition, un acte de haute civilisation. Elle suppose que celui qui a fauté doive être poursuivi pour ses forfaits portant atteinte à la sécurité et à l’intégrité de ses semblables.
Mais quand la justice devient aveugle, quand elle sanctionne disproportionnellement et libère des prédateurs sans s’assurer de leur métamorphose, elle ne fait qu’offrir de nouvelles proies à la bête féroce.
En Tunisie comme ailleurs, l’État a le devoir de pardonner, mais il a, avant tout, l’obligation de protéger.
L’ensauvagement du quotidien
Ce qui effraie dans ce drame kairouanais, c’est l’absence totale de frein moral. On tue pour un pécule, on massacre par habitude, on détruit une vie pour le néant.
C’est ce passage de la « violence » à la « sauvagerie » qui doit nous alerter. La sauvagerie, c’est l’étape où l’autre n’est plus un semblable, mais un obstacle que l’on élimine sans ciller.
Nous assistons à une désacralisation de la vie humaine. Et cette dérive ne peut être contenue par de simples discours de déploration ou des larmes de circonstance.
L’impératif de la fermeté
Il est temps de se poser les vraies questions sur notre arsenal législatif. Si la réinsertion est un idéal noble, elle ne doit pas servir de paravent à l’impunité.
Face à une telle barbarie, la réponse ne peut être que l’endurcissement des sanctions.
D’abord, par une révision drastique des critères d’amnistie pour les crimes de sang. Ensuite, par une sévérité accrue qui serve de signal : la République ne reculera pas devant ceux qui ont choisi de vivre en dehors de ce qui fait l’humanité de l’homme.
On ne soigne pas une gangrène avec de l’aspirine. On ne traite pas des questions aussi graves comme celles de l’intégrité des personnes et de la paix sociale par le mélo de la téléréalité.
Cuirasser les sanctions, ce n’est pas renoncer à nos valeurs. C’est, au contraire, réaffirmer que la sécurité du citoyen est la première des libertés. Si l’État flanche, si la justice hésite, alors c’est la loi de la jungle qui s’installera.
Et à Kairouan, la jungle a déjà fait une victime de trop.
Cela dit, pacifier la rue et la société à Kairouan, comme dans le reste des régions du pays, passe par une approche globale de la sécurité.
C’est-à-dire il faut allier le sécuritaire, l’économique, le social et le culturel afin de moraliser la société dans son entièreté et éviter le naufrage du navire.