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Vente de dattes – du producteur au consommateur : Les délices des oasis à des prix dérisoires !

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  • 1 décembre 18:00
  • 8 min de lecture
Vente de dattes – du producteur au consommateur : Les délices des oasis à des prix dérisoires !

L’unité de commercialisation des dattes «Du producteur au consommateur» est implantée à Tunis, à quelques dizaines de mètres de la ligne TGM. Une tente longitudinale et couverte abrite, du 20 novembre au 7 décembre, des stands représentant les maîtres des oasis tunisiens. Ils sont venus nombreux pour offrir au public une multitude de variétés de dattes autochtones et autres, introduites pour enrichir le capital dattier.

Mais la plus prisée de toutes, sans doute, n’est autre que la variété « Deglet Nour » ou « la datte qui éclaire votre journée ». Sous la tente, les producteurs affichent majestueusement leurs précieuses et savoureuses marchandises. Tous et toutes partagent la même passion, le même métier, les mêmes contraintes et les mêmes espérances… Reportage.

La Presse — Il est midi en ce vendredi 28 novembre 2025. Dans un temps hivernal par excellence, où il pleut des cordes comme on aime, des passants pénètrent dans cette immense tente longitudinale pour entrer, de plain-pied, dans une atmosphère sudiste, où la chaleur humaine et la douceur des dattes parlent la même langue. Ici, les dattes de Tozeur, de Kébili et de toutes les oasis du sud sont des vedettes.

Anis Abadiya s’est déplacé de Tozeur pour participer, pour la première fois, à ces journées de commercialisation des dattes. « Je suis venu pour booster la vente de mes produits. Je trouve cette initiative intéressante. D’ailleurs, ce serait bien de la décentraliser pour faire profiter le consommateur dans toutes les régions », indique-t-il. 

Un avis que partage Samah Hachadni, provenant de Nafta. « Je suis à ma deuxième participation. Ce genre de manifestations connaît une bonne affluence. Cela me permet une meilleure visibilité de mes produits », fait-elle remarquer. 

Pour tous les goûts !

Les dattes accaparent l’espace et ne laissent aucun visiteur indifférent. Des variétés à couper le souffle en disent long sur le potentiel et la richesse de nos oasis. « Nous avons la fameuse “Deglet ennour”, réputée pour être la meilleure qualité de dattes en Tunisie. Elle coûte entre sept et huit dinars le kilo ; la différence revient à l’emballage.

Nous proposons aussi la “Ajoua”, une variété de dattes originaire de l’Arabie Saoudite mais que nous avions introduite au Chott el Jerid. Nous la proposons à 18dt le kilo ; un prix rudimentaire en comparaison de celui appliqué dans les pays du Golfe et qui atteint les 120dt. La “Minekhra” appelée également “Deglet el Bey” est connue pour sa couleur dégradée et son goût mielleux.

Elle est à quinze dinars le kilo. La  “Kentichi”, poursuit Anis, est à seulement trois dinars le kilo ; on en extrait le sucre. Quant à la “Aligue”, elle est consommée généralement au petit déjeuner, trempée dans de l’huile d’olive. Elle sert aussi de base à l’extrait de dattes ou “rob el tmar”. On la propose à cinq dinars le kilo ». 

« Aligue » ou l’ange-gardien des oasis

Contrairement aux autres variétés, celle dite «  Aligue » se distingue par sa couleur rougeâtre, son goût prononcé, à la fois sucré et quelque peu piquant. « C’est une variété indispensable dans les oasis. Chaque hectare doit compter pas moins de huit palmiers Aligue. C’est que cette variété a la capacité de se protéger contre le charançon rouge. Elle joue un rôle préventif et protecteur pour les palmiers avoisinants », note Ibrahim Ben Rejab, de Kébili.  

Dattes et dérivés

Outre la vente des dattes sous forme de régimes ou en vrac, cachetées ou non, les producteurs proposent des produits dérivés qui séduisent de plus en plus les férus de bons nutriments, de produits bio et de terroir. « Nous avons ici du sucre de datte, la bsissa adoucie par du sucre de datte, du café mélangé avec des noyaux de dattes réduits en poudre, de la pâte de dattes mais aussi le fameux “rob el tmar” ou extrait de datte », énumère Samah. Tous ces produits obéissent à une tarification promotionnelle. 

Accès à l’eau : au pif !

Mais en dépit de l’enthousiasme de la vente, de l’ici-maintenant, les exposants ne cachent pas leur mécontentement d’être à la merci d’un mauvais raccordement à l’eau d’irrigation, d’une série de mesures fondamentales qui tardent pourtant à venir et d’une spéculation qui joue à leur détriment et à celui du consommateur.

