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Culture

Chantal Goya à La Presse : « J’ai toujours voulu respecter ce que le public aimait »

  • 9 août 19:00
  • 7 min de lecture
Chantal Goya à La Presse : « J’ai toujours voulu respecter ce que le public aimait »

Chantal Goya a conquis le public lors du Festival de Carthage avec son spectacle « Sur la route enchantée ». À 83 ans, son énergie est digne d’une jeunesse éternelle. Dans cet entretien, elle nous raconte son amour pour la Tunisie et les secrets de son univers pur et candide qu’elle a su préserver au fil des années.

La Presse — Lors de votre spectacle, vous avez évoqué être venue plusieurs fois en vacances en Tunisie avec votre famille. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces séjours ?

Cette fois, je suis aussi restée huit jours à Hammamet après mon spectacle à Carthage. Je viens de voir la médina de Hammamet et nous comptons aller  à Nabeul. J’aime bien me promener… J’ai visité toutes les ruines de Carthage il y a longtemps ainsi que Sidi Bou Saïd.. Je connais également Djerba. Je voudrais même un jour ramener mes petits-enfants.

Est-ce que vous saviez que beaucoup de Tunisiens connaissent vos chansons par cœur?

Je m’en suis rendue compte et j’aimerais bien revenir chanter en Tunisie. Il y a un projet de spectacle au Théâtre municipal de Tunis en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles. Je tiens à les remercier ainsi que  le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées. 

Ce que j’ai trouvé formidable, c’est le fait d’inviter tous ces enfants qui sont venus me voir de partout. 

Les parents m’ont connue quand ils étaient encore petits. C’étaient eux les enfants d’hier, comme j’ai déjà 50 ans de carrière. J’étais honorée de chanter au théâtre antique de Carthage,  cet endroit mythique où tellement de grands artistes sont venus. La télévision nationale a filmé le spectacle et je voudrais que tous les enfants de la Tunisie le regardent. 

Vous avez commencé votre carrière en remplaçant Brigitte Bardot. Pourquoi avez-vous préféré vous spécialiser dans les spectacles pour enfants plutôt que de mener une carrière d’actrice au cinéma ?

J’ai joué dans le film « Masculin, féminin » de Jean Luc Godard  et j’ai eu le prix de la meilleure interprétation en Italie. Je sentais que ce n’étais pas ma voie parce que je ne voulais pas jouer des scènes osées. J’ai reçu une éducation très stricte de ma famille. Ma carrière cinématographique s’est donc arrêtée tout de suite. Mon mari m’a toujours dit que je ressemble aux enfants, que je suis comme eux dans ma voix, ma façon d’être..  

Quand j’ai chanté « Adieu les jolis foulards » à la télé pour la première fois, ils ont reçu près de 500 mille lettres. C’est ainsi que j’ai su que je devais me consacrer aux enfants et donner mon énergie à la famille. Je suis l’ainée de 5 enfants, j’ai moi-même quatre petits-enfants. Je sais que la notion de la famille est aussi très importante chez vous en Tunisie. 

Vous avez fait de nombreux spectacle en France à guichets fermés pour la tournée qui fête vos cinquante ans de carrière. Dans ce monde envahi par le digital, comment arrivez-vous à préserver l’univers de Marie-Rose avec toute sa simplicité qui fait sa force ?

C’est mon public adulte qui montre mes spectacles aux enfants sur internet. Ils les voient sur leurs téléphones maintenant et j’ai toujours tenu à ce qu’ils soient gratuits sur YouTube. Quand j’arrive en vrai avec mes spectacles, c’est la folie. Les enfants viennent me voir avec leurs parents et leurs grands-parents. Je n’ai pas changé.

J’ai toujours voulu respecter ce que le public aimait. Il m’aimait avec cette robe et ces chansons. Je n’ai jamais voulu rien changer. J’aime toujours garder les mêmes traditions, les mêmes amis. Nicolas, le danseur qui fait le Chat botté, travaille avec moi depuis 20 ans. Mon chorégraphe est aujourd’hui le directeur artistique du parc Disney. Il me dit souvent que s’il a fait ce métier, c’est grâce à moi, comme il est allé voir mes spectacles plusieurs fois quand il était petit.

La musique de mes chansons est jouée par de grands orchestres. Pas d’ordinateur, ce sont de vrais violons, de vrais cuivres.. Mon mari a travaillé jour et nuit avec les décorateurs de l’Opéra pour me faire toutes les robes et tous les costumes de mes spectacles. Toutes les tenues que vous avez vues à Carthage sont originales et datent de 1980 et 1982. On n’a pas fait de copies. Quand on m’a volé récemment la tête de « Pandi-Panda », j’ai arrêté de chanter le tube. Je cherche toujours la personne qui l’a créé en 1984 pour le refaire. 

En vous voyant avec la robe de Marie-Rose, on a eu l’impression que les années n’ont pas eu d’effet sur vous. Quel est votre secret pour garder toujours une âme d’enfant ?

C’est ancré en moi. Ma mère me disait quand j’étais plus jeune, si les gens t’ennuient, tu mets ta robe en toile cirée et tout glisse. On n’avait pas beaucoup de moyens pour être gâtés, mais j’ai toujours été dans la joie.  On avait beaucoup d’idées et des solutions pour contourner les problèmes.  

Vos chansons transmettent des valeurs morales et humaines. Quel pourrait être leur effet face au mal qui sévit dans le monde d’une manière générale ?

Il n’y a pas de frontières, de différences pour les enfants. Ils sont purs et n’ont pas d’arrière-pensée. Ils savent aussi ce que c’est que la guerre. J’ai la chance d’avoir du public dans tous les pays. Ce n’est pas une question de langue, c’est une question d’amour. Les chansons sont écrites par mon mari Jean Jacques qui aime tellement les enfants.

Elles sont faites avec de jolis textes et de belles mélodies. En 1991, je suis allée chanter à Beyrouth juste après la guerre et ils m’ont raconté qu’ils ont appris mes chansons aux abris et qu’ils les ont montrées aux enfants pour les distraire. C’est ça ma vocation : donner de l’espoir, beaucoup d’amour, un peu de paix, de poésie et de bonheur. 

Avec Jean-Jacques Debout, vous allez bientôt célébrer 60 ans de mariage. En quoi cette relation de longue date a-t-elle nourri et façonné votre collaboration artistique au fil des années ?

Jean-Jacques est chanteur et compositeur. C’est un musicien fragile et sensible. Il est venu en Tunisie avec Jacques Brel, avec Johnny Halliday… C’est lui qui m’a écrit tous les tubes que vous avez connus et qui m’a fait de grands spectacles. Il a aussi écrit et chanté « Nos doigts se sont croisés » pour moi. Il correspond exactement à l’homme que je veux avoir dans ma vie. 

Après vos vacances à Hammamet, quels projets avez-vous prévu de reprendre ?

J’ai une tournée à Bruxelles, puis au Zénith de Paris pour « 50 ans d’amour ». Je reviendrai après en Tunisie. J’aimerais bien venir plus souvent en Tunisie, surtout que vous êtes tout près de la France. La prochaine fois, pour le spectacle organisé par  le ministère des Affaires culturelles au Théâtre municipal, on va ramener plus de décors par bateau.

Auteur

La Presse