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Quand la loi impose des revenus jamais perçus

  • 17 novembre 22:13
  • 3 min de lecture
Quand la loi impose des revenus jamais perçus

Le conseiller fiscal Skander Sellami a estimé, lundi 17 novembre 2025, que le système fiscal souffre de déséquilibres profonds, non seulement dans les taux d’imposition ou dans l’intensité de la pression fiscale, mais aussi dans la méthode de calcul et dans la fixation de la date d’exigibilité de l’impôt. Selon lui, cette architecture fiscale se retrouve souvent en décalage total avec la réalité économique et sociale des contribuables.
Invité de l’émission Éco Mag sur les ondes radiophoniques d’Express FM, l’intervenant a expliqué que l’origine du problème réside dans la définition du fait générateur de l’impôt, c’est-à-dire le moment où la taxe devient exigible. Le droit tunisien repose sur le principe de l’engagement comptable et non sur celui de l’encaissement réel. Cette logique conduit à taxer des bénéfices ou des revenus qui n’ont jamais été perçus, ce qui pèse lourdement sur les entreprises, en particulier celles confrontées à des retards de paiement ou à des pertes financières.

Ces entreprises se voient contraintes de régler la TVA dès l’émission d’une facture, même en l’absence de toute rentrée d’argent. Lors des contrôles fiscaux, ce mécanisme peut d’ailleurs entraîner des pénalités pouvant atteindre 30 % du chiffre d’affaires, transformant une obligation administrative en menace financière, parfois même en risque pénal. Pour Sellami, ce choix juridique, pensé à l’origine pour accélérer le recouvrement de l’impôt, provoque aujourd’hui un risque réel d’asphyxie et expose certaines entreprises, notamment les petites et moyennes, à la faillite.
Le conseiller fiscal s’est également penché sur une autre « anomalie » qu’il estime tout aussi préoccupante et qui touche la population des retraités. Ces derniers voient leur pouvoir d’achat s’effriter face à l’inflation, à la hausse du coût des soins et des médicaments, alors même que leurs revenus diminuent après la fin de leur activité professionnelle. Les pensions, a-t-il rappelé, sont calculées sur la base de salaires plafonnés qui ne reflètent pas les rémunérations réelles sur lesquelles les cotisations ont été prélevées. Cette distorsion pèse particulièrement sur les cadres supérieurs et les dirigeants, qui continuent souvent à assumer des charges familiales lourdes dans un contexte de flambée des coûts éducatifs et sanitaires.
L’intervenant a souligné l’existence d’une rupture flagrante d’équité fiscale. Les retraités étrangers et les Tunisiens de retour de l’étranger bénéficient d’un abattement de 80 % sur leurs pensions, tandis que le retraité tunisien résidant au pays ne profite que d’un abattement limité à 25 %, soit 55 % d’avantage fiscal en moins. Une différence qui, selon lui, contrevient clairement aux principes de justice et d’égalité consacrés par l’article 15 de la Constitution.
Le spécialiste estime qu’une réforme fiscale cohérente, juste et adaptée au contexte économique et social du pays est devenue indispensable pour restaurer la confiance entre les citoyens et l’administration. Il appelle à revoir le mode d’imposition des entreprises, afin de ne plus taxer des revenus non réalisés, et à réformer la structure des pensions pour garantir une véritable équité fiscale sur le terrain.

Auteur

S. M.