La saison céréalière aurait dû se dérouler sous de bons auspices pour que les nouvelles semailles puissent commencer à temps. Hélas, tout accuse un retard cumulé, laissant ainsi nombre d’agriculteurs dans l’expectative, à la merci du hasard. Le manque de semences les a poussés à sortir de leur silence !
Bien qu’il pleuve, et que Dieu nous bénisse d’une manne céleste si généreuse, on n’est pas encore, semble-t-il, prêts à préparer nos terres et à mobiliser nos moyens nécessaires pour les semer. Sans le vouloir, les céréaliculteurs continuent à patienter, sollicitant semences et produits fertilisants, dont les quantités fournies par l’Etat ne sont pas aussi suffisantes.
Et celles, déjà, initialement programmées, dès septembre dernier, ne vont couvrir, en tout, que 350 mille hectares ou presque, soit plus de 750 mille hectares risquent de ne pas être emblavés. «On a déjà mis à disposition un stock d’environ 520 mille quintaux de semences sélectionnées, toutes variétés confondues», révèle Mohamed Ali Ben Romdhane, responsable à la direction générale de la production agricole.
Céréaliculteurs aux abois !
Deux mois plus tard, on ne voit rien venir ! Les quotas de semences du blé dur destinés à chaque région demeurent en deçà des attentes. Aux abois, les céréaliculteurs ne savent plus où donner de la tête. Ils demandent, essentiellement, les semences. «On ne sait pas pourquoi cela se passe ainsi fréquemment. On n’a jamais eu la chance de s’en approvisionner dans les délais, sans parler de l’absence de DAP ou autres engrais.
A chaque fois, on se trompe dans nos prévisions !», lance un agriculteur, sous le couvert de l’anonymat. La pénurie est ressentie, presque, partout.
«Jusqu’à aujourd’hui, 28 novembre, la forte demande en semences n’a pas été satisfaite. On n’en finit pas de lutter pour les trouver. Certains de mes collègues sont, jusque-là, restés sur leu faim. Ils cherchent «Mâali», «Inrat 100», «Saragolla» ou «Karim», comme leurs variétés de blé dur saines et préférées», témoigne Imed jamazi, agriculteur à Boussalem, dans le gouvernorat de Jendouba.
«Moi, non plus, je n’arrive pas à avoir mon quota de semences», renchérit-il, évoquant, , le problème lié au nouveau système de gestion semencière. Faute d’approvisionnement régulier en semences de blé, les céréaliculteurs ont, d’ailleurs, pris l’habitude de se fournir généralement de ce qu’ils mettent en réserve personnelle épargnée pour la saison suivante.
Cette année, tout a changé. «On m’a demandé de livrer toute la quantité de semences que j’ai déjà stockées après la récolte pour en avoir, en échange, d’autres dites sélectionnées, soit mieux traitées. Et jusqu’à ce jour, je n’ai rien reçu pour pouvoir semer», explique-t-il, admettant avoir eu seulement une quantité de semence mère destinée à la multiplication, et ce, en vertu d’un contrat conclu avec une société privée de fertilisation dans la région.
Face à cet élan de protestation et de plaintes, en raison d’un tel statu quo, aucune réaction n’a été observée à cet égard. Silence radio ! Le ministère de tutelle n’a pas appris de ses erreurs ! Il n’a pas non plus, prêté attention aux préoccupations et revendications des agriculteurs.
Tous aux abonnés absents
D’ailleurs, Imed n’est pas le seul à avoir pointé du doigt ce manque flagrant de semences. Le Syndicat tunisien des agriculteurs en avait beaucoup parlé. Dans une récente déclaration à une radio privée, son président, Midani Dhaoui, a dénoncé un tel retard enregistré, notamment au niveau de la fourniture de semences de blé dur, en s’appuyant sur les mêmes arguments déjà invoqués.
«Décembre est presque là, alors que la saison fait encore du surplace, d’autant plus que l’ensemencement des cultures de blé avance à un rythme plus lent, soit aux alentours de 40%, à l’échelle nationale», a-t-il averti, inquiet. En effet, ajoute-t-il, cela est de nature à affecter le cycle de croissance de la plante (floraison, maturité), mettant ainsi en danger toute la campagne céréalière. Et par ricochet, la prochaine récolte de blé serait, probablement, moins bonne que souhaité.
Par ailleurs, l’Office des céréales souffle le chaud et le froid ! Il n’arrive pas, jusque-là, à gérer la situation, alors qu’il avait promis monts et merveilles à coups de beaux discours. «C’est toujours comme ça ! Rien n’a changé, depuis des années», livre un autre céréaliculteur, mécontent. Il craint de ne pas y trouver son compte.
Et d’arguer qu’il a connu le même problème l’année dernière : «On ne m’a pas fourni la quantité de semences de blé dur dont j’avais besoin». Et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, il y a péril en la demeure ! Et l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche semble être aux abonnés absents.
Ses bureaux locaux et régionaux aussi. D’un autre côté, les cellules de vulgarisation et de formation agricoles, réparties dans les régions, ne font guère bonne figure, ayant failli à la mission pour laquelle elles ont été créées. Car, en l’état actuel des choses, rien n’indique le contraire !
Ces cartels du blé !
Pourquoi en est-on arrivé là ?! «On navigue à vue, sans aucun plan d’action et encore moins d’échange et de concertation avec le corps agricole», réplique un agriculteur de Béja. Car tout devait être engagé et préparé, des mois à l’avance. En juin dernier, rappelle-t-on, la Cheffe du gouvernement avait, lors d’un CMR consacré aux préparatifs de la moisson de l’année, fait la mise au point sur l’actuelle campagne céréalière.
Pour la réussir, elle avait, également, insisté sur la coordination entre tous les acteurs publics et privés, appelant à intensifier les efforts de sensibilisation et d’accompagnement des agriculteurs. Mais, rien n’y fit pour partir du bon pied.
Cette crise de semences, parlons-en ainsi, ne serait que la conséquence d’une mauvaise gouvernance du secteur tout entier. Ce qui fait que les cartels du blé n’hésitent pas à spéculer sur certaines variétés qui ne plaisent plus aux céréaliculteurs. «Nous voudrions nous approvisionner en semences de notre choix qui aient un rendement élevé et beaucoup mieux adaptées aux aléas du climat.
En plus de «Mâali», et «Inrat 100», nous optons aussi pour «Saragolla» et «Iride» deux variétés ayant fait preuve de résistance au stress hydrique et de haute performance, en termes de qualité et de quantité», réclament plusieurs agriculteurs.