L’année 2025 touche à sa fin, après avoir marqué le contexte national de réalisations, tout en préservant, malheureusement, des lacunes constantes.
La Presse — Sur le plan social, des pas ont été franchis et d’autres, se font encore attendre. Néanmoins, pour établir des plans d’actions, des programmes et des stratégies sur des bases solides, des données statistiques actualisées sont nécessaires.
Aussi, un acquis de grande envergure a-t-il été accompli. Il s’agit du Recensement général de la population et de l’habitat 2024, dont les résultats ont été avancés cette année.
Le recensement général de la population et de l’habitat constitue un document référentiel à la portée à la fois sociale et économique.
L’état des lieux actuel auquel il fait référence n’est autre que les piliers de la société future.
Selon Mohamed Jouili, sociologue, les résultats de ce document nous éclairent sur les données démographiques à prendre en considération pour toute planification future.
«Les résultats du recensement général de la population et de l’habitat ont confirmé, encore une fois, la stabilité nombrable de la population tunisienne.
Nous comptons près de douze millions d’habitants ; un chiffre qui revient grandement aux résultats du planning familial.
L’Onfp s’active, rappelons-le, depuis 1966, à garantir l’équilibre de la société tunisienne via des prestations de santé destinées à la famille, à la femme et à l’enfant», indique Jouili à La Presse.
Cependant, si la société tunisienne a réussi à maintenir sa population à près de douze millions d’habitants, d’autres changements s’y sont opérés. Le recensement a permis, en outre, d’anticiper — indicateurs à l’appui — sur un aperçu prospectif de la population à venir.
Le sociologue attire l’attention sur l’importance du replacement démographique dans les enjeux et les priorités futurs. En effet, le replacement démographique permet de mesurer la capacité d’une société à se stabiliser, grâce à la relève générationnelle.
«C’est, en quelque sorte, la capacité d’une génération à soutenir l’autre. Le replacement démographique, tel qu’il a été avancé dans les résultats du recensement général, nous met face à une situation déficitaire», souligne le sociologue.
Replacement démographique déficitaire
Il analyse la situation en établissant une comparaison entre la moyenne mondiale et nationale.
En effet, le replacement démographique mondial se situe à 2,1 enfants par famille ; une moyenne requise pour assurer la succession des générations.
«Or, la moyenne nationale est de seulement 1,7, ce qui nous place bien en dessous de la moyenne mondiale. Cette situation déficitaire pose problème vu qu’elle défavorise la capacité de reproduire la société.
L’indicateur nous renvoie aussi au vieillissement de la population», ajoute-t-il.
Plus d’obligations envers les séniors
Le vieillissement de la population représente une réalité que confirment les indicateurs récents puisque 16,9% de la population tunisienne (soit près de deux millions d’habitants) est âgée de plus de soixante ans, «ce qui nous amène, poursuit-il, à réfléchir sur les besoins et les conditions nécessaires à cette tranche d’âge, notamment les prestations sanitaires, la sécurité sociale, les pensions de retraite…
Nous aurons plus d’obligations envers ces personnes, tant de la part de l’Etat que de la part de la société civile». Et d’ajouter que le replacement démographique déficitaire contraindra aussi bien la génération actuelle que future.
L’individualisme va crescendo
Le sociologue attire l’attention sur une autre problématique sociale : le modèle de la famille tunisienne est désormais à dominante nucléaire.
Les statistiques récentes montrent que la famille tunisienne compte en moyenne 3,4 personnes alors qu’elle comptait 5,5 personnes. La famille nucléaire prend le dessus avec un maximum de deux enfants par ménage.
«Cela ouvre sur de nouveaux chantiers sociaux, soit des chantiers sur la hiérarchie, le dialogue, le sens du pouvoir…La famille élargie consolidait, continue-t-il, tout type de pouvoir alors que celle nucléaire le déconstruit.
Le pouvoir et l’autorité parentaux s’affaiblissent. Nous avons même un accès plus facile à la démocratie au sein de la famille nucléaire ; la démocratie- rappelons-le- a des assises démographiques».
Il est clair que les résultats du recensement général de la population et de l’habitat 2024, ayant été publiés cette année, constituent l’acquis social culminant. Ils serviront de base aux programmes nationaux futurs et anticiperont sur les enjeux à venir.
Pour Jouili, la famille qui est, indéniablement, la plus importante institution sociale, s’avère être rétrécie et démocratique. Un intérêt plus accru sur l’individualisme dans les stratégies futures s’impose.