« Notre région regorge d’eaux souterraines. Pourtant, la majorité de ces ressources versent dans le Sahara… Le manque d’eau d’irrigation pose un sérieux problème dans notre activité. Plus les dattiers sont irrigués, plus ils donnent une meilleure qualité de fruits. Certes, nous disposons d’un puits et de canaux de distribution de l’eau vers nos domaines, et ce, depuis 2017.

Sauf que l’eau qui traverse nos propriétés est accessible pour les uns et inaccessible pour d’autres, pour des raisons que nous ignorons. Pourtant, poursuit Anis, nous sommes censés bénéficier, chacun, d’une heure moins le quart d’irrigation, ce qui n’est pas évident ! ». 

Le manque ressources hydriques touche aussi les oasis de Kebili. « Le problème c’est que les autorités ne nous permettent pas de creuser des puits et à construire des routes pour accéder aux sources », indique Majdi Amara, producteur de dattes, provenant de Souk Lahad à Kébili. C’est l’occasion pour attirer l’attention sur les efforts fournis par les habitants de cette région et par les producteurs de dattes, en particulier, dans la promotion de la culture des dattes à Kébili.

« Nous avons une zone appelée “Pharaoun” qui était, jadis, aride. Les agriculteurs y ont construit une route de quarante kilomètres de long. Ils y ont creusé des puits et l’ont convertie en une oasis digne de ce nom dont la production rapporte des millions de dinars.

Et au lieu de l’intégrer dans les domaines en règle, les parties concernées la considèrent comme une extension anarchique des oasis de Kébili », souligne-t-il. Majdi  montre du doigt toutes les défaillances qui expliquent la morosité qui se lit dans le regard des producteurs.

« La localité dite “Om el Somaâ” dispose d’une source dont l’eau stagne dans les profondeurs. Pour qu’elle remonte à la surface, il faudrait creuser en usant d’une machine dont on dispose, ce qui n’a toujours pas eu lieu ! En revanche, les parties concernées ont préféré opter pour une petite source de compensation qui assure l’approvisionnement en eau d’irrigation contre 21dt l’heure », ajoute-t-il.

Quant aux puits profonds, il semble qu’ils sont exploités par les producteurs à tour de rôle. « Cela prend un mois, voire plus, pour pouvoir bénéficier de notre droit à l’irrigation », renchérit-il. 

Place à un office national des dattes !

Outre l’inaccessibilité à l’eau d’irrigation, les producteurs de dattes endurent d’autres difficultés. Les pratiques malsaines auxquelles recourent les spéculateurs leur portent préjudice. 

C’est qu’à défaut d’une institution nationale, à même de garantir la commercialisation de la production en toute transparence, les spéculateurs tirent profit de ce vide institutionnel pour acheter au moindre coût et vendre au plus cher. « Les spéculateurs réservent nos productions au tonnage, sans pour autant se prononcer sur le prix.

Puis, ils prennent tout leur temps dans l’attente de voir la marchandise s’assécher. Là, poursuit-il, ils l’achètent comme étant de deuxième ou de troisième choix alors qu’ils savent pertinemment qu’elle est de premier choix, mettant ainsi le producteur dans l’obligation de vendre à des prix qui ne couvrent pas ses dépenses et ne lui permettent pas d’enregistrer une marge bénéficiaire rassurante ».

Majdi évoque le coût grimpant de la production. Il rappelle toutes les mesures que prend l’agriculteur pour protéger sa production contre la pluie et le charançon rouge. « La filière n’est plus rentable comme elle l’était avant.

Aussi, faut-il soutenir les petits agriculteurs, garantir l’accès à l’eau d’irrigation, multiplier les unités de vente du producteur au consommateur pour barrer la route aux intermédiaires, mais aussi — voire surtout — instaurer une institution de tutelle, à même de réglementer la filière.

Toutes les grandes filières productives disposent d’un office national, notamment l’office national de l’huile, des agrumes et autres. A quand un Office national des dattes ? Pourquoi l’on fait la sourde oreille à chaque fois que l’on scande cette revendication ? Pourquoi ce blocage ? », s’interroge-t-il, irrité. 

Autant de défaillances que soulignent Majdi ainsi que bon nombre de participants à cet évènement ; des problèmes auxquels, pourtant, ils suggèrent des solutions applicables.

La création d’un office national des dattes permettrait une réglementation et une bonne gestion de la production, tout en venant en aide aux agriculteurs et en examinant les dossiers de la filière un à un… Garantir la transparence à toutes les étapes du circuit et mettre des plans d’action pour résoudre, durablement, les problèmes de la chaîne de production et de commercialisation, voilà à quoi aspirent les maîtres des oasis. 

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Auteur

Dorra BEN SALEM