Rencontre : L’intimité à l’écran entre créativité et éthique : Une nouvelle pratique de protection de l’acteur
Aborder l’intimité à l’écran n’est pas chose aisée, surtout dans un contexte où l’art et l’éthique se frôlent sans toujours se rejoindre. Lors du festival «Regards de femmes», la réalisatrice Ismahan Lahmar a ouvert un débat inédit en Tunisie et dans le monde arabe sur la représentation des scènes sensibles et la nécessité d’un cadre professionnel… garantissant respect, consentement et créativité.
La Presse —Parmi les activités proposées au cours de la 6e édition du Festival international du film des femmes : «Regards de femmes», a été organisée une rencontre autour de «L’intimité à l’écran entre créativité et éthique», animée par la réalisatrice Ismahan Lahmar. C’est la première fois qu’un tel sujet est abordé en Tunisie et dans le monde arabe.
L’intervenante a d’abord donné une définition sur la notion d’intimité à l’écran qui fait référence à la représentation de scènes intimes: nudité, sexualité simulée et autres scènes sensibles. Ce nouveau concept mis en place par des syndicats d’acteurs en particulier et des mouvements féministes a permis de créer le métier de coordinateur d’intimité dont le rôle consiste à assurer un environnements de travail sain et éthique pour les acteurs.
«L’objectif est de permettre l’utilisation des scènes intimes en rapport avec le corps du comédien avec son consentement et de manière artistique tout en garantissant le respect des limites de chacun. Un constat a été fait sur les plateaux de tournage où les situations d’abus et d’inconfort sont parfois observées», assure Ismahan Lahmar.
Tenant compte de ces excès qui créent des tensions et enveniment les relations entre les acteurs, le réalisateur et les techniciens, a été créé le métier de coordinateur d’intimité dont le rôle est d’agir comme médiateur entre les acteurs et l’équipe de réalisation du film pour garantir que les scènes d’intimité se déroulent dans le respect et sans aucune ambiguïté.
«C’est en amont que le médiateur intervient pour participer à la planification des scènes afin que les acteurs sachent exactement ce qui sera filmé en s’assurant que le consentement de tous les acteurs soit respecté tout au long du processus de production», ajoute la réalisatrice.
La pratique de la médiation de l’intimité se développe dans les années 2005 d’abord dans le théâtre avec le directeur d’intimité puis en 2015 au cinéma. La fonction s’est imposée dans les pays anglo-saxons à l’initiative du mouvement Metoo et l’affaire Weinstein. De nos jours, aux États-unis, il est quasi obligatoire de faire appel à un coordinateur d’intimité sur les tournages américains dont ceux de Netflix.
Selon Ismahan Lahmar, le métier nécessite une formation dispensée par des professionnels du spectacle qui doivent être à l’écoute des comédiens pour qu’ils se sentent en sécurité. Se munir donc d’outils nécessaires pour éviter les traumas antérieurs ou qui peuvent survenir au moment de l’action. Il y a lieu de trouver des alternatives au cas où l’acteur refuse d’exécuter telle ou telle scène qui peut réveiller chez lui de mauvais souvenirs. Le tournage d’une scène intime doit être chorégraphié. Le coordinateur d’intimité est rémunéré par le producteur.
Cette pratique reste peu connue et considérée comme un frein à la créativité et les coordinateurs comme des personnes pouvant entraver la réalisation de scènes qui s’intègrent à la narration. Qu’ en est-il dans les pays arabes ? «La notion de coordination d’intimité n’est pas encore connue. Il faut une prise de conscience de la part des acteurs pour protéger leur corps et leur intimité. Mais les difficultés à trouver des financements pour la production de films est déjà un handicap. Mais les syndicats ont un rôle à jouer pour imposer cette nouvelle pratique.