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Economie

Fragmentation des chaînes d’approvisionnement, transition écologique et révolution technologique : Les politiques économiques à l’épreuve des grandes mutations mondiales

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  • 1 décembre 18:45
  • 4 min de lecture
Fragmentation des chaînes d’approvisionnement, transition écologique et révolution technologique : Les politiques économiques à l’épreuve des grandes mutations mondiales

Alors que la logique de sécurisation prime désormais sur celle de l’efficience, l’économie mondiale se recompose en profondeur. Fragmentation des chaînes de valeur, révolution technologique et impératifs de transition écologique redessinent, désormais, le paysage économique mondial.

Selon Fatma Marrakchi, directrice du Laboratoire d’intégration économique internationale, cette reconfiguration oblige les politiques économiques des Etats à arbitrer entre trois impératifs majeurs : la souveraineté, la compétitivité et la stabilité macroéconomique.

La Presse — Au cœur des bouleversements qui secouent l’économie mondiale, la Tunisie peut trouver sa voie. Les vulnérabilités inhérentes à une économie internationale en pleine recomposition, auxquelles elle est exposée, peuvent en effet être transformées en opportunités.

Tel est, en somme, le constat présenté par la directrice du Laboratoire d’intégration économique internationale, Fatma Marrakchi, lors du 1er congrès international de l’Itceq, tenu récemment à Tunis. Intervenant dans le cadre d’un débat sur «les défis de la politique économique à l’épreuve des grandes mutations», l’économiste a dressé le portrait d’une économie mondiale secouée par de profonds changements.

Celle-ci traverse aujourd’hui un moment charnière, marqué par la décomposition du paysage commercial au profit d’une nouvelle configuration. Trois transformations majeures sous-tendent cette recomposition : la fragmentation géoéconomique, la transition énergétique accélérée et la révolution technologique.

Une fragmentation des chaînes de valeur mondiales

Contrairement aux années 90, période durant laquelle le monde a connu l’essor des chaînes de valeur et un commerce international très florissant (les exportations mondiales ayant crû 4,4 fois plus vite que le PIB entre 1990 et 1995), le paysage des échanges se recompose aujourd’hui sous l’effet d’une fragmentation géoéconomique bien réelle.

Cette fragmentation, souligne l’économiste, est alimentée par des tensions géopolitiques exacerbées par des rivalités technologiques, mais aussi par des politiques industrielles interventionnistes et une transition énergétique qui redéfinit les règles du commerce international. Pour autant, fragmentation ne signifie pas fin des échanges, précise-t-elle.

Il s’agit d’une recomposition, portée par la régionalisation des chaînes de valeur (rapprochement des chaînes d’approvisionnement, ou nearshoring) et leur sécurisation, aujourd’hui prioritaire sur l’efficience, via le friendshoring. 

Selon Marrakchi, ces changements, devenus évidents, marquent la fin d’une « stabilité hégémonique». «Dans les années 1990, l’Europe accaparait 45 % du commerce mondial, l’Amérique du Nord 18 % et l’Asie 25 %. Le centre économique du monde se situait alors en Europe, en Amérique du Nord et autour de la Méditerranée.

Aujourd’hui, les échanges se sont recomposés autrement : la part de l’Europe est tombée à 36 %, celle de l’Amérique du Nord à 13 %, tandis que celle l’Asie atteint 35 %, notamment grâce à la Chine. Le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Est », a-t-elle souligné.

De profonds changements 

La transition énergétique accélérée, et plus largement la transition écologique, constitue également un facteur clé de cette recomposition, en agissant directement sur la compétitivité mondiale et celle des entreprises, estime l’économiste. Les pays avancés imposent désormais des normes climatiques et environnementales de plus en plus strictes.

Le Macf et le paquet Fit for 55 en Europe, ou encore l’IRA (Inflation Reduction Act) introduit aux États-Unis pour soutenir les industries vertes, sont autant de nouvelles réglementations qui impactent la compétitivité globale. 

Selon Marrakchi, la Tunisie, dont 70 % des exportations sont destinées à l’Union européenne, devra s’adapter et investir massivement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, afin d’éviter une taxation carbone punitive.

Enfin, la révolution technologique, incluant la digitalisation, l’intelligence artificielle et la souveraineté industrielle, devenues aujourd’hui des priorités pour les États, génère de profondes implications économiques à l’échelle mondiale.

Le monde s’oriente désormais vers une économie plus coûteuse mais aussi plus lente, explique l’économiste, car les pays privilégient la sécurisation.

Selon Marrakchi, la sécurisation des approvisionnements et la diversification des fournisseurs, visant à constituer davantage de stocks, deviennent les piliers d’une stratégie qui réduit les risques, certes, mais qui demeure plus coûteuse, contribuant à la persistance de tensions inflationnistes et à l’exacerbation de la concurrence en vue d’attirer les industries stratégiques.

L’économiste affirme que, dans ce contexte, les politiques économiques devront arbitrer entre trois impératifs clés : la souveraineté, la compétitivité et la stabilité macroéconomique.

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Auteur

Marwa Saidi