Quarante jours après sa disparition, Fadhel Jaziri continue de rassembler. Entre hommage vibrant au théâtre du 4e Art, où son œuvre foisonnante a été célébrée six heures durant, et cérémonie plus formelle à la Maison de la culture Ibn-Rachiq, la mémoire du metteur en scène, acteur et créateur visionnaire, a révélé, une fois encore, l’empreinte indélébile qu’il laisse sur la scène culturelle tunisienne.
La Presse — Déjà 40 jours que Fadhel Jaziri a tiré sa révérence le 11 août 2025 suite à une longue maladie. Le ministère de la Culture et le Théâtre National Tunisien ont organisé, samedi dernier au 4ème Art, un long hommage qui a duré 6 heures en présence de Hédia Ben Ammar Jaziri, l’épouse du défunt, sa famille, ses compagnons de route et un public nombreux venus saluer la mémoire de l’artiste qui a marqué, par ses productions grandioses, la scène culturelle tunisienne.
De son côté, la Délégation de la culture de Tunis a proposé une manifestation moins ostentatoire et plus conventionnelle pour commémorer la mort de l’artiste dont l’œuvre foisonnante et multiforme révèle ses multiples casquettes d’acteur, auteur, metteur en scène de théâtre, réalisateur de films et dessinateur.
Le Théâtre National Tunisien (TNT) a mis le paquet pour cette célébration qu’il a voulue digne du talent de l’artiste. L’événement a démarré avec une représentation de la pièce, la dernière de son auteur, « Jranti Laâziza » (Au violon !). Une pièce de deux heures qui passe en revue la vie de Fadhel Jaziri et sa relation avec son pays depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, le milieu artistique, les amis qu’il a fréquentés, ainsi que des personnalités ayant marqué leur époque, et ce, en les nommant un à un.
C’est l’histoire d’un violoniste raté et de sa femme chanteuse qui a fini par l’abandonner pour aller travailler dans l’un des pays du Golfe.
Pour la première fois et contrairement à ses précédentes créations, Jaziri, rongé par la maladie, met en scène une pièce intime avec, peu de personnages et une scénographie sobre et avec une économie de moyens, laissant la place aux instruments et aux comédiens de s’exprimer et d’étaler leur talent. Un théâtre de « pauvre » où l’espace est limité et la lumière réduite à son strict minimum.
Après la représentation, la soirée s’est poursuivie avec des extraits en live de « Hadhra » avec les fidèles Samir Ressaissi, Riadh Sghaier et Mohamed Ghedira qui ont accompagné Jaziri durant des décennies, « Arboun », « Caligula II », des vidéos sur ses films et les répétitions avec les acteurs, ainsi que des témoignages poignants du directeur du TNT, Moez M’rabet, de la directrice du théâtre et des arts scéniques, Nissaf Ben Hafsia, ainsi que de ses amis : l’ex-ministre de la Culture Raouf Basti, Raja Farhat, Raouf Ben Amor, Hamadi Redissi, Ali Mezghani,Taher Aissa Belarbi, acteur dans la pièce « L’homme à l’âne » et les films « Thalathoun » et « Guira »,Ghanem Zrili qui a campé le rôle de Bourguiba dans « Talathoun», le critique et directeur de l’Isad, Abdelhalim Massoudi et d’autres à distance, Fathi Ben Slama et Haythem Lahdhiri. Tous ont exprimé avec émotion leur reconnaissance à Jaziri dont les projets, particulièrement le Centre culturel de Djerba, non encore opérationnel, qui sera d’un grand profit pour les générations futures.
L’hommage à MC Ibn-Rachiq conventionnel
De son côté, la Délégation de la culture de Tunis a célébré, vendredi dernier à la Maison de la culture Ibn-Rachiq, un hommage à l’auteur et metteur en scène Fadhel Jaziri, et ce, en présence de sa femme et quelques membres de sa famille et de ses amis.
L’hommage sans âme n’était pas à la hauteur de la stature et de la carrière de l’homme qui a consacré sa vie au service de la culture et qui a cumulé plusieurs fonctions : acteur, auteur et metteur en scène de théâtre, cinéaste et concepteur de méga-spectacles. L’hommage a été fait à la va-vite et de manière approximative par une équipe qui n’était pas proche de Jaziri.
Avant la projection de la vidéo réalisée pour l’occasion, Imed Medyouni, délégué de la culture de la ville de Tunis, a tenu à saluer l’assistance en indiquant que cet hommage est un signe de reconnaissance et de considération à un grand artiste qui a enrichi par ses œuvres le patrimoine culturel tunisien qui resteront gravées dans les mémoires des générations de spectateurs et d’artistes.
A l’issue de cette allocution, la cérémonie s’est poursuivie avec la projection d’une vidéo réunissant une série de témoignages de quelques professionnels ayant côtoyé Jaziri à l’instar de Mounir Argui qui a été son assistant durant plusieurs années sur ses mega -spectacles : «Hadhra», «Noujoum», «Zghonda et Azouz» et d’autres, Lamine Nahdi qui a joué avec lui dans la pièce «Arab» dont il garde de bons souvenirs des coulisses et des représentations qui ont été données à la Cathédrale Saint Louis avant qu’elle ne soit baptisée Acropolium de Carthage.
Ses amis Chedly Ben Younes et Raouf Ben Amor ont évoqué quelques anecdotes de leur jeunesse. Excepté Fathi Kharrat et Amel Nassiri qui ont été ses assistants ces dernières années, le reste des intervenants ne sont ni des amis proches, ni des collaborateurs. Leurs témoignages sont superficiels et sans consistance.
Par ailleurs, l’exposition de photos, présentée dans le hall de la Maison de la culture, n’est pas représentative de la carrière de l’artiste. Les illustrations sans légendes représentaient des moments de répétition des portraits ou encore deux photos du film «Traversées» dispersées ça et là. Les visiteurs non avertis ne peuvent identifier les photos et les circonstances dans lesquelles elles ont été prises.
L’hommage était expéditif. Une simple formalité à l’instar de ce livret édité pour la circonstance et réunissant les mêmes clichés que ceux de l’exposition. Il est regrettable que les amis proches, les collaborateurs et les centaines d’artistes ayant accompagné Fadhel Jaziri durant sa carrière soient quasiment absents de cette célébration.
