gradient blue
gradient blue
A la une Culture

Notes de lecture : Réflexions sur les modèles de développement de l’Indépendance à nos jours

Avatar photo
  • 26 décembre 18:15
  • 5 min de lecture
Notes de lecture : Réflexions sur les modèles de développement de l’Indépendance à nos jours

Par Pr Mohamed Lotfi CHAIBI

Me Abdeslam Kallel revient à la charge en livrant son troisième ouvrage, témoignage poignant sur l’œuvre du développement de la Tunisie, de l’Indépendance jusqu’à nos jours.

Travail passionnant et passionné d’un patriote destourien passant au crible les politiques économiques successives suivies plus d’un demi-siècle durant, il n’en apporte pas moins une somme de précisions et de nuances relatives au «Take Off» manqué des années soixante suite à l’arrêt de la politique de collectivisation d’un côté et du choix de la voie libérale de l’autre.

C’est que l’auteur porte la double casquette de l’acteur, militant participant au choix du modèle socialiste destourien et de son œuvre économique et sociale, en assumant des missions politiques de gestion aussi bien au sein du Parti socialiste destourien que dans l’administration centrale en tant que gouverneur du Kef. Suite à l’arrêt de la politique de collectivisation, il reprend sa liberté d’action en tant qu’avocat et suit de près l’évolution politique et sociale du pays, rembobinant ses crises et ses mutations.

Son appréciation sur les responsabilités de l’échec de l’expérience de collectivisation et ses aboutissants menant au procès du promoteur de cette politique, le destourien syndicaliste socialiste Ahmed Ben Salah, est éclairante pour ce moment politique marqué par les débuts défaillants de la santé du président Bourguiba et le déclenchement de la « guerre de succession».

Aussi, les réflexions suggérées sur le bilan des années Nouira, Mzali, «le long intermède dictatorial de Ben Ali», de la Troïka nahdhaouie et celles des présidents Beji Caïd Essebsi et Kaïs Saïd dénotent la fibre patriotique vivace de leur géniteur plaidant pour le «Take Off» possible mais hélas gâché par le choix libéral capitaliste des années 1970. Toutefois, assure l’auteur, l’initiative privée est primordiale et doit coexister avec les deux secteurs public et coopératif, fondements de la répartition des richesses et la justice sociale.

Dans cette perspective, il met en exergue le décollage réussi de la Corée du Sud et de la Chine dont la valeur du travail, la discipline, la patience et le sacrifice de leurs mains-d’œuvre sont à l’origine des résultats positifs de leur essor actuel. La Tunisie, rappelle–t-il, ne manque pas de potentialités intellectuelles, scientifiques.

La révolution culturelle, celle de la généralisation et la gratuité de l’instruction publique réalisée par l’Etat indépendant du président Bourguiba, doit être rétablie et améliorée, en somme actualisée avec, l’avancée scientifique et technologique du XXIe siècle  afin de relever le défi du retard subi.

Me Kallel s’interroge longuement sur les raisons qui ont empêché la Tunisie de réaliser son take off économique, fort bien réussi par les pays asiatiques, dont le modèle économique était semblable à celui de la Tunisie des années soixante.

Ciblant les causes de cet empêchement au nombre de quatre, Me Kallel stigmatise l’option du système libéral enclenchant une double lutte entre le pouvoir et l’opposition d’un côté et entre la force du capital et celle du travail de l’autre, cette option génératrice de la lutte des classes n’assure point un développement régulier de l’économie et encore moins un taux de croissance élevé pouvant rattraper rapidement le niveau des pays avancés.

Les troisième et quatrième causes se ramènent, de l’avis de l’auteur, d’abord à l’absence de vision et la mauvaise gouvernance et ensuite au manque de la culture du travail, de la créativité et de l’innovation. En tout cas, la comparaison entre les facteurs favorisant et déclenchant le take off économique entre les pays asiatiques et la Tunisie, que d’aucuns percevaient déjà dans les années soixante-dix comme le futur Hong Kong de la Méditerranée, tient à des potentialités humaines (main-d’œuvre et élites), des richesses naturelles (mines et sources d’énergie) et la culture motrice (legs du patrimoine, philosophie et mentalité populaires) des populations, toutes différentes et variables de l’un à l’autre.

Dans cette  perspective, Me Kallel relance et enrichit le débat et fait vibrer sa voix, celle d’un membre de l’élite de la génération de l’Indépendance résolument engagé durant les années 60, assumant et expliquant les raisons de l’échec de la politique de collectivisation et demeurant depuis alerte et interactif vigilant en signant des articles par voie de presse et des lettres ouvertes aux différents responsables politiques depuis les années 70.

M.L.C.

Avatar photo
Auteur

La Presse