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Énergie et développement durable : Lorsque la Tunisie élargit sa coopération électrique régionale

  • 29 octobre 18:30
  • 5 min de lecture
Énergie et développement durable : Lorsque la Tunisie élargit sa coopération électrique régionale

La Tunisie renforce ses échanges électriques avec l’Algérie et la Libye afin de garantir la stabilité de son réseau. Cette coopération régionale s’inscrit dans un contexte de hausse de la demande nationale et de transition progressive vers les énergies renouvelables.

La Presse — La Tunisie s’appuie davantage sur l’interconnexion avec l’Algérie pour compléter sa production nationale et garantir la stabilité de son réseau électrique. Omar Chaalal, professeur d’ingénierie à l’Université d’Abu Dhabi et expert international en technologies de séparation et inventeur de plusieurs procédés innovants, a expliqué que « cette coopération énergétique croissante pourrait jouer un rôle déterminant dans la stabilité du réseau électrique tunisien, mais également sur les coûts supportés par les consommateurs ».

Selon lui, « la Tunisie a intensifié ses importations d’électricité afin de répondre à la demande nationale, notamment en raison des restrictions imposées sur les achats de gaz algérien, principale source d’énergie pour la production électrique ». Il souligne que « l’interconnexion déjà opérationnelle avec l’Algérie et la Libye permet au pays de mieux gérer les pics de consommation, tout en limitant les risques de coupures ».

Une coopération régionale devenue essentielle

Omar Chaalal rappelle qu’« il y a, à peine quelques années, la Tunisie assurait encore son autosuffisance énergétique ».

Aujourd’hui, dit-il, « le pays dépend de plus en plus de ses voisins, un choix pragmatique mais révélateur d’un déséquilibre structurel dans la production nationale ».

L’expert précise que « les importations tunisiennes d’électricité algérienne ont atteint 2.370 GWh à fin novembre 2022, soit environ 13 % de la production nationale, selon les données du ministère de l’Énergie ». Il note également qu’« entre novembre 2021 et novembre 2022, ces achats ont bondi de 167 % », une hausse qu’il attribue à « la limitation des volumes de gaz importés, qui a contraint la Steg à se tourner davantage vers les interconnexions électriques ».

Aujourd’hui, « la Tunisie importe environ 14 % de son électricité depuis l’Algérie et la Libye », estime Chaalal. Une évolution qui, selon lui, « s’inscrit dans un contexte de légère baisse de la production nationale, reculée de 2 % sur un an ».

« Les énergies renouvelables ne représentent encore que 5 % de la production nationale », observe-t-il, tout en soulignant que « la demande, notamment industrielle, reste soutenue malgré le ralentissement de l’activité économique ».

Il ajoute que « les industries consomment à elles seules 57 % de la demande totale en haute et moyenne tension, ce qui illustre la dépendance du modèle tunisien à une énergie encore largement fossile ».

Face à cette situation, Omar Chaalal estime que « la Tunisie n’a d’autre choix que d’accélérer sa transition énergétique ». Celle-ci, rappelle-t-il, repose sur « trois piliers : le développement massif des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la mise en œuvre d’une politique nationale de l’hydrogène vert ».

Hydrogène vert et nouvel horizon stratégique

« Le gouvernement encourage désormais les producteurs privés à investir dans la production d’électricité renouvelable », note-t-il, en précisant que « ces acteurs peuvent vendre leur excédent sur le réseau national, une mesure qui marque une rupture avec le modèle centralisé traditionnel ».

Parallèlement, « la stratégie nationale pour l’hydrogène vert, élaborée avec l’appui de la coopération allemande (GIZ), prévoit d’exporter plus de six millions de tonnes vers l’Europe d’ici 2050 », indique-t-il.

Mais il avertit : « Cette orientation, aussi prometteuse soit-elle, risque de privilégier les besoins européens au détriment des priorités locales ».

« L’épuisement progressif des réserves nationales de pétrole et de gaz, conjugué à la dépendance à l’égard du gaz algérien, met à rude épreuve la sécurité énergétique et les finances publiques du pays », poursuit-il. Selon Chaalal, « les récents changements géopolitiques peuvent, toutefois, offrir une fenêtre d’opportunité pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables ».

« L’Europe cherche aujourd’hui à sécuriser un approvisionnement vert post-crise ukrainienne, et la Tunisie peut se positionner comme un partenaire stratégique dans ce cadre », ajoute-t-il.

Il appelle, néanmoins, à « une transition énergétique juste, fondée sur la souveraineté et la participation communautaire ».

À ses yeux, « la vraie question est de savoir qui profite réellement de cette transition et qui en supporte les coûts ».

Enfin, Omar Chaalal estime que « les entreprises tunisiennes peuvent tirer parti de la coopération régionale en participant à des projets collaboratifs, en accédant à des financements internationaux et en intégrant des technologies propres ». En s’alignant sur les orientations de l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie, « elles contribueront à moderniser les infrastructures, réduire les coûts et renforcer l’autonomie énergétique du pays », conclut-il.

Auteur

La Presse