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Tekelsa : Une plage menacée entre érosion, pollution et initiatives citoyennes

  • 9 octobre 17:40
  • 6 min de lecture
Tekelsa : Une plage menacée entre érosion, pollution et initiatives citoyennes

Le sable disparaît, les roches émergent et les déchets s’accumulent : Tekelsa, plage encore préservée du tourisme de masse, est en butte à une menace croissante. Pourtant, face à cette inquiétante dégradation, des initiatives citoyennes et des propositions institutionnelles laissent entrevoir un futur plus durable.

La Presse — Le sable de la plage de Tekelsa s’effrite sous nos pieds. Ici, les vagues semblent plus voraces qu’autrefois, emportant peu à peu ce littoral que les habitants ont connu depuis toujours. La montée des eaux, l’érosion des dunes et la pollution ne sont pas de simples chiffres sur un rapport : elles sont tangibles, visibles et inquiétantes.

Cette visite sur le terrain, organisée dans le cadre d’une formation sur les changements climatiques pour les journalistes, permet de constater de visu les effets dramatiques de ces phénomènes sur les écosystèmes côtiers et sur la vie des communautés locales.

Recul du littoral

Sur la plage de Tekelsa, le recul du littoral est évident. Les roches, autrefois cachées sous le sable, commencent à affleurer sous l’effet du vent et de l’érosion. «Quatre ans en arrière, on ne voyait pas ces roches-là», selon Mohamed Temimi, fondateur du projet Tunisian Campers et passionné des randonnées écologiques dans les coins inconnus de la Tunisie. «Maintenant, ces roches sont devenues nues et ont remonté à la surface, ce qui montre que les effets des changements climatiques sont tangibles et visibles même à l’œil nu», poursuit-il.

Une plage difficile d’accès mais convoitée

Malgré la difficulté d’accès à cette plage quasi vierge, on a constaté que certains amoureux du tourisme balnéaire et passionnés des baignades ont découvert ce coin magnifique et viennent via leurs 4×4 ou voitures tout-terrain profiter d’une mer propre loin des agglomérations et de l’encombrement des plages accessibles à tout le monde, joignant aussi la beauté de la nature et de la montagne sablonneuse dotée d’une source d’eau bénie.

La pollution laissée par les visiteurs

Sauf que ces derniers, qui ont parcouru ce long trajet pour se rendre à cette plage, n’ont malheureusement pas la conscience de prendre leurs déchets et poubelles avec eux pour préserver cette pépite. Lors de notre visite, nous avons rencontré un groupe d’ouvrières de l’Apal qui viennent une fois toutes les deux semaines pour enlever les ordures laissées par ces visiteurs dont l’inconscience, l’égoïsme et la négligence ont atteint un seuil intolérable.

Une absence criante de protection officielle

Cette plage visiblement n’est pas protégée malgré l’effort de l’Apal dans le nettoyage. On constate l’absence de la municipalité : aucun panneau, aucune affiche, aucune présence des autorités locales. On ne voyait qu’une occupation temporaire par des cabanes offrant parasols et autres aux visiteurs qui se baignent. Mais la nature a horreur du vide.

Si un programme de préservation de cette plage n’est pas mis sur pied, on risque de la perdre à cause de la pollution et l’exploitation abusive, et on ne voudrait pas y voir apparaître un deuxième Coco Beach ne respectant pas la nature et recevant des visiteurs de loin pour déverser leurs ordures comme bon leur semble.

Les habitants locaux laissés pour compte

La population locale ne semble guère bénéficier de cette richesse naturelle. «Auparavant, on venait pêcher dans cette plage magnifique et on vendait nos poissons pour financer nos études», affirme Chokri Amiri, originaire de Tekelsa. «Maintenant, la plage est devenue plus petite et il n’y a pas de place pour amarrer nos barques. On aurait aimé que les autorités pensent à un port de pêche ici», a-t-il suggéré. «Tekelsa est resté un minuscule village oublié», ajoute-t-il avec amertume.

Malgré les richesses naturelles de la région, qui est à la fois agricole et côtière, les habitants locaux ne participent pas à son développement. «La plupart ici à Tekelsa travaillent à l’OTD et ne possèdent pas de terrain ou très peu», précise-t-il. Mis à part cela, aucun développement ou loisir ne se trouve dans la région. «La seule escapade et échappatoire et moyen de plaisir, c’est l’alcool pour la plupart des hommes ici», avoue-t-il.

Des initiatives citoyennes encouragées

Une lueur d’espoir pourra peut-être émerger à travers la transformation de problèmes en solutions. Kais Habchi a eu une belle initiative de collecter les déchets plastiques et espère la transformer en un véritable projet. «Je suis le seul dans la région à collecter les déchets plastiques, mais je veux bien avoir une équipe avec moi et j’espère créer un point de collecte.

Comme ça le projet pourrait devenir plus rentable, parce que tout seul et sans aucun engin, je n’arrive pas à collecter grand-chose, avec un bénéfice variable entre 10 à 20 DT par jour, faute de moyens», explique-t-il, montrant qu’il ne possède même pas un motocycle ni une brouette.

Vers une protection institutionnelle

Face à cette situation, des propositions institutionnelles apparaissent. Karim Boulifa, responsable à l’Apal, propose de créer une réserve naturelle pour protéger cette plage et son écosystème fragile. Une telle initiative permettrait de concilier préservation de l’environnement, valorisation du patrimoine naturel et sensibilisation des visiteurs, tout en offrant un cadre réglementé pour éviter les dérives touristiques et la pollution.

Agir collectivement pour préserver Tekelsa

Ainsi, l’avenir de Tekelsa dépend d’une conscience collective : la responsabilité des visiteurs, l’engagement des autorités locales et le soutien aux initiatives citoyennes sont essentiels pour préserver cette richesse naturelle. Sans action rapide, cette plage risque de disparaître sous l’effet de la pollution et de l’exploitation abusive. Mais grâce à ces initiatives locales et propositions concrètes, un avenir durable reste possible, transformant Tekelsa en un exemple de préservation et de développement harmonieux pour la Tunisie.

Auteur

La Presse