« On nous répète que le spectacle doit continuer, comme si le cinéma n’avait rien à voir avec le monde réel ».
La Presse — «Il est devenu impossible de continuer comme si de rien n’était». C’est par ces mots qu’une centaine de cinéastes, scénaristes, producteurs, critiques et artistes ont choisi d’adresser une lettre ouverte à la Biennale de Venise, à la Mostra internationale d’Art cinématographique, aux Giornate degli Autori (Journées des auteurs), à la Semaine internationale de la critique, ainsi qu’à l’ensemble des professionnels du cinéma, de l’audiovisuel, de la culture et de l’information.
Depuis près de deux ans, rappellent les signataires, les images venues de Gaza et de Cisjordanie témoignent d’une réalité insoutenable : la violence, la destruction, la mort. «Nous assistons, incrédules et impuissants, à l’horreur d’un génocide perpétré en direct par l’État d’Israël. Personne ne pourra prétendre ne pas savoir. Nous avons vu. Nous voyons».
Pour ces artistes, le contraste avec l’ouverture, mercredi, du Festival international du film de Venise est douloureux. Tandis que les projecteurs s’allument sur l’un des plus prestigieux événements du cinéma mondial, ils craignent de voir encore une fois un grand rendez-vous culturel se dérouler dans le déni total de la tragédie humaine, politique et civile en Palestine.
«On nous répète que le spectacle doit continuer, comme si le cinéma n’avait rien à voir avec le monde réel», dénoncent-ils. Pourtant, rappellent-ils, ce sont bien les images qui ont permis de révéler les massacres : celles filmées par des journalistes, des cinéastes, des auteurs et des témoins sur place, parfois au péril de leur vie.
Les signataires rappellent qu’en quelques mois seulement, près de 250 journalistes et professionnels des médias palestiniens ont été tués. Ces pertes mettent en valeur le prix terrible payé par celles et ceux qui, par leur caméra, tentent de documenter la réalité.
Sous la bannière Venice4Palestine (V4P), les cinéastes — parmi lesquels Matteo Garrone, Abel Ferrara, Ken Loach ou encore les frères palestiniens Arab et Tarzan Nasser, récompensés à Cannes pour Once Upon a Time in Gaza — appellent le festival à ne pas rester une « vitrine triste et vide », mais à devenir « un lieu de dialogue, de participation active et de résistance ».
La lettre se conclut comme un serment collectif : « Nous, artistes et amoureux de l’art, nous, professionnels du secteur et passionnés de cinéma, nous, organisateurs, formateurs et journalistes, nous qui sommes le cœur battant de cette Mostra, affirmons que nous ne serons pas des complices lâches, que nous ne resterons pas silencieux, que nous ne détournerons pas le regard, que nous ne céderons pas à l’impuissance ni aux logiques du pouvoir.
L’époque dans laquelle nous vivons nous impose cette responsabilité ». Puis vient la formule qui résume tout : « Il n’existe pas de cinéma sans humanité. Faisons en sorte que cette Mostra ait un sens, et qu’elle ne devienne pas une vitrine triste et creuse ».
Face à cette interpellation, la Biennale de Venise a répondu en rappelant que le festival «a toujours été un lieu de discussion ouverte et de sensibilité aux questions les plus pressantes de la société et du monde».
En parallèle, des organisations politiques et associatives de Vénétie et d’autres régions d’Italie appellent à une grande manifestation le 30 août pour dénoncer le génocide en Palestine et la complicité des gouvernements occidentaux. Le cortège partira du Lido de Venise et rejoindra les abords du festival.
Il est à souligner que 4 autres journalistes: Mohamed Salama, Houssem Al Masri, Mariam Abou Daka et Mouadh Abou Taha ont rejoint, ce lundi, la funeste liste des professionnels des médias palestiniens ciblés lâchement par l’armée sioniste.