Mes Humeurs : Une Kairouanaise, le courage d’être libre
La Presse — Née à Kairouan, ville de savoir et de spiritualité, elle portait dès l’enfance les germes d’un destin exceptionnel dans une société où les trajectoires féminines semblaient souvent tracées d’avance. Hafidha Ben Rejeb Latta a choisi d’écrire son histoire, ses expériences dans une autobiographie serrée, foisonnante intitulée «Une fille de Kairouan» ( ed. Leaders) où l’on découvre son audace alliée à sa volonté et sa culture pour réaliser un rêve, celui d’atteindre ce que Jacques Brel nomme l’inaccessible étoile.
Elle était d’une ascendance érudite, son grand-père, Salah Souissi (1871-1941) auquel elle voue une admiration ostensible, était écrivain, poète, aisé et généreux. Un notable reconnu par toute la communauté. Passons sur ses études de l’enfance entre Kouteb et sœurs blanches.
Saida, son prénom de naissance, laisse place à Hafidha, que sa tante lui a choisi, tant sa mémoire était prodigieuse ; elle a réussi son parcours d’études supérieures (diplômée de l’ENA) avec brio. Engagée au ministère des Affaires culturelles et de l’Information, comme secrétaire de M. Chedly Klibi. Ceux qui lisent son récit ne seront pas étonnés qu’elle quittât la vie de bureau pour explorer d’autres horizons.
Hafidha qui a développé une mémoire prodigieuse est capable de restituer des récits entiers, des dates, des visages et des atmosphères avec une précision presque déroutante. A cette faculté rare s’ajoutait une vaste culture, nourrie de lectures précoces, d’une curiosité insatiable et d’un goût prononcé pour les langues et les civilisations.
Mais pas que, son caractère s’impose très tôt : un toupet remarquable et une liberté de ton assumée.
Le tournant de sa vie survient lors de sa rencontre avec son futur mari, David Latta, chargé des affaires culturelles à l’ambassade britannique. Une existence palpitante s’ensuit, les voyages, les destins croisés deviennent pour elle des actes d’émancipation, de réjouissances, d’apprentissage autant que de connaissance. Cette union harmonieuse (affirme-t-elle) l’entraîne loin de la Tunisie, jusqu’en Écosse, où elle s’installe durablement.
Là-bas, dans un paysage radicalement différent de celui de son enfance kairouanaise, elle construit une vie pleine, riche, captivante où la culture tient la place dominante ( un concert de musique classique tous les vendredis soir). Elle aime Londres, elle y a noué des amitiés, elle admire son effervescence, ses lieux culturels (ses théâtres, ses salles de spectacles, etc.)
Grande voyageuse, elle parcourt le monde avec le même appétit de découverte, observant les sociétés au Pakistan, en Jordanie ou en Tanzanie… écoutant les récits, collectionnant les expériences humaines Elle prétend et affirme avoir des amis même chez les plantes, expérience à l’appui. «Répandre l’amitié autour de moi est ma force», dit-elle. Sans l’ombre d’un doute, Hafidha s’épanouit.
Cette vie dense et singulière, elle a choisi de la consigner dans son récit autobiographique, où se mêlent souvenirs personnels, fresque historique et méditation culturelle : «Une fille de Kairouan» que je ne saurais trop vous recommander pour la qualité de la plume, la restitution des expériences et la richesse des anecdotes. Il témoigne d’une existence vécue sans compromis, guidée par la lucidité et le courage.
Et Kairouan ? A la lueur de son exposé pendant la présentation de son ouvrage, organisée par le Rotary club de Carthage, à sa volonté manifeste de relater son expérience : sa ville natale demeure la boussole de son identité.