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«Cloche» de Assem Beltouhami au 4e Art : Un huis clos existentiel

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  • 27 décembre 19:15
  • 3 min de lecture
«Cloche» de Assem Beltouhami au 4e Art : Un huis clos existentiel

Quatre personnages, un dernier dîner et une cloche comme éveil intérieur. «Cloche» investit ce week-end la salle du Quatrième Art pour une expérience théâtrale aussi poétique que vertigineuse.

La Presse — Après une avant-première remarquée et une première saluée par le public des JTC, la pièce «Cloche», dernière création du Théâtre national tunisien, s’installe ce week-end à la salle du Quatrième Art pour un cycle de représentations attendu.

Mise en scène par Assem Beltouhami, qui en signe également la dramaturgie et la scénographie, cette œuvre singulière invite le public à une expérience théâtrale intense, à la croisée du sensible et du philosophique.

Portée par une distribution solide : Sonia Zarg Ayouna, Abdelkarim Benanni, Ridha Jaballah et Marouane Rouwine, «Cloche» ne raconte pas une histoire au sens classique du terme.

Elle propose plutôt une traversée intérieure, un temps suspendu où l’humain est confronté à lui-même, à son passé et à un présent saturé de contradictions.

Le texte, cosigné par Mohamed Chawki Khouja et Assem Beltouhami, déploie une écriture poétique et tendue, évitant l’écueil d’un théâtre trop abstrait grâce à une articulation fine entre parole, silence et mouvement.

L’action se déroule au cours d’une nuit unique. Quatre personnages se retrouvent autour d’une table dressée pour un dîner qui ressemble à un dernier repas.

La scénographie, volontairement minimaliste, frappe par sa puissance symbolique : une table suspendue en forme de radeau, placée au centre d’une scène à peine éclairée, évoque à la fois le salut et la dérive.

Autour de cette table, le quotidien bascule. Un incendie éclate à l’extérieur, empêchant toute fuite, enfermant les convives dans un huis clos où les masques tombent. Très vite, le dîner cesse d’être un rituel social pour devenir un espace de confrontation et de dévoilement.

Les dialogues se croisent, se fragmentent, laissant émerger des tensions profondes, des blessures anciennes, des interrogations sur le sens de la vie, le temps qui passe, l’amour, la perte et l’identité.

Le narrateur, dont la voix en arabe littéraire surgit depuis l’arrière-scène, agit comme une conscience collective ou une mémoire enfouie, tandis que les personnages s’expriment en dialectal, ancrant le propos dans une humanité immédiate et fragile.

La chorégraphie, conçue par Marouane Rouwine, occupe une place centrale dans la dramaturgie. Ici, le corps ne se contente pas d’accompagner la parole : il en devient le prolongement, voire l’alternative lorsque les mots échouent.

Les comédiens évoluent comme dans un rêve collectif, leurs corps se frôlent sans jamais vraiment se rejoindre, traduisant l’isolement et la fracture intérieure.

La performance physique de Marouane Rouwine se distingue particulièrement par sa capacité à exprimer, par le geste, ce que d’autres formulent par la parole.

À travers cette œuvre à la fois philosophique et poétique, Assem Beltouhami signe une proposition théâtrale exigeante, qui ne cherche pas à livrer des réponses, mais à ouvrir des espaces de réflexion.

«Cloche» agit comme un signal intérieur, un appel à l’éveil, rappelant la nécessité d’écouter sa propre voix avant qu’elle ne soit étouffée par le vacarme du monde.

Rendez-vous ce week-end à la salle du Quatrième Art, pour une œuvre qui ne se regarde pas seulement, mais se ressent.

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Auteur

Asma DRISSI