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Economie

Rétrospective – Marché boursier tunisien en 2025 : Une année sous le signe de la résilience

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  • 30 décembre 18:45
  • 7 min de lecture
Rétrospective – Marché boursier tunisien en 2025 : Une année sous le signe de la résilience

La Bourse de Tunis s’est imposée en 2025 comme l’un des rares indicateurs de résilience de l’économie nationale. Porté par une liquidité abondante et la solidité financière des sociétés cotées, le marché boursier a enregistré une performance remarquable, confirmant sa capacité à jouer un rôle stabilisateur.

Toutefois, au-delà des chiffres et des rendements, cette dynamique soulève une question centrale : la Bourse peut-elle réellement devenir un levier structurant du financement de l’investissement et de la croissance en Tunisie ?

La Presse — L’année 2025 a été une année record pour la Bourse de Tunis. Concernant le comportement du marché boursier, l’activité s’est inscrite dans une dynamique particulièrement favorable, confirmant la solidité et la résilience du marché financier tunisien.

Lotfi Khezami, chef du département communication à la Bourse de Tunis, a déclaré que la performance de l’indice de référence, qui a affiché un rendement dépassant les 30 %, traduit un regain marqué de confiance des investisseurs ainsi qu’un intérêt soutenu pour les valeurs cotées. Cette évolution positive s’est accompagnée du maintien d’une hausse tendance pour la cinquième année consécutive, témoignant d’une trajectoire durable de valorisation du marché.

Résilience confirmée au premier semestre

Selon Lotfi Khezami, cette performance s’explique également par un contexte national relativement porteur, caractérisé notamment par une liquidité abondante au niveau du système bancaire. L’importance des ressources financières disponibles, conjuguée à des opportunités de placement alternatives limitées, a favorisé une réallocation accrue de l’épargne vers le marché boursier, renforçant ainsi la demande pour les titres cotés et la dynamique des échanges.

Par ailleurs, le responsable de la communication à la Bourse de Tunis souligne que la solidité financière de la majorité des sociétés cotées a largement contribué à soutenir la performance du marché. Ces fondamentaux robustes ont renforcé l’attractivité des actions et conforté le rôle de la Bourse de Tunis comme canal de financement et de valorisation de l’économie nationale.

A ce titre, le résultat global de l’exercice 2024 des 72 sociétés ayant publié leurs états financiers annuels s’est amélioré de 12,2 % par rapport à 2023, atteignant 3.003 MD contre 2.677 MD. Dans le même temps, les montants distribués en dividendes au titre de l’exercice 2024 ont progressé de 14,8 %, totalisant 1.588 MD, contre 1.383 MD en 2023. Lotfi Khezami a indiqué que cette évolution reflète la capacité bénéficiaire des entreprises cotées et leur volonté de rémunérer les actionnaires.

Cette tendance positive a été confirmée par les états financiers semestriels arrêtés à fin juin 2025. Les résultats publiés par 66 sociétés cotées font ressortir un résultat semestriel global en hausse de 9,2 % par rapport à la même période de 2024, pour atteindre 1.596 MD, contre 1.461 MD au 30 juin 2024. Selon Lotfi Khezami, ces indicateurs traduisent une continuité dans la performance opérationnelle des entreprises cotées.

Une trajectoire durable pour le « Tunindex »

De même, les indicateurs d’activité des neuf premiers mois de 2025 des 73 sociétés ayant effectué leur publication font apparaître un revenu global en hausse de 5,7 %, atteignant 18,5 milliards de dinars, contre 17,5 milliards de dinars à la même période de 2024. Le chef du département communication à la Bourse de Tunis estime que cette progression confirme la résilience du tissu entrepreneurial coté.

Au 26 décembre 2025, l’activité boursière a ainsi clôturé sur une note très positive. L’indice « Tunindex » a enregistré une cinquième hausse annuelle consécutive de 33,32 %, après des progressions de 13,27 % en 2024, 7,90 % en 2023, 14,74 % en 2022 et 2,34 % en 2021. Lotfi Khezami a rappelé que cette performance place la Bourse de Tunis parmi les marchés les plus dynamiques de la région.

Le bilan annuel des indices sectoriels apparaît également largement positif. Sur les douze indices sectoriels et sous-sectoriels publiés par la Bourse de Tunis, dix ont enregistré des performances positives en 2025.

L’évolution des indices sectoriels révèle une forte rotation de la performance boursière, au profit des secteurs financiers et de la consommation, et au détriment de l’industrie et du bâtiment. Les sociétés financières, portées par les banques, les assurances et les services financiers, affichent des hausses significatives, traduisant un regain d’intérêt des investisseurs. Les services aux consommateurs et la distribution figurent parmi les secteurs les plus performants, soutenus par un redressement de la demande intérieure, tandis que les biens de consommation, notamment l’agroalimentaire, enregistrent également une progression solide.

À l’inverse, les secteurs des industries ainsi que du bâtiment et des matériaux de construction accusent un repli, reflétant les difficultés de l’investissement et les contraintes pesant sur l’appareil productif. Les matériaux de base font toutefois exception, affichant une performance stable et résiliente. Pour Khezami, cette configuration confirme un recentrage des flux d’investissement vers les secteurs jugés plus défensifs ou directement liés à la consommation, dans un contexte économique encore contraint.

L’analyse détaillée des indices sectoriels place l’indice « Services aux consommateurs » en tête du classement avec un gain de 58,64 %, suivi de l’indice « Biens de consommation » (+39,09 %) et de l’indice « Sociétés financières » (+37,28 %). Du côté des sous-secteurs, l’indice « Distribution » réalise la meilleure performance avec une hausse de 58,64 %, devant l’indice « Services financiers » (+47,08 %).

Un rôle stratégique mais encore limité

En dépit de ces performances, il a précisé qu’en 2025, la Bourse de Tunis n’a pas encore pleinement joué son rôle optimal de financement de l’économie, bien qu’elle demeure un levier stratégique essentiel pour le financement à long terme des entreprises et des projets d’investissement.

D’une part, le marché boursier a permis à plusieurs entreprises de renforcer leurs fonds propres à travers des introductions en bourse, des augmentations de capital et des émissions obligataires, offrant une alternative au financement bancaire classique. Ces mécanismes demeurent adaptés au financement de projets structurants, à la consolidation financière et à l’amélioration de la gouvernance. La Bourse contribue également à la transparence financière et à la discipline de marché.

D’autre part, son rôle reste encore marginal à l’échelle macroéconomique. Le marché souffre de niveaux de liquidité limités, d’une base d’investisseurs étroite et d’une participation encore faible des investisseurs étrangers. A cela s’ajoutent un climat d’incertitude économique, une inflation persistante et des taux d’intérêt élevés, qui freinent l’orientation de l’épargne vers les instruments boursiers.

En définitive, Lotfi Khezami conclut qu’en 2025, la Bourse de Tunis se situe dans une phase intermédiaire : elle n’est plus un simple marché secondaire, sans toutefois avoir atteint un niveau lui permettant de devenir un canal central du financement de l’investissement productif. Le renforcement de son rôle passe par une amélioration durable de la liquidité, la diversification des produits financiers, l’élargissement de la base des investisseurs, l’encouragement à la cotation des PME et une réglementation alignée sur les standards internationaux.

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Auteur

Sabrine AHMED