Question de la semaine : Comment contourner la concurrence face à des marchés saturés ?

La Presse — Fraîchement diplômés de l’université, beaucoup de jeunes préfèrent se lancer dans une expérience entrepreneuriale et monter leurs propres projets. Boudant de plus en plus le salariat, les jeunes des nouvelles générations rêvent de se mettre à leur propre compte. 

La fringale d’entreprendre est devenue une réalité palpable en Tunisie : selon une enquête réalisée en 2022 par l’Iace dans le cadre du GEM (Global Entrepreneurship Monitor), plus de 50 % des individus interviewés souhaitent créer leurs propres projets dans les trois prochaines années.

Ce taux n’était que de 20 % en 2012. Mais cette fièvre d’entreprendre se heurte souvent à des obstacles. Évidemment, le financement apparaît comme l’un de ces fameux freins. Cependant, on omet souvent d’évoquer un facteur qui pèse lourd sur les primo-entrepreneurs et surtout sur les entrepreneurs établis : la concurrence. 

En effet, plusieurs enquêtes réalisées en Tunisie ont révélé que les entreprises perçoivent la concurrence et la saturation des marchés comme des obstacles majeurs à la croissance, devant même le manque de capital. C’est pour cette raison que la stratégie « Océan bleu » semble particulièrement intéressante. Inventé par W. Chan Kim et Renée Mauborgne, deux théoriciens du management, ce concept incarne un nouveau paradigme de la stratégie d’entreprise. 

L’expression «océan bleu » est, en effet, évoquée par opposition à «océan rouge», car les auteurs supposent que l’univers du marché est composé de deux types d’océans, les bleus et les rouges. Les océans rouges regroupent toutes les entreprises existantes, alors que les océans bleus représentent celles qui n’existent pas encore et c’est l’espace stratégique inconnu. 

C’est une illustration métaphorique : un océan rouge de sang, encombré d’entreprises qui se livrent une guerre acharnée pour accaparer des parts de marché, et un océan bleu où la concurrence n’a pas d’importance, parce que les règles du jeu restent à définir. Les deux théoriciens prennent d’ailleurs l’exemple de la réussite du Cirque du Soleil, un succès improbable à une époque où ce marché était en chute vertigineuse. Mais c’est surtout un succès qui met l’accent sur l’importance d’innover dans la valeur.

Le Cirque du Soleil a redéfini la notion même du cirque et a réussi à attirer un nouveau public, celui des adultes. Ainsi, la stratégie Océan bleu devrait permettre à n’importe quelle organisation, grande ou petite, nouvelle ou installée, de chasser de nouvelles opportunités tout en réduisant au minimum ses risques. Elle repose sur plusieurs idées principales. La première, c’est qu’il faut renoncer à la compétition et ne pas placer la concurrence au centre de la réflexion stratégique. 

Il est essentiel d’économiser les énergies consacrées à écraser le concurrent. C’est une perte, puisque, selon cette théorie, l’entreprise va s’enfoncer dans l’océan rouge. Elle doit donc œuvrer à apporter une innovation-valeur qui lui permettra de créer de nouveaux espaces de marché. La deuxième idée consiste à croire que la structure d’une industrie n’est pas figée. Si l’on part souvent d’une analyse «Swot», on prend pour acquis les limites et les frontières du marché tel qu’il existe. Alors qu’en puisant dans l’imagination, on peut réinventer de nouvelles industries. 

L’histoire de l’industrie elle-même regorge d’exemples de réinventions qui font naître, chaque jour, de nouveaux espaces de marché. Le concept d’Océan bleu se caractérise également par l’intégration, dès le départ, de l’exécution dans la formulation de la stratégie de l’entreprise. Ceci est possible grâce au management équitable, qui favorise la confiance, la motivation et la coopération volontaire. Il s’agit d’une révolution en soi, puisque cette méthode permet de réaliser des tournants stratégiques au sein de l’entreprise de manière rapide et à moindre coût.